DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 94

19 apr 1879 Paris CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Mademoiselle Franck et ses collaboratices.

Informations générales
  • DR13_094
  • 6671
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 94
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 428; D'A., T.D. 30, n. 546, p. 331-332; QUENARD, p.279.
Informations détaillées
  • 1 BEAU CHRETIEN
    1 CONVERSIONS
    1 ECOLES
    1 JUIFS
    1 OBLATES
    1 ORPHELINATS
    1 PETITES SOEURS DE L'ASSOMPTION
    1 PROFESSIONS
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 FAGE, MARIE DE JESUS
    2 FRANCK, MARIA-FRANCESCA
    2 FRANCK, MARIE DU SACRE-COEUR
    2 LEKIME, MADAME
    2 MONSCH, CHARLES
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 AMERIQUE DU NORD
    3 ANGLETERRE
    3 BORDEAUX
    3 BOUSCAT, LE
    3 FRANCE
    3 LATRESNE
    3 LIVRY-GARGAN
    3 PARIS
    3 ROME
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Paris, 19 avril 1879.
  • 19 apr 1879
  • Paris
La lettre

Ma chère fille,

Ecoutez bien. A l’époque de la Commune, il se présenta au P. Picard trois groupes de personnes qui voulaient s’occuper des oeuvres professionnelles, à condition d’être dirigées par lui. Le P. Picard n’eut pas le temps. Un groupe a eu du succès, mais est devenu universitaire; un autre s’en est allé en eau de boudin; le troisième dirigé par une folle a fait faillite. La directrice est partie. C’était la fameuse Mme Lekime dont vous m’avez entendu parler; mais elle a laissé pour soutenir un orphelinat professionnel deux ou trois sujets très capables, entre autres une Mlle Franck, venue de Bordeaux pour me parler.

Mlle Franck, juive d’origine, élève brillante du Conservatoire, avait pris un engagement de 20.000 francs au théâtre; convertie à la vraie foi, elle rompait son engagement, malgré les belles espérances qu’elle avait. Au départ de Mme Lekime, elle a fait de vrais prodiges pour soutenir sa maison, a tout arrangé, payé. Il faut dire qu’elle a une capacité extraordinaire. Elle fait des statues qu’elle vend 4.000 et 5.000 francs; elle est professeur très brillant. Je ne parle pas de sa voix qui lui avait valu, dès sa première année [de théâtre], 20.000 francs de rente. Or elle est venue me voir hier, je l’ai écartée. Pourquoi? 1° Parce qu’elle ne m’a pas paru très franche. 2° Parce qu’elle veut s’unir aux Petites-Soeurs, dont la supérieure ni le P. Pernet ne veulent en aucune façon, parce que les deux buts sont différents. J’en ai parlé au P. Picard, qui prétend que cette oeuvre irait mieux aux Oblates: 1° Parce que l’on aurait la base d’une Ecole professionnelle, la grande question du jour; 2° parce que, sur 6 filles qui nous viendraient du coup, on en aurait au moins deux très intelligentes et vraiment hors ligne, quatre capables, quoique avec moins de moyens que les deux premières; 3° parce que leur maison près [de] Bordeaux vous ménagerait des vocations d’une autre partie de la France.

Le P. Picard est en ce moment très bien disposé pour les Oblates. Toutefois il me dit: « Si les Oblates ne sont pas résolues à se faire conduire par les Pères de l’Assomption, ne parlez pas d’accepter ces bonnes filles, parce que ce sont les religieux de l’Assomption qu’elles veulent avant tout ».

Adieu, ma chère fille. Le P. Picard part demain pour Rome et j’ai bien affaire avec lui.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D’ALZON.

Ce qui m’avait paru moins franc chez Madame Frank est attribué par les Pères V[incent] de Paul et Picard à des motifs que je n’ai peut-être pas bien démêlés et qui ne sont pas aussi imparfaits que je le soupçonnais d’abord(1).

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Juive de naissance, Rosa Franck avait reçu le baptême dans l'Eglise catholique en 1866 et avait pris le nom de Myriam. A Paris où elle s'occupait d'oeuvres professionnelles pour jeunes filles, elle fit dès 1867 la connaissance du P. Picard. En 1872, elle fonda à Bordeaux les Dames Augustines de la Providence, qu'elle installa à Latresne. Elle s'appellera désormais Sr Maria-Francesca. Sa soeur Julie, ayant reçu le baptême elle aussi, entra en 1877 dans la congrégation sous le nom de Sr Marie du Sacré-Coeur. Sr Maria-Francesca, dont le P. Picard était devenu le directeur, souhaita bien vite faire entrer son oeuvre dans la famille de l'Assomption, dont elle assimilait l'esprit avec ferveur. Cela se fera en 1882-1883 : Sr Marie du S.-C. prononça ses voeux comme Oblate de l'Assomption en octobre 1883, Sr Maria-Francesca en décembre 1884. Malheureusement, quelque trente ans plus tard, des difficultés survenues en Angleterre amenèrent la rupture (1912). Rentrées en France, les Mères Franck fondèrent au Bouscat les Oblates de N-D. de Consolation, devenues en 1942 les Religieuses Augustines de N.-D. de Consolation. La Providence a permis que l'unité se refît en 1991. (*Les Mères Franck et l'Assomption*, conférence inédite du P. Charles MONSCH à la session du Bouscat, 4-6 janvier 1991). - Dans notre lettre le P. d'Alzon a écrit deux fois *Frank*.
Soeur Maria-Francesca était une artiste de grand talent. Elle possédait notamment un merveilleux don de sculpteur. C'est ainsi qu'elle est l'auteur d'une monumentale statue en bronze du P. d'Alzon (coiffé du capuchon, le bras droit étendu, l'index pointé vers l'horizon) qu'elle offrit au P. Picard et fut installée dans la grande cour du noviciat de Livry (*Lettre à la Dispersion*, n° 156 du 20 sept. 1925). Plusieurs copies en ont été réalisées, qui ont essaimé en divers pays et jusqu'en Amérique du Nord).