Gérard LANCRY – 1882-1905

Paroles de vie.
« Le jour même où le Frère Gérard demandait sa guérison, l’Église fait lire
à l’Office le texte du livre de la Sagesse:
‘La sagesse tient lieu pour l’hornme de cheveux blancs, et l’âge de la
sagesse, c’est une vie sans tache. Il a été enlevé de peur que la malice
n’altérât son intelligence et que la séduction ne pervertît son
âme. Arrivé en peu de temps à la perfection, il a fourni une longue
carrière, son âme était agréable à Dieu, c’est pourquoi le Seigneur s’est
hâté de le retirer du milieu de l’iniquité’. Souvent lorsqu’on lui parlait
du mérite de la souffrance, le
Frère Gérard hochait la téte:
‘Je sais bien qu’on a autant de mérite à souffrir qu’à travailler, surtout
quand on travaille sans but, comme ces pauvres terrassiers turcs qui
arrangent notre puits. A quoi cela leur servira-t-il? Moi aussi, j’ai
beaucoup travaillé à ces fameux bancs!J’y ai peut- être mis un peu trop
d’amour- propre. Le bon Dieu m’en a puni. Depuis quelques jours, j’ai la
gorge en feu. Il y a toujours des crapauds qui montent et qui descendent.
Je crois que je suis bien fatigué. Me cacherait-on quelque
chose? Le médecin m’a dit que c’était une grande fatigue. J’ai posé à
l’atelier et on m’a fait le portrait ».

Religieux français, profès simple.

Un orphelin.

Né dans le Pas-de-Calais, le 3 octobre 1882, d’après le Registre des professions de Phanaraki (1), Gérard, orphelin de mère dès la petite enfance, est placé par un oncle à l’orphelinat du P. Halluin, à Arras. Il y mène pendant 7 ans une vie de travail et d’étude, selon les conditions habituelles de la formation à l’orphelinat. D’un caractère serviable, d’une grande bonté d’âme, très travailleur et habile de ses mains, le jeune Gérard décide de se faire religieux coadjuteur et demande à entrer dans la famille de l’Assomption. Postulant, il est admis à prendre l’habit, le 11 février 1901, à Louvain en Belgique. Le noviciat des Frères coadjuteurs dure à l’époque trois ans.

Religieux menuisier.

Le Frère Gérard a la chance d’être envoyé à Notre- Dame de France à Jérusalem, où , comme saint Joseph à Nazareth, il travaille à la menuiserie pour les besoins de la maison. On dit que sa cellule, au rez-de-chaussée, donne à même sur le terre-plein de la cour. Un jour qu’il a oublié un objet à l’atelier, le Frère Gérard, pour aller plus vite, enjambe la fenêtre et saute dans le vide. Mais en croyant entrer dans sa cellule, il s’est trompé et en fait il tombe sur les rochers des fondations du futur réfectoire, d’une hauteur de 5 à 6 mètres. Pour comble d’infortune, les frères étudiants sont, en ce moment, en excursion archéologique sur les bords du Jourdain. On ne retrouve donc le Frère Gérard que tard le soir, évanoui, baignant dans son sang, l’épaule fracturée. Pourtant il s’en tire au bout de quelques mois et peut terminer son temps de noviciat, par la première profession, le 16 juillet 1904. Il gagne Phanaraki, sur les bords de la Mer de Marmara, en face d’Istanbul,

sur la rive asiatique, pour travailler à ce que l’on appelle avec humour ‘l’Ecole des Beaux-Arts’. Il s’agit en fait d’un simple atelier de menuiserie et de peinture où des religieux coadjuteurs réalisent les commandes des missionnaires. Sous la direction du P. Grégoire Chedal, il se met avec ardeur au travail et exécute les ouvrages demandés.

Mort de la tuberculose.

Mais la maladie vient l’interrompre. Le Frère Gérard tousse souvent et se plaint de faiblesse. Les médecins consultés ne sont pas d’accord sur l’origine de son mal, même s’il devient évident pour ses supérieurs que le Frère Gérard est atteint de tuberculose. Les soins de l’époque n’autorisent pas l’espoir d’une guérison définitive. Durant de longs mois, ne pouvant supporter une longue inaction, le Frère Gérard se traîne jusqu’à l’atelier, préférant y sommeiller, la tête appuyée sur l’établi, en compagnie des religieux, plutôt que de rester allongé, seul, sur son lit. A partir d’octobre 1904, le changement de température extérieure, avec l’arrivée de l’automne, l’oblige à garder la chambre. Le 3 octobre, pour son 23ème anniversaire, il demande à son saint patron (2) la grâce de le guérir, mais telle n’est pas l’issue de son destin: il meurt peu de jours après, le 14 octobre 1905, à 23 ans accomplis. Il est inhumé dans la propriété de Phanaraki.

(1) Seule pièce d’ordre officiel que nous ayons dans les ACR sur le Frère Gérard Lancry.

(2) Saint Gérard de Brogne est fêté le 3 octobre. Ce moine belge reçut d’abord une formation militaire en qualité de page du comte de Namur. Il fut même envoyé en mission spéciale à la cour de France en 918. Il entre à l’abbaye bénédictine de Saint-Denis, est ordonné prêtre et rentre en Belgique fonder une nouvelle abbaye sur ses terres de Brogne. Il mourut en 959. L’abbaye de Saint-Gérard de Brogne passa à l’Assomption en 1919 pour devenir d’abord noviciat puis scolasticat pendant cinquante ans environ. Les Assomptionnistes ont quitté l’abbaye en 1974, mais sont revenus à Saint-Gérard deux ans plus tard, au Prieuré Notre-Dame de Grâce que quittaient les Religieuses Bernardines. Ce bâtiment reçut une double destination: maison d’accueil (retraites, réunions diverses) et maison de repos pour religieux âgés ou handicapés.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: L’Assomption 1905, n° 108, p. 201. Souvenirs, novembre 1905, n° 40, p. 225-227. Missions des Augustins de l’Assomption, décembre 1905, n° 116, p. 184-187. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. [Paroles de vie dans Missions des Augustins de l’Assomption, p. 186].