Jean-Gualbert (Jean) LE MENTHEOUR – 1891-1984

Melle, 1962.
« Je m’excuse d’avoir tardé à répondre à votre bonne lettre du 11 et je
vous remercie cordialement de vos voeux à l’occasion de la saint Jean-
Gualbert. Je compte bien vous revoir pendant le National à Lourdes où je
retourne cette année encore, non pas sans doute au service des malades où
j’ai été remplacé l’an dernier, car on veut là-aussi renouveler les cadres,
mais je serais sans doute au service de la Pénitencerie et de la prière
autour de la Grotte. Qu’importent le lieu et le travail, l’important est de
se rendre utile pour le plus grand succès du pèlerinage. Je quitte en effet
Melle pour Kerbernès. Je suis venu a Melle sans enthousiasme, étant donné
le travail qu’on m’y demandait: m’occuper du secrétariat. Je m’étais
habitué à ce travail
bien que je ne me sois jamais habitué à comprendre qu’on ne tire pas
meilleur parti des hommes. Nécessité de jouer avec les pions dont on
dispose? Ne voyez pas là surtout une critique, mais une constatation et
sans doute une nécessité. Je me rends à Kerbernès avec le désir de rendre
service de mon mieux dans une oeuvre que j’aimerai, je crois, tout
naturellement, aimant la campagne et ses travaux, par atavisme ».

Religieux de la Province de France.

Curriculum vite par le P. Vincent Hémon.

« Nous savons tous la famille de qualité où Jean voit le jour, le 11 décembre 1891, à Landeleau (Finistère), dans une famille dont il suffit de dire, pour faire son éloge, qu’elle a donné huit de ses enfants à la vie religieuse: quatre à l’Assomption, trois prêtres et un jeune mort au champ d’honneur durant la guerre 1914-1918, trois religieux Frères de Ploërmel et une religieuse Augustine de Saint- Thomas de Villeneuve. En 1907, Jean entre comme vocation tardive à Sart-les-Moines (Belgique). Il prend l’habit, sous le nom de Frère Jean-Gualbert, le 14 août 1910 à Gempe et poursuit son noviciat à Limpertsberg au Luxembourg. Sa première profession remonte au 15 août 1911, suivie de deux années de philosophie à Louvain (1912-1914). Profès perpétuel le 15 août 1912, le Frère Jean Gualbert, mobilisé en 1914, accomplit toute la guerre, jusqu’en 1919. Après les études de théologie à Louvain, il est ordonné prêtre le 5 août 1923. Et dès lors se développe la succession de ses activités apostoliques. Il participe pendant six ans à la formation des vocation: à Poussan (Hérault, 1923- 1925), à Toulouse-Grande Allée (Haute-Garonne: 1937-1959) et à Melle (Deux-Sèvres: 1959-1962). Le P.Jean-Gualbert est surtout en paroisse, pendant 46 ans: à Bordeaux (Gironde, 1924-1925), à La Rochelle-Laleu (Charente), de 1925 à 1930 comme vicaire, et, de 1930 à 1936; comme curé. De 1936 à 1940, il est curé de La Rochelle-Tasdon. Dès le début de la seconde guerre mondiale jusqu’en 1952, il vit à la communauté de Saint-Maur, curé du village proche, Le Thoureil. De 1952 à 1957, le voilà curé de Pont-l’Abbé-d’Arnoult (Charente- Maritime) et, encore, de 1962 à 1971, vicaire à Angoulême (Charente) et aumônier d’une maison de retraite dont il est d’ailleurs l’un des pensionnaires.

Il vit enfin à Layrac (Lot-et-Garonne), les cinq dernières années (1979-1984). Il y meurt, très discrètement, le 16 septembre 1984, à 93 ans ».

Traits de per5onnalité.

« je ne puis avoir la prétention de tracer un portrait du P. Jean-Gualbert, car je n’ai pas eu la chance de vivre avec lui. Je regrette surtout de n’avoir pas eu la possibilité, dans un laps de temps aussi court, de me documenter auprès de ceux qui savent quel prêtre il a été sur le terrain. Je puis cependant tenter de mentionner quelques traits, tels que j’ai pu les percevoir, comme vous. Je mentionne tout d’abord le sourire merveilleux avec lequel il vous accueillait: un sourire très ouvert qui exprimait une sorte de transparence, comme s’il avait le c?ur au bord des lèvres. Mais pour peu que la rencontre avec lui durât, il n’était pas que sourire. En effet, c’était un passionné. Et chacun sait que la passion a ses heures de gravité, d’acharnement et de souffrance. Je parle de sa passion pour Dieu, l’Eglise, l’ Assomption et les hommes, une passion hors de laquelle rien ne s’explique chez lui; ni l’intérêt très vif porté à la recherche de la vérité à travers l’étude et toutes sortes d’informations, ni son acharnement s’il lui semblait qu’on transigeait avec la vérité: ce qui donnait lieu à des discussions homériques qui lui valurent dans telle communauté le surnom de ferrailleur, ni son intolérance quand il croyait S’apercevoir que la vie religieuse s’affadissait dans telles facilités, vite qualifiées de bourgeoises. Ce fut pour lui, comme pour les autres, un pénible cas de conscience de faire sa demande retraite des vieux. Je n’oublie pas sa réaction désolée et désarmée quand il nous reprochait de baisser les bras lorsque la tourmente d’aujourd’hui bouscule la foi, l’Eglise et la vie religieuse; il vous avait un air de discret reproche qui aurait signifié: le ne comprends plus, avons-nous baissé les bras, nous autres?’ Bref, une sorte de preux qui devait plaire au P. d’Alzon. Ardeur dans l’affirmation, mais charité pour quiconque. Jamais débat ne fut si pointu qu’il en vint à entamer la chaleur et la simplicité des relations; il pouvait même se payer le luxe de l’humour, et tout s’achevait dans le sourire merveilleux que je disais, voire dans un éclat de rire! Quiconque était son frère, et avant tout chacun de ses frères, et il n’est pas frère qui ne garde lui un souvenir limpide, sans la moindre opacité… La belle chose en vérité! je parlais de souffrance issue de la passion. Je ne l’ai jamais rencontré ici à Layrac sans qu’il me pénètre de la même question: et les vocations, Père, où en est-on? Que faites-vous? Ne pourrait-on pas faire ceci ou cela? Mais faites quelque chose! Et chaque fois c’était mon tour de me trouver désarmé. Chacun ici sait en effet que la vocation à la vie religieuse et au sacerdoce est, plus que jamais, un mystère insaisissable. Oui, il en souffrait, et nous aussi sans doute. En souffrons-nous assez?… ». D’après Vincent Hémon.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (III) 1984-1986, p. 31-32. A Travers la Province (Paris), 1984, Voulez-Vous? (Layrac), 1984, n° 130, p. 20-23. Lettre du P. Jean-Gualbert au P. Alphonse Picot, Melle, 23 juillet 1962. Dans les ACR, du P. Jean-Gualbert Le Menthéour, rapports sur La Rochelle-Laleu (1930- 1935), sur La Rochelle-Tasdon (1935-1937) et correspondances (1914-1963).