DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 69

20 jun 1862 Nîmes KAJZIEWICZ Jérôme cr

Depuis son retour, il a souvent pensé à leurs conversations de Rome. – Il a annoncé son arrivée à Constantinople à P. Baragnon. – Est-il préférable de s’occuper du schisme photien en général ou seulement des provinces bulgares? – L’emplacement du séminaire projeté. – A quoi le P. Charles sera-t-il employé? Il s’occupe à trouver des fonds pour les commencements de leur oeuvre. – Qu’il veuille bien faire part de ce qu’il lui écrit à Barnabo, Simeoni, Brunoni et Hassoun. – S’il a quelque chose à lui dire, il peut toujours user de l’intermédiaire du Fr. Vincent de Paul. – Il compte toujours sur le P. Semenenko pour le mois de septembre.

Informations générales
  • DR04_069
  • 1788
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 69
  • Cop.ms. ACR, AO 221; D'A., T.D. 40, n. 4, pp. 104-105.
Informations détaillées
  • 1 BULGARES
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SCHISME SLAVE
    1 SEMINAIRES
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BARAGNON, PIERRE
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CAPALTI, ANNIBALE
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 KACZANOWSKI, CHARLES
    2 KHOZMIAN, JEAN
    2 KWIATKOWSKI, LADISLAS
    2 PIE IX
    2 SEMENENKO, PIERRE
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    3 CONSTANTINOPLE
    3 ROME
    3 ROUMELIE
    3 TURQUIE
  • AU PERE JEROME KAJZIEWICZ
  • KAJZIEWICZ Jérôme cr
  • Nîmes, le [20] juin 1862(1).
  • 20 jun 1862
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
  • *Le Père Jérôme*
La lettre

Vous pensez bien que, depuis mon départ de Rome, j’ai pensé plus d’une fois à tout ce dont nous avons si souvent parlé. Permettez-moi d’y revenir encore aujourd’hui pour vous soumettre quelques idées nouvelles. Je veux vous dire avant tout que j’ai déjà écrit à M. Baragnon, directeur du Journal de Constantinople; je lui ai annoncé votre arrivée(2). C’est un bon catholique, prêt à rendre service à la cause de l’Eglise et dont vous tirerez le meilleur parti, pourvu que vous admettiez avec lui qu’il a une grande influence. Du reste, il a le bon esprit de reconnaître que le terrain le plus utile sur lequel il pouvait se placer, c’était l’union des intérêts de l’Eglise et de la Turquie.

Je vous conjure de vouloir bien examiner si, comme Brunoni semble le penser, il est préférable de s’occuper en général du schisme photien(3), ou bien s’il vaut mieux ne s’occuper que des provinces bulgares. Quant à l’établissement projeté d’un séminaire, ne vaudrait-il pas mieux le placer en Roumélie, où les affinités de langage permettraient à un plus grand nombre de vos Pères de communiquer l’enseignement? Si, au contraire, vous croyez, après avoir étudié mûrement la question, qu’il vaut mieux rester dans les provinces qu’on veut convertir, il me paraît indispensable que vous cherchiez un professeur que vous enverrez en France, afin d’enseigner les langues nécessaires à nos futurs missionnaires. Vous comprenez qu’il s’agit non d’une recherche immédiate, mais faite sérieusement. Quant au P. Charles(4), à quoi pensez-vous l’employer? Est-ce comme curé? Est-ce comme missionnaire? Est-ce comme directeur d’une petite école préparatoire? Je voterais pour ce troisième genre de travail. D’une part, il ne serait pas nécessaire qu’il eût d’abord beaucoup d’élèves; de l’autre, il accoutumerait ainsi les populations slaves à accepter l’enseignement donné par les Occidentaux.

De mon côté, je m’occupe aussi activement que possible à trouver des fonds pour les commencements de notre oeuvre. Je suis profondément convaincu, et déjà on me l’écrit de Paris, que les sujets ne nous manqueront pas.

Vous me permettrez, mon bien cher Père, de vous écrire ainsi tout ce qui me vient à la pensée, à propos d’une oeuvre aussi importante. Vous voudrez bien en faire part, dans la mesure où vous le croirez convenable, à Barnabo, Simeoni, Brunoni et Hassoun. Tant que vous serez à Rome, si vos occupations ne vous permettent pas de m’écrire, vous pouvez prendre pour secrétaire le Fr. Vincent de Paul.

Je compte toujours sur le P. Semenenko pour le mois de septembre. S’il veut venir plus tôt, nous en serons ravis, car nous serons réunis dès les premiers jours du mois d’août.

J’espère que vous voudrez bien ne pas être avare de nouvelles et nous tenir au courant de tout ce que vous aurez observé.

Notes et post-scriptum
1. La copie porte *30 juin*: mauvaise transcription sans doute pour le 20 juin. En effet, cette lettre fut jointe à celle que le P. d'Alzon envoya de Nîmes au Fr. Vincent de Paul Bailly vers le 20 juin et à laquelle ce dernier répondit le 28. La réponse du P. Jérôme est également du 28.
2. Pierre Baragnon, ancien élève du collège de l'Assomption, tout dévoué au P. d'Alzon, rédigeait en français le *Journal de Constantinople* qui reflétait la pensée du grand vizir et du ministre turc des Affaires étrangères. L'amitié de ces hauts personnages en faisait un homme influent. Le P. d'Alzon lui recommande le P. Jérôme.
Dès le 4 juin, chez Mgr Simeoni, le P. d'Alzon avait émis l'idée de choisir quelqu'un qui se rendrait sur place et ferait rapport. Le 6 juin, le pape lui-même avait dit au P. d'Alzon qu'il devrait envoyer quelqu'un sur les lieux pour voir où placer le séminaire à créer pour les Bulgares, et le soir du même jour le cardinal Barnabo lui avait fait une proposition identique. Le P. d'Alzon ne pouvant se rendre en Orient avant l'hiver, il fut convenu avec le P. Jérôme que ce dernier l'y précéderait (lettre du P. Jérôme au P. Khozmian du 1er juillet). Dès le 21 juin (le P. d'Alzon a quitté Rome le 15), Vincent de Paul réclamait au P. d'Alzon, de la part du P. Jérôme, la lettre de recommandation promise. Dans ses Mémoires, le P. Jérôme présentera ce voyage comme lui ayant été demandé par le pape lui-même: "[...] en juin 1862, le Saint-Père m'a appelé auprès de lui et m'a demandé des missionnaires pour la Bulgarie, qui soient prêts à adopter le rite oriental, mais il voulait que je me rende d'abord sur place pour voir l'état des choses et que je fasse un rapport à mon retour" (trad. du texte cité en italien par L. KWIATKOWSKI, *La Vita di P. Pietro Semenenko*, p. 294, Roma, 1953). L'audience dont il est question ici eut lieu le 27 juin 1862 et le lendemain le P. Jérôme lui-même en avait fait au P. d'Alzon le récit suivant: "Comme le cardinal [Barnabo] et Capalti [Secrétaire de la Propagande] se montrent réservés, l'important pour moi était de savoir si le St Père désirait que moi en particulier je fasse cette expédition. Or ce n'est qu'hier que j'ai pu poser cette question au St Père, qui m'a répondu *si che ho piacere* en ajoutant *ne soyez pas trop polonais*. Il m'a demandé aussi si j'avais causé avec vous. J'ai répondu affirmativement[...]".
3. L'idée a été émise par Mgr Brunoni, vicaire apostolique patriarcal de Constantinople, lors d'un entretien que le P. d'Alzon a eu avec lui à Rome (voir *Lettre* 1798).
4. Le P. Charles Kaczanowski, Résurrectioniste.