Luis MADINA – 1911-1984

L’apostolat social des cités d’enfants.
« J’étais curé à Madrid, la paroisse s’appelait ‘la petite Russie’, 25 000
habitants, une dizaine à la messe. Dans les rues, je voyais grouiller les
enfants. Pas de papa: il avait été fusillé ou il était en prison. Je me
suis dit. « Es-tu curé pour dix personnes? ». J’ai commencé une maison, une
cité d’enfants. Quand ça marche, je vais ailleurs. Chacun a ses
dispositions: moi, c’est le lancement. Ma dernière, c’est Panama. Un jour,
de passage à Bogota, quelqu’un me propose une
rencontre avec l’archevêque de Cali. Tout de suite, il m’a parlé des
‘gamines’ (prononciation à l’espagnole). ‘Gaminn’, çà c’est colombien! Le
‘gaminn’, c’est l’enfant qui vit dans la rue. il dort dans la rue, il mange
là, c’est sa maison. Le gamin colombien n’a plus aucun lien familial, il a
tout rompu. Ils vivent en ‘gallada’, c’est le groupe, la bande. Ils
trouvent
là quelque chose qui ressemble à une famille. En Colombie, la plupart des
femmes n’ont pas de ‘vrai’ mari. Le premier s’en va en lui laissant deux ou
trois enfants; ça l’ennuie, ça l’obligerait à travailler beaucoup et à ne
plus boire; et puis la femme n’est plus assez jolie. L’abandonnée trouve
quand même un autre homme…».

Religieux espagnol de la région de Coloinbie (Belgique-Sud).

A travers les maisons de formation.

Né le 18 août 1911 à San Sebastian (Espagne), Luis Madina fait ses études secondaires à l’alumnat d’Elorrio (1922-1928). Il entre au noviciat de l’Assomption à Scy-Chazelles (Moselle) en 1928 et prononce ses premiers vœux le 1er novembre 1929. Le P. Savinien Dewaele l’apprécie pour son dévouement généreux et reconnaît que le Frère a lutté contre une forme de susceptibilité assez forte. Luis va étudier la philosophie à Saint-Gérard (Belgique), de 1929 à 1931 et la théologie dans les scolasticats de Louvain, puis de Lormoy en France (Essonne), de 1931 à 1934. Profès perpétuel à Louvain le 1er novembre 1932, il porte grand intérêt pendant toutes ses études à la musique et à la psychologie. Ordonné prêtre à Versailles (Yvelines), le 29 juin 1935, il commence sa vie apostolique comme prêtre enseignant à l’alumnat de Cavalerie (Dordogne), de 1935 à 1937, puis au scolasticat de Layrac (Lot-et-Garonne), de 1937 à 1938, et à Elorrio au pays basque, à partir de 1938. Il devient économe de la maison de 1939 à 1942.

Champion de l’apostolat social auprès de l’enfance, sous toutes les latitudes.

C’est dans l’apostolat social que le P. Luis va trouver sa voie et donner toute sa mesure, d’abord en Espagne qui sort meurtrie et isolée des affrontements sanglants de la guerre civile: vicaire à Madrid, puis curé et supérieur à Puente de Vallecas depuis janvier 1944, il fonde la première ‘Ciudad de los Muchachos’ dans le quartier défavorisé qu’est alors Vallecas, aux portes de la capitale espagnole. Il s’inspire pour son projet de développement intégral de l’enfant des expériences d’un Père Flanagan (BoysTowns) et de Makarenko qui prônent l’auto-éducation et la prise en charge par l’enfant de son propre avenir.

Doué d’un grand esprit d’initiative, estimé des autorités ecclésiastiques, il donne à son entreprise un caractère assez personnel, ce qui crée pour lui quelques difficultés en communauté. En 1953, le P. Luis se trouve à Elorrio, l’œuvre sociale de Madrid est prise en charge par des religieux espagnols, dans le cadre de la Province de Bordeaux d’alors. En 1954, le P. Luis change d’air: il est appelé à servir l’Assomption à New York dans les deux paroisses hispanophones de Nostra Segnora de la Esperanza et de Nostra Segnora de Guadalupe. Il y instaure, entre autres, un service radiophonique ‘Lumière par les Ondes’, en vue de l’évangélisation et de la promotion sociale -des Hispanos. En 1958, c’est en Amérique Centrale, au Costa Rica, que le P. Luis met en oeuvre un programme d’éducation en faveur de la jeunesse pauvre, associant les efforts de l’Eglise et du gouvernement. Il bâtit peu à peu la Cité des enfants de Cartago, réalisation pour l’enfance la plus importante du pays. Ce sont les Pères Augustins Récollets qui prennent la relève de l’œuvre en 1964, car le P. Luis, véritable globe- trotter, est parti au Panama pour y fonder une oeuvre semblable. Cependant le climat du pays lui est trop dur, le P. Luis ne peut rester dans cette République et il passe I’oeuvre aux mains des Pères Somasques. Enfin, quatrième réalisation du même type, en Colombie, à Cali, le P. Luis ouvre une Cité des enfants de la rue en 1968. C’est la Provinciale des P.S.A. en Colombie qui met le P. Luis en relation avec Mgr Uribe Urdaneto. Les enfants sont recueillis dans la rue et peuplent très vite la maison primitive de la Carrera Quinta. En 1970, l’œuvre se transporte à Melendez, dans une grande propriété agricole où, petit à petit, le P. Luis organise un internat et développe une forme de vie familiale, avec l’aide d’une volontaire belge Mlle Froidmont, baptisée la ‘Mami’, lui étant ‘le Papi’. En 1984, on y compte déjà 120 internes et quelque 700 externes. Animé d’une foi profonde, le P. Luis s’en remet souvent à la Providence pour la vie financière de la Ciudad: « Jusqu’à maintenant, Dieu ne m’a pas abandonné. Il m’a sorti de toutes mes difficultés qui n’ont été ni petites ni peu nombreuses ». Opéré d’une tumeur au cerveau, presque aveugle, le P. Luis meurt d’un infarctus, le 16 novembre. Ses funérailles sont célébrées le lendemain à Cali. La presse locale donne un large écho à la vie et à l’œuvre du P. Luis dont le corps repose aujourd’hui dans la chapelle de Mi Casa. L’œuvre à Cali porte aujourd’hui le nom de Centro Educativo Industriel Luis Madina en hommage à son fondateur. Le P. Victor Blanco en assure l’animation spirituelle.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (III), 1984-1986, p. 36-39. L’Assomption et ses oeuvres, 1985, no 821, p. 31 et no 622, p. 24-27. Voulez-Vous, 1986, no 136, p. 5, 10-17. Articles dans La Croix, samedi 26 octobre 1968 (article du P. Pierre Gallay sur la Cité d’enfants à Cali, mardi 9 octobre 1979 (article du P. André Sève: Le P. Madina, l’homme des cités d’enfants, dont est extrait le texte ‘apostolat social des cités d’enfants’). P. Angel Macho, Los Asuncionistas y el mundo obrero en Vallecas: 1940-1953. Una relacion privilegiada: P. Luis Madina y Guillermo rovirosa, 25 pages. Dans les ACR, du P. Luis Madina, nombreuses correspondances (1938-1984), articles sur la Ciudad de los Muchachos (Madrid, au Panama, à Costa Rica et à Cali). Christophe Pélissié du Rausas, Au plus petit d’entre les miens, Les quartiers de Colombie, Fayard, 1987, coll. Les enfants du Fleuve.