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Informations générales
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  • [A PROPOS D'UNE LETTRE D'HIPPOLYTE CARNOT.] (1)
  • La Liberté pour tous, Nº 5, 30 mars 1848, p. 2.
  • Lettres du P. Emmanuel d'Alzon, III. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1926, p. 669 à 671.
  • CP 25; A 138.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 DESPOTISME
    1 EGALITE
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 GOUVERNEMENT
    1 LIBERTE
    1 MAHOMETANISME
    1 MONARCHIE
    1 POUVOIR
    1 REPUBLIQUE
    1 VOEU DE CHASTETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 CARNOT, HIPPOLYTE
    3 DARDANELLES
    3 TURQUIE
  • 30 mars 1848.
  • Nîmes
La lettre

La plume nous tremble sous les doigts en essayant d’exprimer la profonde indignation que cette lettre soulève dans notre à^me.

Les catholiques qui ont cru à la liberté, le 25 février, se sont-ils fait illusion? Qu’on le leur dise franchement. Ils avaient cru que la royauté du juste milieu avait emporté avec elle ces traditions d’autocratie religieuse, empruntées aux plus mauvais jours du Bas-Empire, et que chacun, se reposant enfin sur la force de son droit et de la liberté, pourrait vivre selon toutes les conséquences de sa foi. Il paraît qu’ils se sont trompés. M. Carnot se charge de leur ouvrir les yeux et de leur apprendre que tous les pachas ne sont pas en Turquie(2).

Etrange effet du pouvoir! A peine les hommes, que l’on croyait le plus à l’abri du vertige en ont-ils saisi quelque lambeau qu’aussitôt la tête leur tourne, et, pris de je ne sais quelle fureur persécutrice, ils se sentent malheureux jusqu’à ce qu’ils aient trouvé des victimes, sur lesquelles ils puissent s’abattre comme sur une proie.

Courage, Messieurs les commissaires! Poursuivez; ne vous arrêtez pas! N’êtes-vous pas tout-puissants? Et ne savez-vous pas que vous aurez toujours derrière vous un ministre irresponsable pour affirmer, quel que soit votre despotisme, que vous avez bien fait, et, à côté de ce ministre, un commis de bureau chargé de découvrir des raisons quelconques à vos actes.

Pour nous, nous avions pris la République autrement. Quand on nous annonça la liberté, nous crûmes qu’elle serait pour tout le monde, dans les limites fixées par des lois communes. Quand on nous parla d’égalité, nous espérâmes que ce que l’un pourrait, l’autre le pourrait également. Quand on proclama le mot chrétien de fraternité, nous pensâmes que, si nos ministres et leurs subordonnés avaient la tête étroite, ils auraient le coeur assez large pour faire tomber les petites rancunes aigries par les petites passions, ou que du moins ils ne les encourageraient pas. Mais nous n’en sommes pas encore là; et, quant aux trois mots sacrés inscrits en tête de tous les actes du gouvernement, longtemps encore sans doute ils ne seront que des mots.

Nous ne nous sentons pas le courage de discuter l’étrange lettre qui nous inspire ces réflexions. Cependant, il faudra probablement y revenir et demander à M. Carnot, si, selon lui, la République proscrit tous les voeux. Car alors que deviendrait le clergé? Tous ses membres, engagés dans les ordres n’ont-ils pas fait voeu de chasteté? Peut-être M. le ministre des Cultes l’ignore, et il est bon de le lui apprendre. Ou bien la République repousse seulement certains voeux. et il faudra que le M. le ministre de l’Instruction publique fasse connaître ceux qu’il proscrit. Peut-être serait-ce celui de se livrer gratuitement à l’instruction des pauvres? Enfin, nous demandons des éclaircissements; car tout catholique s’était cru jusqu’à ce jour en droit de faire, même en particulier, des voeux, sans être coupable du crime de lèse-nation. Tout ceci serait bien ridicule, si ce n’était profondément odieux.

Quoi qu’il en soit, fidèles à notre titre, nous voulons la liberté pour tous, nous la voulons pour nous. Les tentatives de quelques agents subalternes, appuyés par des ministres qui auraient dû les désavouer, ne nous arrêteront pas. Nous savons, et ils le savent comme nous, que nous avons le droit de notre côté. Nous seuls, dans cette occasion, sommes les vrais défenseurs des principes républicains. Nous les avons acceptés franchement et nous ne permettrons [pas] qu’on les fausse à force d’arbitraire. Nous n’entendons pas plus subir le despotisme brutal de quelques démagogues que la tyrannie conservatrice dont la France s’est débarrassée. Encore un coup, nous voulons la liberté pour tous, et dussions-nous y mettre notre tête, nous l’aurons.

Notes et post-scriptum
1. Article donné sans titre dans le numéro 5, jeudi 30 mars 1848. Dans sa lettre du 1er avril à la Mère Marie -Eugénie de Jésus, le P. d'Alzon dit expressément que cet article était de lui, et nous en avons encore le manuscrit. Il fut motivé par le fait suivant. Emmanuel Arago, commissaire du gouvernement dans le Rhône, avait supprimé par décret les associations religieuses du département. Le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, s'empressa de protester, auprès de Carnot, ministre de l'Instruction publique et de Cultes. Celui-ci lui répondit, non sans ironie, qu'en prononçant la dissolution de ces associations, les mesures de police prises n'étaient pas une attaque contre les principes ou les personnes, mais qu'au contraire elles étaient pour les uns et les autres une protection véritable (*sic*). Il ajoutait, du reste, que ces associations avaient pour fondement des *voeux*, qui étaient en désaccord avec l'esprit non moins qu'avec le texte de la législation du pays.2. "Quand nous parlons de *pachas*, nous n'avons pas l'intention d'appliquer ce titre à M. Carnot. Si nous cherchions le pendant de M. le ministre de l'Instruction publique et des Cultes, de l'autre côté des Dardanelles, nous le comparerions plus volontiers au grand muphti, chef de la science et de la religion musulmane. Ce personnage a des textes avec lesquels il peut, en certaines occasions, faire étrangler même le grand-turc." (*Note du P. d'Alzon*).