Aux élèves du collège

12 NOV 1870 Nîmes COLLEGE élèves

Pour lutter contre les ennemis de Dieu et faire advenir son règne, il faut l’étude, la sainteté et le courage – Le Christ triomphera.

Informations générales
  • Aux élèves du collège
  • Résumé du sermon prononcé par le P. d'Alzon le jour de l'Adoration perpétuelle, 12 novembre 1870
  • CZ 112 (ms d'une écriture inconnue).
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 ATHEISME
    1 AUGUSTIN
    1 AUMONIERS SCOLAIRES
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 DEVOTION A LA SAINTE VIERGE
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FOI
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 GLORIFICATION DE JESUS-CHRIST
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MANQUE DE FOI
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 POUVOIR
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REGNE
    1 SCEPTICISME
    1 SOCIALISME ADVERSAIRE
    1 TOLERANCE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    2 BEUST, FREDERIC-FERDINAND DE
    2 BONIFACE VIII
    2 GREGOIRE VII, SAINT
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 MARTIN, SAINT
    2 MICHEL, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PIE IX
    2 VICTOR-EMMANUEL II
    3 ANGLETERRE
    3 AUTRICHE
    3 ESPAGNE
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 PARIS, LA VILLETTE
    3 PRUSSE
    3 RUSSIE
  • Elèves du collège
  • COLLEGE élèves
  • 12 novembre 1870
  • 12 NOV 1870
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Nous trouvons aujourd’hui dans la société deux camps en présence: ce sont les deux cités dont parle saint Augustin. D’une part on trouve les hommes qui disent Nolumus hunc regnare super nos, qui ne veulent plus du règne de J.C. parce qu’ils ne souffrent aucune autorité; ils prétendent chasser l’empereur suprême, comme saint Augustin appelle Jésus-Christ, comme ils ont chassé les autres rois et empereurs, et veulent le détrôner, eût-il son trône dans le ciel. C’est là l’armée infernale et nous voyons même dans la guerre actuelle entre la France et la Prusse la franc-maçonnerie, c’est-à-dire l’armée de l’enfer organisée par les hommes, jouer un grand rôle et, comme je le disais ce matin, deux de nos religieux faits prisonniers n’ont dû leur salut qu’à la puissance du signe maçonnique. Nous voyons dans tout cela la continuation de ce combat qui commença entre saint Michel et Satan dans le ciel et qui depuis dix-huit siècles se poursuit sur la terre entre Satan et Jésus-Christ.

Mais en face des ennemis de Jésus-Christ, de ceux qui ne veulent pas de son règne, on trouve ceux qui lui disent en se servant de ses propres paroles, mais d’une voix qui semble s’affaiblir par moments: Adveniat regnum tuum. Or, à quiconque examine avec attention l’état actuel de la société il semble que ces quelques combattants de plus en plus rares de Jésus-Christ soient sur le point d’être écrasés partout par l’impiété triomphante. Jésus-Christ a été banni des coeurs, des familles et des sociétés. Cependant il ne faut point désespérer et si les soldats de la vérité veulent montrer quelque courage et quelque énergie, ils peuvent s’attendre à remporter encore quelques victoires avant le jour du triomphe définitif, c’est-à-dire avant le jour du jugement.

Il faut donc, pour pouvoir lutter avec succès, connaître les caractères distinctifs des ennemis du Christ, afin que nous puissions connaître en même temps quelles sont les qualités nécessaires à ses amis et à ses soldats.

Il y a donc parmi les ennemis de Jésus-Christ les infidèles. On ne veut plus rien croire, la vérité gêne, et on la repousse. On admet que Jésus-Christ a été un grand philosophe, un grand législateur, un personnage estimable et vertueux, un illustre Rabbi comme disait il n’y a pas longtemps un échappé de séminaire; mais quant à prétendre dominer sur nos âmes, nous imposer ses lois, il n’en a pas le droit, nous voulons vivre tranquilles et délivrés de ces obligations sans nombre qui pèsent sur les serviteurs de J.C. Voilà ce qui se dit partout et le mal de l’infidélité augmente, augmente sans cesse.

L’Université, car il faut tout dire aujourd’hui, n’a pas peu contribué à répandre cette peste en encourageant ces professeurs incrédules et athées qui ne songent dans leurs chaires qu’à détruire le règne de Jésus-Christ dans les âmes. Aussi comment peut-on penser sans frémir à ces aumôniers de l’Université qui semblent autoriser ces blasphèmes et ces attaques contre Dieu, en restant parmi les ennemis de son nom et de son pouvoir.

Il y a en second lieu parmi les ennemis de Dieu et de la vérité les savants qui bâtissent sophismes sur sophismes, entassant systèmes sur systèmes; et en définitive où aboutissent-ils avec toute leur critique, avec tout cet échafaudage de doctrines plus ou moins absurdes? Ils en viennent à s’ensevelir dans le doute. Ils ne savent pas comprendre que l’homme par ses propres forces ne saurait arriver à la vérité, qu’il est nécessaire pour lui de la demander à Dieu et de la recevoir de sa miséricorde car l’homme a été créé capable non pas de trouver la vérité mais de la recevoir d’en-haut; or la vérité dans sa source n’est autre chose que Jésus-Christ lui-même, la seconde personne de l’Adorable Trinité. Ces partisans de la raison humaine ne veulent donc pas non plus du règne social de Jésus-Christ. Quoi, nous accepterions la domination de Jésus-Christ sur les consciences! Mais nous reviendrions ainsi aux jours de Grégoire VII, de Boniface VIII, nous serions perdus! Ainsi parlent ces adversaires de Jésus-Christ et ils ne comprennent pas que ce qui nous perd c’est au contraire d’avoir abandonné les maximes de Grégoire VII, de Boniface VIII, ce pape qui veut que les rois soient soumis au Souverain Pontife, propter peccatum. Et la raison en est bien simple, car c’est le sang de Jésus-Christ qui efface les péchés et comme les empereurs, outre leurs péchés comme hommes privés, ont encore des péchés comme empereurs, comme hommes publics et que ces péchés sont d’ordinaire plus gros que les autres, ils ont besoin pour être effacés d’une plus grande abondance du sang de Jésus-Christ et comme le Pape a une plus grande part dans la distribution de ce sang précieux, on voit sans peine la raison pour laquelle ils se sont réservé les péchés des empereurs.

Il y a encore parmi les ennemis du Christ, les lâches, les libertins, les poltrons, mais il y a surtout les gens prudents, les tolérants, ceux qui disent: sans doute il faut être chrétien, mais il faut se borner à l’être dans la vie privée, on n’a pas le droit d’imposer ses croyances au public, le règne de Jésus-Christ doit être intérieur. Saint Paul ne dit-il pas expressément Regnum Dei intra vos est? Et Jésus-Christ lui-même ne recommande-t-il pas de s’enfermer dans sa chambre, d’en fermer la porte quand on veut prier? Tu autem quum oraveris intra in cubiculum tuum et clauso ostio ora patrem tuum in abscondito. Ainsi prions Dieu dans le secret de notre cabinet mais gardons-nous de trop nous montrer chrétiens en public. Pas de processions, pas de ces manifestations extérieures qui ne sont pas de notre temps: renfermons notre foi et notre piété dans le sanctuaire de nos consciences et sachons respecter la liberté de ceux qui ne partagent pas nos croyances.

Voilà ce que disent bien des honnêtes gens, des hommes qui se disent chrétiens et passent pour tels. Ils permettent à l’impiété de s’étaler et de s’afficher en leur présence, mais les chrétiens doivent garder leur foi au fond de leur coeur et se garder de manifestations imprudentes.

Quels seront donc nos devoirs à nous qui voulons être chrétiens non seulement de nom mais encore de fait? Il nous faut d’abord protester contre ceux qui nient, qui repoussent ou qui dénaturent la vérité en l’étudiant avec beaucoup d’ardeur. Et il est facile de voir par là le crime, je ne dis pas seulement le péché mais le crime, des paresseux de nos jours qui se dispensent d’acquérir les lumières nécessaires pour défendre la vérité, ce à quoi les oblige leur caractère de chrétiens, de soldats de Jésus-Christ.

Et d’ailleurs, je ne veux point taire ici les obligations de vos maîtres. Si vous êtes obligés, vous, de recevoir la vérité qu’ils vous communiquent, ils sont à leur tour eux aussi obligés de s’instruire afin que leur enseignement soit d’abord chrétien, conforme à l’éternelle vérité et ensuite qu’il ne soit ni fastidieux, ni lourd, ni monotone. Leur crime serait encore plus grand que le vôtre s’ils ne faisaient pas tous leurs efforts pour vous offrir et vous rendre acceptable l’enseignement de la vérité. Priez donc, mes enfants, pour que vos maîtres vous donnent cet enseignement et pour qu’ils puissent même donner un jour l’enseignement supérieur comme ils communiquent déjà l’enseignement secondaire. Le monopole de l’enseignement ne peut plus être livré aux mains de gens qui, comme le ministre actuel de l’instruction publique, ne peuvent par leurs doctrines nous donner que des jeunes gens athées.

Ce qu’il faut en second lieu aux soldats du Christ c’est la sainteté. Comme le disait un illustre cardinal, ce qui est le plus effrayant caractère de notre âge, c’est le défaut des saints, des thaumaturges. Ah, si nous pouvions avoir des thaumaturges soit qu’ils ressuscitent les corps comme l’évêque de Tours, saint Martin, dont nous célébrions hier la fête, soit que par la vertu de la parole divine dont ils sont les ministres, ils ressuscitent les âmes, la société se relèverait bientôt de ses ruines. Mais non, les saints ont presque entièrement disparu dans notre société; c’est donc à nous qu’il appartient de demander à Dieu des saints; nous devons en même temps tâcher de devenir des saints nous-mêmes.

Devenir des saints: que ce soit là votre constante préoccupation dans cette maison et surtout quand vous en serez sortis. Ne dites point: c’est trop fatigant et il est plus facile de suivre ses passions, de suivre les maximes du monde au milieu duquel on est appelé à vivre. Ce n’est point là le langage des vrais soldats de Jésus-Christ qui ne doivent redouter aucune fatigue, aucun danger pour faire triompher leur divin Maître parmi les hommes.

Enfin il faut pour lutter avec succès contre les ennemis de Jésus-Christ, le courage. Il faut savoir se poser en chrétien non seulement dans la vie privée mais dans la vie publique; il faut vouloir le règne de Jésus-Christ pour les sociétés comme les individus. La société actuelle n’a plus voulu de Jésus-Christ. Qu’est-il arrivé? Jésus-Christ a répondu: je me retire puisque vous le voulez. Et voyez maintenant l’état de santé de cette société qui a banni Jésus-Christ de son sein. Regardez en particulier l’Europe et cette Europe civilisée, cette Europe qui commande aux autres parties du monde. N’a-t-elle pas le droit d’être bien fière? Avec quelle rapidité l’édifice social ne croule-t-il pas quand on en retire cette pierre angulaire qu’est Jésus-Christ! Ah! vous n’avez pas voulu du règne de Jésus-Christ: eh bien! regardez la société que vous nous avez faite: où est l’ordre, où est la sécurité en ce moment? Partout on ne voit que des décombres, que des ruines, et, vienne un orage, ce sera la boue ajoutée à toutes ces ruines. Ayons donc le courage de nous déclarer franchement chrétiens. Où trouverions-nous d’ailleurs le vrai courage si ce n’est parmi les disciples de Jésus-Christ? Et pour prendre encore un exemple dans la guerre actuelle, où réside aujourd’hui le vrai courage? Est-ce parmi les démagogues rouges? Qu’on en cite un seul qui ait fait une action d’éclat. Est-ce encore parmi ces mobiles de la Vilette faits prisonniers par les Prussiens sans avoir tiré un coup de fusil et surpris par leurs ennemis dans les cabarets où ils étaient ivres-morts? Non, le vrai courage ne se trouve pas là mais il est plutôt chez ces Bretons qu’on accusera peut-être de superstition parce qu’ils se croient protégés par la Ste Vierge. Et ne sont-ils pas d’ailleurs autorisés à le croire, puisque quelques-uns de leurs ennemis faits prisonniers par eux leur disaient: « Quelle est donc cette dame qui pendant le combat plane au-dessus de vous pour vous protéger »? Et plusieurs d’entre eux ont été miraculeusement protégés de la mort sur le champ de bataille par la Ste Vierge Marie. Les Bretons, voilà les soldats qui ont jusqu’ici montré le plus de courage, qui ont forcé Paris à les admirer malgré la superstition qu’on leur reproche.

Attachons-nous donc, mes enfants, à Jésus-Christ, source de la vérité, efforçons-nous de faire arriver son règne dans la société, employons toutes nos forces à le servir. Et de fait, quelle cause plus belle que celle de l’Eglise en ce moment? Trouvez quelque chose de comparable dans tout l’Univers! Est-ce l’Angleterre, où un illustre évêque, Mgr Manning, malgré ou plutôt à cause même de l’affection qu’il porte à son pays, est obligé d’avouer que le chancre de l’impiété multiplie sans cesse ses funestes ravages? Est-ce la Russie pleine de corruptions et de serviles abaissements? Est-ce l’Espagne dont il faut pourtant espérer la résurrection comme nous espérons celle de l’Italie quand elle sera délivrée de Victor-Emmanuel, comme nous espérons encore celle de l’Autriche quand elle n’aura plus M. de Beust. Est-ce enfin la Prusse que ses triomphes sur la France rendront glorieuse à nos yeux? Non ce qu’il y a de vraiment beau dans le monde ce sont les chaînes de Pie IX, le prisonnier du Vatican, le représentant de Jésus-Christ et de la vérité sur cette terre.

Disons donc à Jésus-Christ: C’est vous que nous voulons suivre, que nous voulons faire régner dans nos coeurs et dans la société, c’est votre vérité que nous voulons étudier, méditer et défendre puisque vous-même n’êtes roi que parce que vous êtes l’Eternelle vérité. Soyons assurés en même temps que nous triompherons, car il peut bien y avoir des obscurités, des moments de crise et de péril, mais le triomphe définitif sera pour Jésus-Christ à qui appartient l’éternité.

Notes et post-scriptum