Silvius (Léon) BALLY – 1895-1918

Du Registre des Ephémérides de Louvain, aux 7-9 nov.1918.
« A 10 heures moins 10, le P. Hi Faire vient en étude apporter la triste
nouvelle de
la mort du Fr. Silvius survenue à l’instant. Nous récitons aussitôt le ‘De
profundis’ pour le repos de son âme. La dépouille mortelle du frère est
exposée dans le parloir du cardinal. On ne se succède pas par groupes
auprès du corps, mais le Père conseille cependant d’y aller prier
durant 3 ou 4 minutes. Les quelques religieux vaillants vont au Meldiant,
les autres donnent leurs papiers au P. Léopold qui se charge de les faire
estampiller par les autorités militaires allemandes. Dès aujourd’hui les
grippés commencent à prendre leurs repas au réfectoire.
On apprend par les journaux que des plénipotentiaires partent de Berlin et
traversent la ligne de feu pour chercher les conditions de l’armistice
auprès du haut commandement français.
Les quelques frères qui n’ont pas été malades de la grippe espagnole se
lèvent à 6h., les moins malades
pour 7h 30, les plus malades à
10 heures… Musique de nuit, des aéroplanes alliés bombardent la gare ».

Religieux français.

Un novice, profès in articulo mortis.

Léon est né le 1er octobre 1896 à Césarches (Savoie), près d’Albertville au diocèse de Tarentaise. En 1908, il gagne l’alumnat de Vinovo (Piémont) et poursuit ses études d’humanités à Ascona en Suisse (1911-1913). Il prend l’habit le 14 août 1913 au noviciat de Limpertsberg au Luxembourg et s’y trouve bloqué comme ses confrères au moment de la guerre, derrière les lignes allemandes. Ce n’est que le 19 mai 1918 qu’il peut prononcer ses premiers vœux à Louvain (Belgique) où ont pu se rassembler tant bien que mal les novices dispersés dans les fermes jusque là. Il y entame sans tarder ses études de philosophie et de théologie lorsque la maladie et la mort viennent interrompre le cours de sa vie, le 7 novembre 1918 à Louvain. Il n’a que vingt-trois ans. Il est inhumé au cimetière du Parc.

Louvain 1918: dehors la guerre, dedans la réquisition, la maladie, la mort.

« Le 27 octobre (1918), plusieurs de nous s’alitaient. Une promenade, l’après-midi du 28 devait chasser la grippe et solenniser la fête du P. Siméon Vailhé, mais le P. François appelé à l’hôtel de ville revient avec la mauvaise nouvelle d’avoir à évacuer la maison. On crut à une plaisanterie, mais c’était sérieux: nous devions fuir, le Mont -César serait notre asile jusqu’à la nouvelle expulsion. Le P. Possidius [Daubyl, alors en repos à Gempe et rappelé d’urgence, arriva le matin et organisa le déménagement. Chacun emballerait ses petites affaires; les livres que l’on ne pourrait emporter seraient remis à la bibliothèque fermée à clé; on travaillerait la nuit et le jour à déménager mobilier et vivres. Le Fr. Léopold, accompagné du P. Rodolphe, se rend à la Kommandantur afin d’essayer de conserver notre position:

Notices Biographiques A.A Page : 141/141 ils reviennent et annoncent que les Allemands consentent à traiter. On exige seulement que nous logions sur place 300 soldats! Il fallut nous serrer dans les locaux restants. A midi, la cour intérieure ressemblait à un campement de bohémiens: lits, chaises, habits, tables, bureaux chargés de livre! Sur le tout pleuvait une fine poussière de charbon. Le campement avait ses rues, ses avenues, ses places. De toutes parts des barricades se dressaient jusqu’au milieu des corridors pour interdire à nos futurs voisins des visites peu charmantes; les vitres badigeonnées à la céruse ne nous exposeraient pas à leurs regards. Partout des défenses estampillées: ‘défense de passer, ‘interdit aux militaires’… Après cette journée de travail fébrile, les classes reprirent, la grippe aussi. Le dortoir affecté aux malades ne suffisait plus, novices et étudiants tombaient comme mouches en été. Dehors les convois de réfugiés défilaient toujours. Au retour de la promenade, plus d’un s’alita encore. Il y avait 117 malades. Le Fr. Silvius avait la poitrine oppressée, une pneumonie se déclara, il renouvela sa profession. Dans la nuit du 3 novembre, le Fr. Domnin, novice, eut une crise du cœur. Le 4, il rendait son âme à Dieu. Le -5, sous une pluie battante, les quinze religieux vaillants l’accompagnèrent au cimetière du Pare: il repose dans la nouvelle concession, à côté de la grotte. A notre retour du cimetière, les 300 Prussiens annoncés le 28 [octobre] envahissaient la partie évacuée de la maison. L’état du Fr. Silvius devint désespéré: l’idée de la brutale évacuation qui nous menaçait quelques jours plus tôt hantait son imagination et se traduisait par la volonté absolue de partir en voyage. Le 7 [novembre] au matin, le Frère était mort. La messe des morts, chantée le 9, réunit la majorité de la communauté: seule une vingtaine de frères purent accompagner le corps jusqu’au Parc. Il repose à côté du Fr. Domnin. D’autres inspiraient encore de vives inquiétudes. Le 11 au matin, le Fr. Hervé Barré mourut, c’était le troisième décès en sept jours. Nous n’avons cessé de réciter des offices et de chanter des messes de morts. Nous apprîmes plus de quinze décès à la fois … ».

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Bibliographies

Documentation : Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudrefray. Correspondance du Fr. Guy Finaert du 17 novembre 1918, reproduite dans La Lettre à la dispersion, 1919, n° 553, p. 33-35 et dans Nouvelles de la Famille, 1919, n° 282, p. 49- 51.