Marie-Emile (Emile-Joseph) LADRET – 1871-1936

Témoignage sans aménité.
« Comme renseignements sur le P. Marie-Emile, je n’ai guère que ceux qu’il
a donnés lui-même sur la feuille que je vous envoie ci-incluse. Inutile de
nous renvoyer cette feuille, à garder dans vos archives. D’ailleurs tout ce
qu’elle contient se trouve dans les registres: ‘Le Frère Marie- Emile
manque totalement de distinction dans sa tenue et dans ses manières. Il
paraît
n’avoir pas l’idée de cela. Mais c’est au reste un bon religieux, dévoué,
ne reculant pas devant les choses pénibles. Il vient de Montfort. Sa
vocation date de son enfance, mais elle a été en travée par son père. Après
le service militaire, le jeune homme étant majeur s’est rendu à Montfort.
Son intelligence, inculte, est susceptible de développement avec du
travail. Tout cela reste vrai pour tout le reste de sa
vie. Son manque de distinction était tel qu’on tremblait en le voyant
monter à l’autel. Nous avons recommandé le Père Marie-Emile aux prières de
la communauté. Si en quelques lignes, on racontait ses derniers moments,
cela me semblerait suffisant. Il ne faudrait que de plus jeunes s’imaginent
qu’on le leur présente comme un modèle ». P. Elie Bicquemard,
l936.

Religieux de la Province de Lyon.

Une vocation tardive.

Emile-Joseph Ladret est né le 16 janvier 1871 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) au diocèse de Nancy. Après ses études primaires faites à Lunéville, il apprend le métier de menuisier dans l’atelier paternel, avec l’intention de devenir entrepreneur de bâtiments. Ses aspirations personnelles le portent vers le choix de l’état religieux, mais son père, François, entend que son fils poursuive l’activité familiale, aussi le jeune Emile-Joseph doit-il surseoir à son désir, acquérant beaucoup de savoir-faire dans le domaine pratique. A l’âge adulte, il accomplit six années de service militaire, comme sous-officier. Après quelques mois en famille, il décide d’entrer à l’Assomption. N’ayant pas fait d’études secondaires, Emile-Joseph est dirigé sur la maison de Montfort, à côté de Villecomtesse (Yonne) où il essaie de compléter son bagage intellectuel (1894-1896) et où déjà on compte sur son habileté manuelle pour aménager les lieux. Le 4 septembre 1896, il prend l’habit religieux à Livry (Seine-Saint-Denis), sous le nom de Frère Marie-Emile. Il prononce ses premiers v?ux le 28 octobre 1897 et ses v?ux perpétuels le 6 septembre 1898. Il peut alors entreprendre des études ecclésiastiques à Toulouse (Haute-Garonne). En 1900, à cause du mouvement des expulsions, il gagne la Belgique (Bure et Louvain). Il est ordonné prêtre le 22 février 1902 à Malines.

Ministères.

Le P. Marie-Emile est d’abord nommé professeur une année à l’alumnat de Saint-Trond qui recueille les jeunes de Saujon (Charente-Maritime). En avril 1903, il s’embarque pour les U.S.A. où il est employé à la paroisse de la 14ème rue (1903-1906). Revenu en Europe, il est nommé professeur à l’alumnat de Zepperen en Belgique

qui a pris le relais de celui de Saint-Trond (1906-1907). L’année suivante, on lui demande de se rendre à l’alumnat du Bizet, sur la frontière franco-belge où il enseigne jusqu’en 1914. Dès le mois d’août 1914, il est mobilisé à Toul. Selon le P. Gustave Ranson, en raison de son âge (44 ans), de son état religieux et de ses pieds plats, il est renvoyé dans ses foyers (1915). Sur ces entrefaites, se fonde l’alumnat de Saint-Maur au cours de l’été 1915. L’alumnat du Bizet bombardé et menacé de destruction, le P. Gustave Ranson et le P. Marie-Emile sont requis pour transférer le mobilier jusqu’à Saint-Maur, en utilisant des vieux wagons de matériel. Se souvenant de son métier de menuisier, le P. Marie-Emile reprend le rabot et la varlope pour aider à l’aménagement de Saint-Maur où tout est à faire. Mais en novembre 1913, il est à nouveau requis par l’armée et doit rejoindre la base de Toul jusqu’à ce que le P. Emmanuel Bailly puisse en novembre 1917 lui obtenir un sursis définitif. De nouveau à Saint-Maur (1917- 1923) où il aime partager son expérience militaire, résumé en un laconique « ne rien faire maisrendre compte », il est appelé en 1923 pour organiser le nouvel alumnat qui se fonde à Scy-Chazelles (Moselle). Encore une fois ses aptitudes à la menuiserie sont bien utiles pour aménager une fondation qui manque de tout. Il fait appel à son frère, également menuisier, pour fabriquer sur place les meubles. Bientôt à côté de l’alumnat, dans la propriété de Scy, est construit le noviciat Saint-Jean qui devient par la suite le scolasticat de philosophie pour la Province de Lyon. Le Père Marie-Emile, économe au noviciat, continue la même fonction au scolasticat. Jusqu’au bout, malgré la grave maladie qui le ronge, un cancer aux intestins, il rend service, s’occupant de la propriété. Il meurt dans la nuit du mercredi au jeudi 29 octobre 1936, à 66 ans, après de longues souffrances et de pénibles traitements. Les obsèques sont célébrées le samedi 31 octobre, en présence de sa vieille mère de 86 ans, Célestine née Gérard, et de son frère. Il est inhumé dans le cimetière de Scy-Chazelles. On aime rappeler les strophes latines qui honorent le travail de ses mains: Scalpri salubris ictibus et tunsione plurima, fabri polita malleo.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1936, n° 671, p. 443-446; n° 673, p. 457-459. Notice par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Dans les ACR, correspondances du P. Marie-Emile Ladret (1901-1930).