- TD43.022
- CONVERSATIONS [A ROME]
- [Chez le cardinal Micara, le 1er mai]
- Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 22-24.
- 1 ALLEMANDS
1 ANGLAIS
1 ECRITURE SAINTE
1 EGLISE
1 RATIONALISME
2 BAINES, PETER-AUGUSTINE
2 CHATEAUBRIAND, FRANCOIS-RENE DE
2 MICARA, LODOVICO - 1er mai 1834
- Rome
1er mai. Mic[ara]
Moi. Que pensez-vous de la manière d’étudier la Bible d’après les textes originaux, selon la méthode des rationalistes allemands? Pour moi, j’y vois une permission de Dieu qui veut condamner ces hommes par leurs propres oeuvres. Mais après tout je ne comprends pas trop que des hommes passent leur vie à étudier un livre, et que le résultat auquel tendent leurs efforts soit: Ce livre ne renferme que ce que renferment tous les autres. Il y a dans ces efforts mêmes une preuve qu’ils sentent que ce livre les condamne.
M[icara]. L’étude de la Bible d’après la méthode allemande me paraît d’abord incompatible avec un climat chaud. Cette étude exige une longue patience, une vie sédentaire, et l’Allemagne est bonne pour cela. Là où l’imagination est plus forte et où en même temps le mouvement est nécessaire, des études semblables sont à peu près impossibles. De plus, elles sont inutiles. On ne discute plus tel ou tel texte, on discute sur le fond sur lequel tous les textes reposent. Inutile donc de suivre l’ennemi sur un champ de bataille, où il peut faire la guerre des Parthes. Il faut l’entraîner sur le terrain de l’autorité. Sur ce terrain-là il ne peut lutter.
Il y a quelque temps, M. Benns prêchant un Jésus Messie à ses compatriotes, un Anglais l’interrompit et lui fit une objection tirée de la Bible. M. Benns ne répondit pas, mais le dimanche suivant il se contenta de dire ces quelques mots: « Ce n’est pas ici le lieu de répondre aux objections, mais j’adresserai les questions suivantes à celui qui m’a interrompu: De qui les protestants tiennent-ils la Bible? De l’Eglise. De qui ont-ils reçu les interprétations? De l’Eglise. C’est toujours à l’Eglise qu’il faut en revenir pour constater l’autorité de ce livre, et ils ne veulent pas reconnaître à l’Eglise le droit de l’interpréter ». Cette réponse, en effet, répond à tout. L’étude du texte littéral peut servir à un controversiste, et encore n’a-t-il besoin que d’un certain nombre de textes. L’Ecriture n’a pas tout dit. Et puis si l’Eglise n’interprète pas, connaîtra-t-on ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas? Comment saurait-on que le baptême est un sacrement et que le lavement des pieds ne l’est pas? Et mille autres choses du même genre.
Je voyais un jour une personne enthousiasmée de Châteaubriand. Elle me disait que le Génie du christianisme avait fait un bien infini. – Oui, oui, lui dis-je, mais il ne faut pas croire que Châteaubriand ait fait un si grand bien. Auprès de quelques femmes, c’est possible. Mais pensez-vous que la vérité ait besoin d’ornements? Non, je ne le pense pas; c’est la fable qui en a besoin, la vérité jamais.