Jean, de son nom de baptême, a suivi le cursus de beaucoup de religieux de la Province de Paris: les alumnats de Chanac et Verrargues, le noviciat des Essarts, les scolasticats de Lormoy et de Layrac (à cause de la guerre). Pour échapper au Service du Travail Obligatoire en Allemagne, il regagne son village natal et ne reprend sa théologie que lorsque tout danger est écarté. II a été ordonné prêtre à Lormoy par Mgr Roncalli. Pendant quatorze années, il sera professeur de lettres au Collège de l’Assomption à Nîmes, puis durant neuf ans à l’alumnat de Soisy dont il fut le supérieur. II a beaucoup aimé le travail de professeur, plus que celui de Maître des novices et d’assistant provincial qu’il fut durant deux ans. II s’est aussi épanoui à la paroisse de Montpellier qu’il a rejointe en 1975 et qu’il ne quitta que vingt ans plus tard. II maintenait beaucoup de relations. Dans la vie communautaire il était d’humeur enjouée et agréable: un bon confrère. A Vincennes, il aimait à rendre service au clergé de la paroisse, se rendre au marché où il était connu comme « le petit père ». Un rayonnement tout simple, un homme sans façon.
Homélie
Le Père Pélégry (Jean de son nom de baptême) nous a quittés le dimanche 25 février.
Entré à l’hôpital d’Albertville le mardi 23 janvier pour un bilan pulmonaire, cardiaque et rénal, il fut soigné d’abord pour une pneumopathie qui l’a beaucoup affecté. Quelques jours après, il donna l’impression de remonter assez bien la pente, lorsqu’un problème urinaire vint à nouveau le déstabiliser. Il s’alimentait peu. Un rendez-vous à Chambéry auprès d’un urologue était prévu pour le jeudi 22 février. Celui ci dut être annulé pour forte chute de tension, le matin même du rendez-vous. Et à partir de ce moment-là son état s’est rapidement détérioré.
Je crois pouvoir dire que la mort ne l’a pas surpris. Très lucidement, le samedi matin, il priait à haute voix et disait : "Seigneur, prends pitié de moi". Le personnel soignant en est témoin. Entré aux soins intensifs le samedi après midi 24 février, il reçut en pleine conscience, le sacrement des malades. Et il décéda le dimanche 25 février, après quelques heures de coma. Il était dans sa 87 e année.
Jean Pélégry est né le 20 décembre 1920 à Fournels, dans la Lozère, dans une famille de 4 enfants, 4 garçons. Il entre à l’alumnat de grammaire de Chanac en 1933 et poursuit ses études à l’alumnat de Verrargues, dans l’Herault, de 1936-1938.
Le 29 septembre 1938 il prend l’habit au noviciat des Essarts (Seine Maritime) et fait profession le 30 septembre 1939.. Il fait sa philosophie à Lormoy et à Layrac de 1939 à 1941
Etant de la classe 20, pour échapper au Service du Travail Obligatoire en Allemagne, il regagne son village natal pendant plusieurs mois où il travaille la terre avec sa famille. Quand il est hors de danger d’être repris, il commence sa théologie à Layrac et il la termine à Lormoy. C’est là qu’il est ordonné prêtre le 30 juin 1947 par Mgr Roncalli, nonce apostolique en France, le futur Jean XXIII.
Un frère, plus jeune, Roger, s’était orienté vers le séminaire du diocèse et il est devenu prêtre diocésain dans le diocèse de Mende. Il est aujourd’hui malade et en maison de retraite, mais il s’unit à notre célébration par la pensée et la prière, ainsi que sa belle-sœur en maison de retraite à Cachan ;
En 1947, il est nommé professeur de lettres au collège de l’Assomption à Nîmes, non loin du collège qu’avait connu notre Fondateur, le P. d’Alzon. C’est là qu’il prépare sa licence de lettres classiques, en assurant en même temps la fonction de préfet des Etudes. Il y restera jusqu’en 1961. A cette date, il est nommé professeur de lettres à l’ermitage de Soisy Sur Seine, alumnat d’humanités. Il en devient le supérieur en 1964 et le restera jusqu’en 1970, date de la fermeture de l’Alumnat.
Il fait alors une année de recyclage (1970 – 1971) à l’Institut Catholique de PARIS tout en résidant à Soisy Sur Seine. En 1971, il est nommé Maître des novices, charge qu’il assume durant deux ans, jusqu’en 73.
De 1973 à 1975, il réside en communauté à Soisy et il est nommé 1er Assistant Provincial puis, en 1975, il est nommé vicaire à la paroisse sainte Thérèse de Montpellier. Il y restera jusqu’en 1995. Il y sera supérieur de la communauté durant 9 ans.
En 1995, il est nommé à la communauté de Vincennes où il résidera jusqu’en septembre 2006, date à laquelle, il arrive dans notre maison de repos de Saint Sigismond où il avait choisi de venir pour terminer sa vie.
Deux engagements principaux ont marqué sa vie religieuse. Professeur, il le fut durant 24 ans et prêtre en paroisse il le fut pendant 20 ans. Il a aimé son métier de professeur. Je l’ai entendu moi-même en parler avec chaleur avec le personnel soignant de l’hôpital. Il avait pris les diplômes pour enseigner les lettres dans les classes de 3ème, seconde et première. Il appréciait ce contact avec les jeunes au collège de l’Assomption à Nîmes comme à l’alumnat de Soisy Sur Seine.
Les livres qu’il emporta pour ses années de retraite sont les manuels français de la collection Lagarde et Michard, ainsi que les œuvres de Racine, Victor Hugo, Verlaine, Saint Exupéry et autres. C’est tout dire…
Après deux ans comme Maître des novices, tâche difficile et délicate, pour laquelle il ne se sentait pas bien préparé, sa nomination à la belle et grande paroisse de Ste Thérèse à Montpellier lui permit de s’épanouir dans un ministère pastoral très diversifié et très enrichissant. Il connut cependant quelques petits accrocs de santé, et, en octobre 1995, il rejoignit la communauté du 3ème âge à Vincennes. Voici le témoignage d’un confrère, le Père Charles Monsch ;
« J’ai vécu neuf ans avec le Père Raphaël, dans la communauté de Vincennes, jusqu’à notre départ commun pour Albertville. Raphaël avait le sens de ce qui se vit et se fait en communauté, toujours attentif aux autres, sauf quand il somnolait ! Entendant mal, il lui arrivait de reprendre par le début une conversation que nous autres, nous avions déjà conclue. "Alors, ça s’est passé où ?" Marchant à petits pas, mais d’un pas décidé, il lui arrivait d’avaler des kilomètres dans la journée.
Dans les premières années où je l’ai connu, il sortait tous les matins aux aurores, nous acheter le pain de la journée. Après la messe, il partait au marché pour les courses les plus urgentes. Sur le marché en plein air, les commerçants interpellaient le "petit père".
Enfin, dernier et important service: tous les lundis matins, Raphaël assurait la messe paroissiale à Notre Dame de Vincennes. Il déchargeait de cette façon le clergé de Vincennes, avec lequel la communauté entretenait de bonnes relations.
Plusieurs couples et fidèles de cette messe de lundi de Raphaël, venaient nous rejoindre les autres jours pour notre messe de communauté.
Raphaël est resté fidèle à sa Lozère natale, dont il lisait chaque semaine l’hebdomadaire catholique, "La Lozère nouvelle". Il nous en donnait des extraits à table. Voilà le rayonnement, tout simple et sans façons, de notre cher Raphaël, que nous avons tous apprécié et aimé comme un "bon confrère". »
Arrivé en septembre 2006 avec le P. Charles Monsch dans notre Maison de retraite de Saint Sigismond, il semblait s’être assez bien adapté et habitué au rythme de notre vie communautaire. Il avait gardé son caractère enjoué il n’était pas exigeant, il ne faisait pas parler de lui. Il avait une bonne résistance au froid. Il disait qu’il n’avait jamais froid même lorsque ses confrères lui disaient de s’habiller plus chaudement. C’est peut-être là qu’il a été imprudent, et que, sans s’en rendre compte, il prit froid, puisqu’il se réveilla le 23 janvier avec une assez forte fièvre au point que le Docteur de la maison nous demanda de le faire hospitaliser aussitôt après la visite. Mais on ne refait pas l’histoire. Il faut l’assumer.
Aujourd’hui, il nous reste, après avoir retracé les grandes étapes de sa vie, à le recommander au Seigneur, à rendre grâce pour tout le travail réalisé dans sa vie.
C’est avec lui et pour lui que nous allons célébrer l’Eucharistie, cette Eucharistie qu’il avait célébrée durant près de 60 ans.
P. Joseph Mermoz, a.a.