Religieux français.
Un parcours insolite.
Emmanuel de Chefdebien naît le 25 décembre 1877 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) dans une famille amie et connue de l’Assomption de Nîmes. Son père, Fernand, est un ancien élève, connu des PP. d’Alzon, Bailly et Picard. Emmanuel est scolarisé au collège Saint-Louis des jésuites de la ville (1887-1891), puis au collège saint joseph de Sarlat et Toulouse (1891- 1894), enfin à l’institution Sainte Marie d’Albi (1894-1893). Cette mobilité traduit-elle déjà les frasques d’un tempérament agité? On peut le penser en lisant la note de présentation écrite par le P. Emmanuel Bailly quand il présente le Frère Roch, à 21 ans, pour le noviciat de Livry: « Ce jeune homme appartient à une famille très honorable. Il était chez nos Pères de Toulouse comme étudiant quand il se laissa aller à des écarts de conduite que ses parents punirent sévèrement en l’embarquant comme mousse. Il prit très bien sa punition et nous fut confié au retour de sa traversée. Il eut alors la pensée de se retirer du monde et de se donner à Dieu dans l’Assomption. La question du service militaire se présentant, il fut envoyé à Rome où il passa un an comme postulant à notre maison d’études. C’est un jeune homme bien élevé, plein de foi et d’excellentes idées, mais léger, porté à la bouffonnerie, à la farce. Généreux humble, plein de vie, bon caractère, il a besoin d’une main ferme ». Quoi qu’il en soit, le premier parcours religieux d’Emmanuel, devenu Frère Roch, est (presque) sans histoire: noviciat à Livry (1898), première profession le 8 septembre 1899, professorat à Sainghin (1900), études à Louvain (1901-1906) où Frère Roch prononce ses vœux perpétuels le 15 septembre 1901.llestordonné prêtre à Malines le 22 décembre 1906. Il est ensuite plus difficile de suivre ses traces. D’après ses correspondances, le P. Roch se trouve affecté à l’apostolat des œuvres de mer; en 1911, nous le trouvons à Worcester, dernière étape de son circuit connu à l’intérieur de la carte assomptionniste de l’époque.
Une tante justement inquiète.
« Je reviens vers vous puisque, seul, vous avez bien voulu répondre à ma lettre, vous demandant des nouvelles du P. Roch de Chefdebien, mon neveu, si vous en aviez. Vous me dites le 19 avril [1912] que vous ne saviez rien, mais que s’il lui était arrivé quelque chose de fâcheux, vous en seriez informé. Depuis lors j’ai écrit de nouveau à mon autre neveu à Worcester, puis au supérieur de cette maison, enfin deux fois au supérieur de Louvain: rien, toujours rien, aucune réponse de nulle part. Que se passe-t-il? Je fais les suppositions les plus pénibles, les plus douloureuses. Je suppliais le supérieur de Louvain de me dire ce qui en était, lui promettant de garder le secret s’il me l’imposait. Silence complet. La dernière lettre du P. Roch, datée de la fin de décembre, dénotait un esprit bien équilibré, bien dans sa vocation, le bon religieux que j’aime comme un fils. Est- il mort? Est-il devenu fou? A- t-il jeté le froc aux orties? Quoi enfin? De grâce, dites- moi ce que vous savez. Je prie et fais prier ». Comtesse Ch. de Toulouse- Lautrec, Albi, 20 juillet 1912.
Notices Biographiques A.A Parabole vécue du ‘Fils prodigue’.
Nous lisons dans une correspondance du 22 décembre 1911, depuis Indian Orchard (?): « ici je m’ennuie copieusement. Il n’y a à peu près rien à faire que la messe et un peu de confession, une ou deux le matin. Le reste du temps, on est dans la chambre, sauf après les repas où l’on est avec un curé plus qu’original, ennemi déclaré de la communion fréquente et de la communion des enfants, adversaire violent des Canadiens et des Français et, du reste, méprisant tout le monde. Il est la terreur des paroissiens dont plusieurs ont perdu la foi et le chemin de l’église par sa faute ». En 1912, le P. Roch, recherché même par des membres de sa famille, est déclaré ‘religieux fugitif’ et encourt la peine d’excommunication. Pendant la première guerre mondiale, il prend du service et envoie de ses nouvelles depuis le front serbe où il obtient le grade de maréchal-chef. Réconcilié avec sa famille religieuse, il est à nouveau accueilli mais, repris par des influences ou des désirs de vie indépendante, il disparaît en 1919. Pendant plus de 23 ans, on reste sans nouvelle de lui; on sait seulement, d’après son propre témoignage personnel, qu’il a abandonné toute forme de vie religieuse ou sacerdotale. En juin 1944, fort diminué physiquement, il se remet en contact avec le P. Gervais Quenard qui obtient la levée de son excommunication auprès du Cardinal Suhard et engage une procédure de réintégration progressive dans la Congrégation. Ce dernier le confie fraternellement au P. Sauveur Martin, curé et supérieur de la communauté de Vieils-Maisons (Aisne). Le P. Roch écrit le 7 juillet 1944: « Après un voyage laborieux, mais une nuit exempte d’alertes, paisible et reposante, me voici à Vieils-Maisons où le P. Sauveur m’a fait l’accueil le plus bienveillant. J’en demeure confondu. J’attends maintenant, en lisant et en priant auprès d’une fenêtre d’où on n’aperçoit que du ciel et de la verdure, les occupations qu’il m’a promises. J’ai eu le grand bonheur de trouver ici la vie de communauté intégrale et d’y reprendre tous les exercices réguliers comme si Interruption n’en avait pas été si déplorablement longue. Puissé-je ainsi abolir un passé scandaleux et mourir après avoir de mon mieux réparé le mal que j’ai fait ». A nouveau le silence retombe sur ce religieux. On sait simplement que le P. Roch, venu plus tard à Lorgues, y meurt, à 72 ans, le 5 décembre 1931, dans une sorte d’anonymat. Il y est inhumé. Aucune notice ne lui est consacrée à cette époque, autre que la mention sèche de son décès.
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille 1952, 132, p. 32. De 1900 à 1917, le P. Roch de Chefdebien a laissé dans les ACR de nombreuses traces écrites de son existence quelque peu aventureuse «Oeuvres de Mer, courses militaires pendant la grande guerre 1914-1918).