Religieux de la Province de Lyon.
Une trempe de journaliste, batailleur et documenté. Charles-Félix-François-Joseph Miglietti est né à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 8 janvier 1873, de parents italiens piémontais. A sa majorité légale, il opte pour la nationalité française. Il est scolarisé successivement par les Soeurs de Saint-Vincent de Paul et par la maîtrise de Saint-Cannat, l’orphelinat de l’Etoile avant de connaître le petit séminaire de Marseille (1887-1891). Il passe ensuite au grand séminaire de Marseille (1891-1893) où son attrait pour le journalisme, La Croix de Marseille, lui attire la suspicion des Lazaristes et la faveur des Assomptionnistes. Il doit vaincre l’hostilité de sa mère qui est veuve, Marie, laquelle n’hésite pas à le faire ramener manu militari par les gendarmes de chez les Assomptionnistes. Charles obtient finalement de pouvoir entrer au noviciat, à Livry (Seine-Saint-Denis) où il prend l’habit en août 1913. Profès annuel l’année suivante sous le nom de Frère Salvien, il passe quelques mois à la Bonne Presse à Paris (1894-1895). Il est retardé à la profession perpétuelle, car ses supérieurs sont inquiets devant le démon du journalisme qui le travaille, ses intempérances de langage, son opiniâtreté dans les discussions et sa verve méridionale qui égratigne les personnes. Il est accepté aux vœux perpétuels l’année suivante le 15 août 1896. Il a été entre temps envoyé à Toulouse (1895-1896) où, en autodidacte averti, il achève ses études philosophiques, théologiques et canoniques et où il collabore à La Croix du Midi dirigé par un autre batailleur, le P. Roger des Fourniels. Il revient à Livry achever sa troisième année de noviciat et se retremper dans les pratiques de la vie religieuse (mars-septembre 1896). Il passe ensuite tout naturellement à la Bonne Presse, à Paris, où il est placé, aux côtés du P. Vincent de Paul Bailly,
au secrétariat général de La Croix et où il devient l’intermédiaire obligé de toutes les publications religieuses: le Bulletin des Congrégations (1896), le Mois littéraire et pittoresque (1899), La Croix des Comités (1889), ]Annuaire pontifical catholique (1898), Questions actuelles (1905), l’Action catholique 1910), les Actes des papes. Bourreau de travail, d’une mémoire exceptionnelle, s’il ne rédige pas tout à lui tout seul, il contrôle tout, se documente soigneusement sur toutes les questions disputées et tranche. En 1906, par un concours de circonstances, il se trouve à la tête d’un organe de revue de presse, le Bollettino et s’en inspire pour créer un équivalent français chargé d’informer la Secrétairerie d’état des mouvements et tendances de l’opinion française et de ses supports écrits. Chaque soir, le P. Salvien confie personnellement aux ambulants Paris-Rome un paquet à déposer à la maison généralice, Piazza dell’Ara Caeli, pour être remis sans intermédiaire directement au Vatican. Le colis contient de nombreuses coupures de la presse française soigneusement annotées et présentées. Le P. Salvien se tient aussi en relation étroite avec des jurisconsultes catholiques qui lui permettent d’analyser les évolutions du droit civil français. Ainsi naît dès 1913 l’idée de la Documentation Catholique, fondée en 1919, de la fusion de quatre revues. Questions actuelles, La Croix des comités, Le Bulletin des Congrégations et L’Action catholique. Le P. Salvien baigne dans l’air ambiant de la tendance du temps et du pontificat, anti-moderniste. De tempérament polémiste, il n’évite pas toujours la partialité, malgré son souci minutieux d’information. Religieux écarté. Le P. Salvien est aidé dans son travail par le Frère Francisque Cusin. On sait aussi aujourd’hui que P. Salvien, dénoncé comme membre du réseau ‘La Sapinière’ mouvement intégriste de surveillance et de délation monté par Mgr Benigni n’en a pas lui-même fait partie, même s’il partage bon nombre de ses convictions (anti-modernisme, anti-laïcisme, anti-républicanisme, opposition à tout mouvement de renouveau catholique). On sait aussi que la richesse de la documentation présentée par le P. Salvien est utilisée par le mouvement intégriste peut-être à d’autres fins . Mais ce qui a les faveurs du pontificat sous Pie X peut conduire à une chute sous Pie XI. Le cardinal Gasparri prend prétexte en 1921 des changements opérés dans l’Eglise, le nouveau cours, pour liquider ce mouvement. Le P. Salvien se trouve, malgré lui, compromis ou plus exactement il est embarrassant et gênant. Il est sacrifié sur l’autel de ces personnes infréquentables qui ont été auparavant des collaborateurs-informateurs de premier plan. Le pape demande, par l’intermédiaire du nonce en France, son éloignement hors d’Europe. Pendant plus d’un an, le P. Salvien tergiverse, argumente pied à pied, soutenu dans sa ‘rébellion’ par le cardinal Maurin qu’il a connu à Marseille dans ses jeunes années et d’autres évêques auxquels il est lié. Il doit quand même quitter Paris le 28 février 1923 pour gagner San Remo. La maison se préparant à fermer, il se dirige sur Locarno en Suisse (juin 1923). C’est là qu’il réside jusqu’à ce qu’une congestion cérébrale le frappe au début de l’année 1933. Transporté à Lorgues (Var), hémiplégique, il y meurt le 26 octobre 1934. Il y est inhumé.
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1934, no 548, p. 309; no 550, p. 326-328; 1937, no 682, p. 29-43; no 683, p. 48-52. Popolo et Libertà 31 octobre 1934 et Marseille matin, 29 octobre 1934. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Dans les ACR, du P. Salvien Miglietti, correspondances (1892-1933). L’appartenance du P. Salvien Miglietti au mouvement de la Sapinière et les sanctions prises par Rome contre lui forment un dossier important. Cf le chapitre qui est consacré au P. Salvien dans les Actes du Colloque ‘Cent ans d’histoire de La Croix’, Le Centurion, 1988. Documentation Catholique, no 2000, 1990, p. 187-231.