- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
- LA PRIERE
- Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 181-186.
- CO 51
- 1 ADORATION
1 CONNAISSANCE DE DIEU
1 CONTRITION
1 FAIBLESSES
1 GRACE
1 HUMILITE
1 INTELLIGENCE
1 LOUANGE
1 POSSESSION DE DIEU
1 PURIFICATION
1 VIE CONTEMPLATIVE
1 VIE DE PRIERE
1 VOIE UNITIVE
1 VOLONTE - 1875
Oportet semper orare et non deficere(1). Cette recommandation évangélique est fondée sur la nature même de la vie spirituelle. Je veux envisager la prière: 1° dans son terme; 2° dans ses conditions.
I. Terme de la prière.
Ce terme, c’est Dieu. Je dois le chercher par tous mes désirs, puisqu’il m’a fait pour lui et que nous avons besoin de le posséder pour trouver le bonheur.
Donc, je dois m’élever sans cesse vers Dieu, et ici se forme ce flux et ce reflux admirables de Dieu vers la créature et de la créature vers Dieu. Dieu m’attire, je me laisse attirer et je vais à lui dans l’adoration; mais en l’adorant je contemple ses perfections; je désire les posséder et je lui en demande le pouvoir. Dieu me montre sa bonté; mais sa lumière se réfléchissant sur moi me montre mes souillures, que je suis incapable de laver à moi seul. Dieu les lave dans le sang de son Fils, et la reconnaissance d’un si grand bienfait me fait détester ces souillures et me porte à en solliciter sans cesse le pardon. Et quand mon âme est purifiée par la grâce, en quels accents de reconnaissance n’éclate-t-elle pas envers le Dieu qui a rompu ses liens: Dirupisti vincula mea(2), et lui permet de tendre à la possession du bien éternel! Dans cette prière, Dieu commence, l’âme répond, et il se forme une conversation intime, féconde, où l’âme augmente sa foi, sa confiance, et commence à aimer celui à qui elle veut appartenir, comme lui, de son côté, veut se donner à elle pour toute l’éternité, et dans des proportions qu’on ne saurait comprendre ici-bas.
Mais Dieu est un pur esprit; ce n’est que par l’esprit qu’on peut le saisir. pour prier, pour aller à Dieu, il faut s’élever au-dessus des sens. Sans doute, nous pouvons élever notre âme à Dieu par les créatures, mais, si nous en restons aux créatures, nous n’irons jamais pleinement à Dieu. Revenons donc sans cesse sur la nécessité de nous attacher à Dieu très purement et de ne chercher que lui seul.
II. Conditions de la prière.
Elles plongent leurs racines dans le plus intime de notre être. Je saisis Dieu, terme de mon être, par l’intelligence et la volonté.
1° Par l’intelligence. -Voilà pourquoi je dois étudier Dieu autant que j’en suis capable. Quelle folie de se précipiter dans les vaines sciences de la terre et de ne pas se nourrir des vérités [éternelles]! Une des conditions essentielles de la prière est de connaître celui à qui je m’adresse. Il y a démence à vouloir traiter avec Dieu et de ne pas vouloir savoir suffisamment qu’il est et cec qu’il est. Sans doute, il y a divers degrés de la connaissance de Dieu, mais, laissant de côté ceux qui ne vivent pas de la vie religieuse et de la vie de l’Assomption, n’est-il pas évident que, pour moi, la connaissance de Dieu et de ses attributs est une condition essentielle de la perfection à laquelle je dois tendre? Donc, au point de vue de l’intelligence, je dois m’appliquer à connaître Dieu, autant qu’il dépend de moi. Sous ce rapport, l’étude peut être une prière, ou tout au moins une condition fondamentale de la prière. Malheur à moi si je n’étudie pas de façon à connaître Dieu comme il convient à ma vocation!
2° par la volonté. -La volonté me fixe par un certain effort dans la présence de Dieu. Sans doute, la prière doit avoir ses heures et ses moments; mais plus la prière devient parfaite, plus elle ressemble à celle des anges qui, ne connaissant pas la fatigue, n’a pas non plus besoin d’interruption. Ah! sans doute, le poids de mon corps m’empêche d’être comme les esprits bienheureux, mais je puis me renouveler par un effort plus continu et par l’heureuse nécessité de revenir sans cesse vers celui dont je désire ne me séparer jamais.
La prière a ses degrés. Celui qui prie doit, comme dit le prophète, disposer des ascensions dans son coeur(3). Il a besoin d’être purifié, et la prière, qui le nourrit du regret de ses fautes, imprime au fond de l’âme une salutaire humilité. Ah! oui, pour prier, il faut comprendre, autant que l’homme en est capable, et son néant et son péché. « Seigneur, je suis devenu comme un néant en votre présence »(4), s’écrie le prophète, et encore: « Mon péché est toujours devant mes yeux. »(5) Que sont les chants de David? une longue proclamation de ses misères et de ses fautes!
Puis, quand il s’est purifié dans l’humiliation et le repentir, quand son coeur est devenu pur de toute souillure, il peut avec confiance ouvrir les yeux de l’âme à la lumière surnaturelle; il étudiera les miséricordes de Dieu, dont le nombre est infini; il tremblera à la pensée des jugements divins, mais il vivra avec confiance dans la lumière de Dieu: Lucerna pedibus meis verbum tuum et lumen semitis meis(6): lumière admirable, qui, s’accroissant d’heure en heure, est l’aube du plein jour de l’éternité.
Enfin, à mesure que l’âme se purifie et s’éclaire, elle désire avec plus d’ardeur toucher au terme qui est Dieu. Qui dira l’union de Dieu avec l’âme sainte, dès ici-bas? Et pourquoi faisons-nous si peu d’efforts pour hâter cette union, telle qu’il est permis d’en jouir, même sur la terre?
Arrivée à ce terme, la prière donne une puissance immense. Un des privilèges de la prière des saints, c’est d’exercer son pouvoir sur Dieu même. Ah! qu’il serait à certains moments nécessaire de l’exercer, ce pouvoir, en faveur de l’Eglise! Aussi, quelle nécessité de prier, de prier sans cesse! pour terminer par les paroles qui ont été mon point de départ.
Quelle belle mission pour les jeunes religieux qui, n’ayant pas à travailler encore dans le champ du Seigneur, peuvent au moins prier!
Quel danger pour les anciens religieux, s’ils ne priaient pas!
O mon Dieu, faites de moi un homme de prière, et que, par votre grâce, la prière me rende tout vôtre, et soit un avant goût des louanges que je vous adresserai dans la patrie.
2. Ps. CXV, 16.
3. *Ascensiones in corde suo disposuit*. (Ps. LXXXIII, 6.)
4. *Substantia mea tanquam nihilum ante te*. (Ps. XXXVIII, 6.)
5. *Peccatum meum contra me est semper*. (Ps. L, 5.)
6. "Votre parole est la lampe qui éclaire mes pas et la lumière qui luit dans les sentiers où je marche." (Ps. CXVIII, 105.)