Guérison et contre-guérison (tentation de la langue).

Notre-Seigneur, selon l’Evangile, veut bien guérir un sourd muet (1). Eh bien, si notre divin Maître revenait ici-bas, je le conjurerais de faire un miracle d’une autre espèce: celui d’ôter leur langue à une foule de gens. Quel abus horrible n’en fait-on pas! Laissons de côté les injures, les provocations, les mensonges vulgaires. Est-ce que la langue n’a pas implanté le règne de la fausseté, de l’erreur partout où elle peut trouver un fragment de tribune? Voyez les systèmes philosophiques, et les romans, et les cours athées, et les loges des francs-maçons. A la parole parlée joignez la parole écrite, depuis la chaire de pestilence (2) comme déjà du temps de David, jusqu’à la plume contagieuse d’une foule de journalistes, que de poisons sont versés à flots de toute part à l’aide de discours, de feuilles quotidiennes, de drames, de conférences! Qui énumérera les formes revêtues par toutes ces élucubrations inventées pour tuer la pureté dans le cœur, la vérité dans les intelligences?

Le Pèlerin, 23 mars 1878, p. 192.

(1) Miracle d’un sourd-muet guéri? Un sourd-bègue, oui en Mc 7, 31; un aveugle et muet, oui en Mt 12, 22. On ne trouve l’association sourd et muet qu’en Mc 9, 25 à propos de la guérison d’un démoniaque épileptique.

(2) La chaire de pestilence est une expression favorite des apologistes du XIXème siècle pour stigmatiser l’enseignement universitaire. Le P. d’Alzon qui fut journaliste à ses heures et encouragea la vocation du P. Vincent de Paul Bailly dans l’apostolat de presse, n’est pas tendre avec la profession.