Fortuné (Fortuné-Marius) BADAROUX – 1883-1949

Portrait.

« Le P. Fortuné paraît timide et il l’est. Parlant peu, gesticulant encore
moins, se contentant souvent d’une exclamation, d’un signe de tête ou d’un
très léger haussement d’épaule. A pas feutrés, silencieux, rasant les murs
il cherche l’effacement et semble ne passer sur le théâtre de la vie que
derrière le rideau.

Et pourtant chez le P. Fortuné la vie circule fervente mais toute
au-dedans, craignant de s’exprimer au-dehors de peur de s’attiédir. Mais ce
faible qui veut paraître faible est un fort. Patient, calme, semblant ne
pas réagir contre l’adversité, il la prévoit, l’attend et la reçoit
comme une grande dame avec un sourire respectueux. Supérieur en Espagne, il
connaît le martyre des écus, le souci du quotidien. Cet homme effacé sait
se montrer énergique et grand pendant la guerre d’Espagne. Les rouges
réquisitionnent la maison, la saccagent, décapitent la statue de la Vierge
dans la grotte. Il réclame, sauve ce qui peut l’être, veille sur les
enfants et ne rentre en France que sur l’ordre de ses supérieurs… ».
Voulez-vous? 1949

Religieux de la Province de Bordeaux.

Un lozérien sur les bords de la Marmara.

Fortuné Marius est né le 11 juin 1883 à Cayroux près de Massegros en Lozère, dans une famille qui donne à l’Eglise deux prêtres – le P. Aimé – et deux religieuses. A 13 ans Marius s’oriente vers la vie religieuse et le sacerdoce. Il entre à l’alumnat du Breuil (Deux-Sèvres) de 1896 à 1899 et à Saujon, près de Royan en Charente- Maritime de 1899 à 1901. Il prend l’habit assomptionniste à Louvain en Belgique le 25 septembre 1901 et s’embarque à Marseille pour se rendre au noviciat assomptionniste d’Orient à Phanaraki en Turquie où il prononce ses premiers vœux le 25 septembre 1902. L’Orient va le garder de longues années, car il poursuit sur place ses études de philosphie (1903-1905) avant de gagner Louvain pour la théologie (1908-1911) qu’il termine à Rome (1911-1912). De 1905 à 1908, il a fait l’expérience de l’enseignement, à Konia, fasciné par ce monde musulman qu’il recréera par la suite dans des séances récréatives. C’est à Phanaraki qu’il prononce ses vœux perpétuels le 27 septembre 1903 entre les mains du P. Souarn et à Louvain qu’il est ordonné prêtre le 9 juillet 1911 par Mgr Wachter, auxiliaire de Malines.

Professeur-formateur à Elorrio.

En 1912, il gagne Elorrio en Espagne, alors maison de transit pour gagner l’Amérique du Sud, mais il y plante sa tente pour de longues années (1912-1936), sauf l’interruption militaire 1915-1917 passée à Montpellier. Professeur, liturge, c’est l’homme ordonné, d’un abord plutôt froid mais d’une justice sans défaut. Nommé supérieur en 1920, il doit laisser partir les élèves français à Saint-Maur et l’évêque de Victoria en 1922 prive la maison des candidats basques qu’il réserve au clergé diocésain.

En 1926, il laisse sa charge de supérieur au P. Maxime Bruchon pour celle d’économe. Il s’ingénie à trouver des ressources pour faire vivre un internat sans moyens; en 1929, il est à nouveau nommé supérieur et il essuie de plein fouet les difficultés créées par l’installation du régime républicain. En 1934, il ne reste dans la maison que deux professeurs et une quinzaine d’alumnistes. Les Asturies s’enflamment, les miliciens occupent la maison en octobre 1936 et la dévastent. On doit fuir dans un couvent mariste proche. Un navire anglais ‘Exmouth’ transporte les restes de l’alumnat à Saint-Jean de Luz. Avec le P. Michel Pruvost il repasse la frontière et, malgré les dégâts, à force de ténacité, Elorrio reprend vie en 1939. En août 1939, épuisé par ces années difficiles, le P. Fortuné quitte Elorrio, il gagne la maison de Layrac qui, à son tour réquisitionnée pour les besoins de la guerre, l’oblige à se diriger sur Viviès, maison de vacances des orphelins de la Grande Allée de Toulouse qu’ils ont dû abandonner, car transformée en hôpital.

Au service de l’orphelinat de Toulouse.

En 1942, tout le monde peut rentrer à Toulouse où le P. Fortuné devient aumônier. Prévenant et délicat, il gagne la confiance des jeunes avec cette amabilité discrète qui le caractérise. Bien qu’il n’ait que soixante-trois ans en 1949, il fait figure de vieillard, usé prématurément. En novembre 1948, il connaît un premier accroc de santé, mais il s’en remet. Le vendredi 4 mars 1949, lui si ponctuel, n’est pas présent pour la célébration de la messe à 7h30. Une Sœur monte dans sa chambre et le trouve dans son lit, sans contraction mais sans mouvement. Il faut se rendre à l’évidence, le Père Fortuné est mort, d’une embolie sans doute. Ses obsèques sont célébrées le samedi 5 mars dans la chapelle de l’orphelinat de la Grande Allée, présidées par le Provincial de Bordeaux, le P. Régis Escoubas, et le Père Fortuné est inhumé dans le caveau que la communauté possède au cimetière de la ville. Il n’a que soixante-six ans.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille 1949, n° 69, P. 161-163; n° 73, P.37-39. Voulez-Vous ? (bulletin de Layrac), 1949, n° 12, p. 4-5. Lettre du P. Régis Escoubas du 3 mars 1949 Sont conservés une partie de la correspondance du P. Fortuné Badaroux, entre 1912 et 1949, ainsi que ses rapports de supérieur d’Elorrio entre 1928-1935. Il a d’autre part donné à la Lettre à la dispersion de nombreuses chroniques sur Elorrio, Perpignan et Montpellier.