Léandre (Germain-Joseph) GAYRAUD – 1877-1959

‘Mes prisons’.
« J’étais alors presque un isolé. La persécution en 1949
m’avait fait quitter l’internat diocésain de Lugojet, depuis un an, j’étais
chargé d’un modeste noviciat et d’une paroisse à titre de prêtre oriental.
Dès mon arrivée, je fus en butte à des tracasseries. J’avais creusé un trou
dans mon jardin pour y découvrir du sable, me voilà accusé de construire
des tranchées pour les Américains! On perquisitionnait ma bibliothèque pour
y glisser des pièces compromettantes. Je suis convoqué par la police:
‘Reconnaissez-vous le patriarche orthodoxe. Je répondis sans diplomatie:
‘Je suis catholique et j’aime mieux être pendu que de me faire apostat. Je
dus me réfugier dans une paroisse voisine. Lorsque j’ai apporté les
signatures de pétition de mes paroissiens en ma faveur, je suis vu accusé
d’exciter le peuple à la rébellion. Verdict:
365 jours d’emprisonnement. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis
pas un contemplatif et pourtant Dieu me fit la grâce d’une sérénité qui ne
se démentit pas. En général les geôliers se montraient bons, mais il n’en
allait pas de même à la Sûreté qui aimait jouer de la matraque et de notre
rééducation… ». P. Léandre

Léandre (Germain-Joseph) GAYRAUD

1877-1959

Religieux de la Province de Lyon.

Les ‘cousins’ à l’Assomption.

Germain-Joseph Gayraud est né le 6 janvier 1877 à Trémouilles (Aveyron). Il est le second des trois frères Gayraud devenus Assomptionnistes qui entre eux prennent l’habitude de s’appeler ‘cousins’. En 1892 Germain entre à l’alumnat de Miribel-les- Echelles (Isère). Pour bénéficier de l’article 50 de la loi militaire, il abrège ses études et part pour Phanaraki en Turquie où il prend l’habit le 21 novembre 1895, sous le nom de Frère Léandre. Profès annuel le 25 décembre 1896, il est envoyé comme professeur à Koum-Kapou, à Constantinople et y prononce ses vœux perpétuels, le 7 janvier 1898. En 1902 il entre à la maison d’études de Kadi-Keuï pour les études ecclésiastiques (1902-1909). Il est ordonné prêtre le 17 juin 1905. En le présentant aux ordres, le P. Louis Petit qui n’est pas prodigue en compliments, porte sur le Frère Léandre ce témoignage: « Intelligence moyenne mais solide, religieux très dévoué, d’une régularité parfaite, d’une application remarquable au travail; seul grand défaut, sa vivacité. Il parle bien le grec et le turc ». Après son ordination, le P. Léandre reste à Kadi-Keuï comme directeur du séminaire oriental et économe. En 1908 ses supérieurs l’autorisent à prendre le rite grec. Pendant 18 ans il exerce son ministère auprès des Grecs catholiques. Il est professeur à Gallipoli (1909-1912), à New Chéïr, l’ex Néo-Césarée de Cappadoce, de 1912 à 1914, à Héraclée-Kiphassios près d’Athènes où le séminaire oriental s’est réfugié pendant la guerre (1914-1919). Il revient à Gallipoli en 1920 puis est nommé curé de la chapelle grecque de l’Anastasis à Koum-Kapou. Il y tient jusqu’au jour où la maison doit être fermée, à la suite de la laïcisation du gouvernement d’Ataturk.

Mission en Roumanie.

En 1925, à défaut du rite grec pratiquement rendu impossible, un nouveau champ d’apostolat s’est ouvert pour l’Assomption, en Roumanie. Ayant pratiqué de longues années le rite grec, le P. Léandre n’est pas dépaysé quand il inaugure en 1925 un nouvel apostolat en Roumanie dans le rite gréco-orientai ou byzantino-roumain, d’abord à Lugoj, siège épiscopal de Transylvanie. Malgré son âge, doué pour les langues, il apprend bien vite le roumain. Il peut diriger avec compétence et un grand sens de l’économie l’internat confessionnel de la ville, en donnant des leçons de français en cours particuliers. L’évêque du lieu, Mgr Nicolescu, plus tard métropolite de l’Eglise roumaine unie, l’estime grandement et en fait son confesseur. De Lugoj, le Père passe à Blaj pour prendre en charge le noviciat. Il défriche le terrain de Carbunar près de Blaj (1930), où le P. Adhémar Merckx élève une chapelle à la Vierge de Banneux. En 1944 il accompagne le noviciat à Harseni. Il y est arrêté en 1948 par les milices communistes, est incarcéré une année, le temps de guérir d’une psoriasis tenace dont le régime alimentaire frugal de la prison le délivre. Relâché (1949), il doit prendre le premier avion pour la France. A son retour de Roumanie le P. Léandre est nommé sous-prieur au noviciat de Nozeroy (Jura), enseignant les psaumes et l’hagiographie aux novices. En 1934 l’obéissance l’envoie encore à la paroisse du Pont-de-Suve à Toulon (Var) où il s’adonne au ministère pastoral: confession, catéchisme, travail manuel. Durant l’hiver 1958, ses forces diminuent. A partir de Noël, il ne peut plus célébrer l’Eucharistie parce que ses jambes ne peuvent plus le porter. Le 7 janvier 1959, il demande à être transporté à Lorgues (Var). Peu à peu, la paralysie le gagne complètement et le 15 février, un jour avant l’anniversaire de la mort de son frère Herménégilde, il meurt paisiblement. C’est le dernier survivant des frères Gayraud, le P. Herménégilde étant mort le 16 février 1955 et le P. Isidore le 15 juillet 1958. ‘Euge serve bone et fidelis, intra in gaudium Domini tui’.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1960, p. 96. Lettre à la Famille, 1959, n° 268, p. 195-196. Rhin-Guinée, 1959, n° 12, p. 1. Vers l’Autel, 1959, n° octobre-novembre, p. 19-20. Missions des Augustins de l’Assomption, 1959, n° 51, p. 19-20. Dans les ACR, du P. Léancire Gayraud, correspondances (1913-1956). On doit aussi au P. Léandre des articles et souvenirs sur la mission en Roumanie dans le bulletin des Missions de l’Assomption. Récit du P. Léandre sur son séjour en prison en Roumanie dans Missions des Augustins de l’Assomption, 1955, n° 31, p. 21-25. Notices Biographiques