Edmond-Marie BOUVY – 1847-1940

Une ouverture filiale:

« Le dernier venu de votre famille n’est pas celui qui vous doit le moins
de reconnaissance. Chaque jour je me sens pénétré plus vivement de cette
conviction intime de ma vocation et en même temps j’éprouve le besoin
d’entrer avec vous en communion plus parfaite de pensées et de sentiments.
Je crois que ce désir ne peut que plaire à dieu puisqu’il est le point de
départ à l’esprit de respect et d’obéissance filiale.
J’espère que toute ma conduite vous donnera satisfaction,
mais il est une qualité du religieux que je possède déjà, et c’est la seule
sans doute, je veux dire la confiance absolue et la plus complète franchise
de cœur. Il m’arrive quelquefois de mal régler mon dévouement, mais ce
n’est qu’un défaut de l’esprit, et je pêche plutôt par enthousiasme que par
froideur. Et sur qui voulez-vous que je porte aujourd’hui mon dévouement
même enthousiaste’? N’ai-je
pas été abandonné de tous et la providence ne vous-a-t- elle
pas désigné en toute évidence pour devenir auprès de moi l’interprète des
volontés de Dieu et l’instrument de ses miséricordes? ».
Fr. Bouvy au P. d’Alzon.
1873.

Religieux de la Province de Paris.

Une vocation éprouvée.

Edmond est né le 17 mai 1847 à Roubaix (Nord), si chétif qu’on prédisait à sa mère une mort imminente. Sa scolarité s’est déroulée au collège Notre-Dame des Dunes à Dunkerque (1856-1867). Edmond a raconté lui-même son itinéraire de jeunesse: « je suis passé, déjà bachelier, au grand séminaire de Cambrai (1867) où j’ai pris la soutane et reçu la tonsure, mais ma chétive santé obligea mes directeurs à me renvoyer en famille ». Il devient alors professeur au collège de Tourcoing (1868- 1871), se présente au noviciat des jésuites à Saint-Acheul, mais n’y est pas gardé à cause de sa santé. Pendant la guerre de 1870, il se porte brancardier volontaire et reprend un service d’enseignement au collège Saint-Etienne de Meaux (1871-1873) et prépare en même une licence passée à Douai (1872). Un ami lui fait connaître alors le P. Vincent de Paul Bailly qui le fait entrer au collège de l’Assomption de Nîmes (mars 1.873). Il Y prend l’habit assomptionniste le 6 mars et prononce ses vœux perpétuels le 21 mars 1876. Mgr. de Cabrières l’ordonne prêtre le 23 septembre 1876 dans la chapelle des jésuites à Montpellier. Le P. Edmond a étudié par lui-même la théologie, ce qui n’empêche pas qu’il sera sollicité en 1877 par la jeune Faculté catholique de Lyon pour y enseigner.

Un professeur et auteur de qualité.

Esprit fin et clair, d’un style élégant, remarquable de couleur et de mouvement, le P. Edmond peut servir au moins de contre-exemple éclatant à tous ceux qui ne veulent voir dans les premiers assomptionnistes que des ‘minus habens’ sur le plan intellectuel. Professeur donnant le goût et l’enthousiasme pour les études, il est attaché au collège de l’Assomption à Nîmes

où il enseigne diverses matières de 1873 à 1888 et collabore à la Revue de l’enseignement chrétien. En mai 1886, il est reçu docteur-ès lettres à Paris. De 1888 à 1900, il réside habituellement à Paris, à diverses reprises, s’adonnant au ministère de la prédication et se livrant à des travaux de publication, avec une absence d’une année à Jérusalem (1896-1897) pour enseigner la théologie aux scolastiques de l’Assomption, deux ans à Livry pour enseigner les novices (1890-1892), deux ans aussi à la maison d’études de Kadi-Keuï (1895-1896). La revue des Echos d’orient lui doit dès octobre 1897 une ferme impulsion et un article programme. On fait toujours appel à sa science et à son dévouement pour asseoir et fortifier la maison de théologie que l’Assomption fonde à Bure en Belgique d’abord (1900), transférée très vite à Louvain. Il est aux côtés du P. Merklen pour lancer la Revue Augustinienne (1902-1910) qui se fait une place respectée dans le monde ecclésiastique savant. En 1910, le P. Edmond est envoyé à Montpellier pour un ministère de prédication, le climat du Midi convenant mieux à sa santé. Il part ensuite pour Rome (1913-1919) employé au professorat. Les maisons de semi- repos l’accueillent, tant à San Remo d’abord à partir de 19l9 qu’à Menton ensuite (1923-1927).

A l’heure du grand âge.

Lorgues (Var) enfin s’ouvre à lui (1927-1940), parvenu à une vieillesse prononcée, mais gardant toute sa lucidité d’esprit. Il a le bonheur, rare, d’y célébrer ses noces de diamant sacerdotales (1936). Il continue à écrire dans diverses revues, dont la Vie Augustinienne, et à prêcher dans les communautés environnantes. Il y vit aussi de la force de ses souvenirs, évoquant le fondateur et le passé de l’Assomption. Humaniste, maître en prose mais aussi émérite praticien de la poésie à ses heures, latine et française, d’une sensibilité extrême presque maladive, le P. Edmond atteint le grand âge et porte les épreuves qui l’accompagnent. La moindre attention le met en train, le moindre oubli ou indélicatesse l’enferme dans des sentiments sombres qu’il ne peut toujours réprimer. Il meurt à Lorgues le 3 juillet 1940, à plus de 93 ans, presque inaperçu, à un moment où les événements militaires dramatiques plongent le pays dans une sorte de torpeur générale.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettres d’Alzon, t. XIII (1996), p. 437-438. Lettre à la Dispersion, 1940, n° 827, p. 2-4. Catholicisme, t. II, col. 224-225 (article du P. Aurèle Oclil). Echos d’Orient, t. 39, p. 480-491. L’article biographique du P. Grumel sur le P. Bouvy donne en annexe, sous la signature de J. Gouillard, la liste impressionnante des ouvrages, articles et autres opuscules écrits par le P. Bouvy. Les archives romaines ne contiennent pas moins de 16 fiches renvoyant à l’abondante correspondance de ce religieux dès les années 1875, ainsi qu’à différents articles, conférences, ouvrages et rapports publiés ou inédits du P. Bouvy.