Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

1847 Nîmes Tertiaires Hommes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Cahier des procès-verbaux 1845-1847
    45 à 47. Du 8 janvier au 7 février 1847. - La gravité.
  • Ecrits spirituels, pp. 1299-1304, et Cahiers d'Alzon, n° 5, pp. 137-145.
  • DI 208-210, pp. 59-63.
Informations détaillées
  • 1 ADMISSION AU TIERS-ORDRE
    1 AMOUR DIVIN
    1 AMOUR-PROPRE
    1 APOSTOLAT DES TERTIAIRES
    1 AUMONES RECUES
    1 BUT DE LA VIE
    1 CAREME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CLASSES SUPERIEURES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CRAINTE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DISPOSITIONS AU PECHE
    1 DISTINCTION
    1 EDUCATION EN FAMILLE
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 EVANGELISATION DES PAUVRES
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 GRAVITE
    1 INGRATITUDE
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LEGERETE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 OFFICE DE JESUS
    1 OFFICE DE LA SAINTE VIERGE
    1 OUBLI DE SOI
    1 PERE DE FAMILLE
    1 PRETRE EDUCATEUR
    1 PURGATOIRE
    1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
    1 RESPECT
    1 SALUT DES AMES
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 TRISTESSE
    1 VANITE
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOIE UNITIVE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 DUROZOY
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 FERRY, FRANCOIS-LEON
    2 GAIRAUD, ABBE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 HENRI, ISIDORE
    2 JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE, SAINT
    2 JOVENICH
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MONNIER, JULES
    2 PRADEL, ABBE
    2 ROCHER
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • du 8 janvier au 7 février 1847
  • 1847
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Année 1847.

[45] Séance du 8 janvier [1847].

Etaient présents: MM. Eug. Henri, Cusse, Isid. Henri, Cardenne, Pradel – Monnier, Durand, Sauvage, Ferry, Rocher – Decker, Durozoy, Laurent, Blanchet.

Présidence de M. d’Alzon.

Nous continuerons à nous entretenir des moyens particuliers à prendre pour développer la piété chez nos élèves. Il serait à souhaiter qu’il nous fût possible d’assister personnellement à leurs exercices religieux. Mais cette présence régulière est difficile à réaliser, et laisserait trop peu de repos aux maîtres internes. Nous ne pouvons que nous recommander de nous réunir à nos élèves, à la chapelle, le plus qu’il nous sera loisible de le faire. – Veillons avec la plus grande sévérité à la bonne tenue pendant les exercices religieux.

Employons régulièrement la visite des pauvres. Nous avons produit par elle d’heureuses impressions sur quelques-uns de nos élèves. Usons de la charité pour ouvrir leurs coeurs; le spectacle de la misère les touchera, et l’aumône, faite peu à peu dans un sentiment plus vif de foi, leur apprendra la prière. Qui aime le pauvre aime bien, et prie bien. L’aumône prépare et amène la conversion. Elle est récompensée par des grâces abondantes. – On pourra reprendre l’usage de faire distribuer des coupes par les élèves palmés. – La visite ne sera pas seulement une récompense, elle pourra encore être un moyen d’action sur certains caractères, dans les mauvais moments. Nos élèves pourraient être amenés à la conf[érence] de St V. de Paul.

A la fin de la séance, MM. Durand, Sauvage, Ferry et Rocher sont déclarés novices du T.O. – L’Office de l’Immaculée Conception pourra remplacer le petit office des Grandeurs de Jésus, jusqu’à ce qu’il soit imprimé.

{46] Séance du 17 janvier 1847.

Etaient présents: MM. Tissot, Cardenne, Eug. Henri, Blanchet, Jovenich, Monnier, Durand, Ferry, Sauvage, Rocher, Durozoy – Gairaud, Pradel.

Présidence de M. d’Alzon.

M. l’abbé Gairaud est admis à suivre les entretiens du T.O.

M. d’Alzon commence une série d’instructions sur les vertus d’un bon Maître. Il choisit pour sujet de la première instruction, la gravité.

[I. Gravité intérieure]

En quoi consiste la gravité? Il ne peut être question ici de cette gravité dont l’excès intolérable tombe dans le pédantisme. La gravité recommandée par l’abbé de la Salle à ses disciples n’est pas non plus la gravité à laquelle nous avons à nous former. Dans les écoles chrétiennes, il suffit, aux Frères, d’atteindre un certain sérieux, une certaine tenue qui saisissent les natures grossières de leurs élèves et leur commandent une crainte respectueuse. Le maître qui s’adresse aux classes supérieures doit apporter quelques modifications à ce genre de gravité. Celle qu’il prendra gardera quelque chose de celle du disciple de l’abbé de la Salle, mais l’intérieur. Ce sera comme un rayonnement de gravité intérieure qui, se communiquant à tout l’ensemble de ses actes, ira pénétrer de respect ses élèves.

Gravité intérieure! Remarquons en effet que les occupations les plus graves ne font pas la gravité. Le caractère des hommes occupés à des choses sérieuses n’en est pas pour cela bien souvent ni plus grave, ni plus sérieux. C’est là un déplorable résultat des moeurs légères du temps. Aujourd’hui, on est singulièrement disposé à la légèreté de caractère, on ne sait pas donner aux choses toute leur importance et les élever jusqu’au sérieux chrétien. Aussi tout homme qui n’a pas l’esprit chrétien est-il toujours, quoi qu’il fasse, léger par quelque chose.

La gravité ne consiste pas, non plus, dans une certaine dignité, une certaine majesté d’habitudes; ce n’est alors qu’une qualité, heureuse assurément, désirable à tous égards; mais ce n’est pas la vertu de gravité. On ne sent pas ici cette constance, cette énergie d’efforts à l’aide desquels, nous plaçant dans l’esprit chrétien, nous arrivons à envisager toute chose sérieusement, gravement… La gravité à ce point de vue, c’est donc la pensée du salut fortement empreinte à tous nos actes, la pensée religieuse, le souvenir de Dieu, la préoccupation constante du but de la vie.

[II. Salut personnel]

Si tout homme qui ne donne pas à ces idées sérieuses l’attention qu’elles méritent n’est pas un homme grave, il s’ensuit que le salut, n’étant pas l’oeuvre seulement d’un acte isolé, mais de tout l’ensemble de la vie, tout acquiert dès lors une gravité, relative sans doute, mais enfin très positive; et les simples amusements, les distractions permises doivent toujours être envisagés sérieusement et s’empreindre de gravité. Négliger d’apporter du sérieux dans tous les détails de la vie, c’est donc encore perdre son temps, et Dieu nous demandera compte du temps perdu, puisque nous aurons à Lui répondre d’une parole inutile. Nous manquons donc à un devoir important lorsque nous n’habituons pas notre volonté à rattacher les faits, les actes, les pensées de notre vie entière à l’oeuvre sérieuse du salut. Le négociant prend au sérieux son commerce; il calcule sérieusement toutes ses démarches, tous ses engagements, c’est son état. Si nos calculs, nos démarches, nos engagements aboutissent tous à notre condamnation ou à notre récompense éternelle, dans notre profession chrétienne, voulons-nous donc y mettre moins de sérieux que le négociant dans ses affaires?

[III. Salut des âmes]

Autre conséquence de la gravité au point de vue chrétien. – Si l’oeuvre de notre salut est unie à celle du salut d’autres âmes, la responsabilité de chacun de nos actes augmente le purgatoire. Nous jouons notre éternité; nous spéculons sur l’avenir de notre âme. Mais aussi nous avons encore en mains le salut de plusieurs âmes. La chose devient tout à fait sérieuse. Pères de famille, nous devenons sérieux à mesure que nous nous préoccupons davantage de l’avenir de nos enfants, de leur position, de leur réussite dans le monde. En face de l’éternité, combien nos préoccupations ne doivent-elles pas grandir! Prêtres-religieux, la responsabilité ne devient-elle pas également sérieuse! Si elle a sa gloire, elle a son fardeau. Que de dévouements nous sont imposés! Que d’obligations naissent pour nous! Mais en regard de Dieu et de l’éternité, nos devoirs à tous, par rapport à nous-mêmes, par rapport aux âmes qui nous sont confiées, prennent un caractère extrêmement sérieux, il faut de plus en plus nous en convaincre.

[IV. Exemple du Christ]

Triste condition, effet de notre faiblesse! La légèreté nous domine et la nature a toujours le dessus. Interrogeons les années écoulées de notre vie, ces années dont il ne reste plus qu’un souvenir de récompense ou de châtiment pour l’éternité; comment avons-nous employé ces moments si rapides et si tôt échappés de nos mains? Ils étaient tous effet ou principe de gloire ou de confusion éternelles! Il vaut la peine de peser ces pensées. Elles nous aident à comprendre et à nous définir la gravité chrétienne; elles nous maintiennent dans un sérieux constant; elles nous font aisément surmonter la légèreté, aussitôt que nous nous laissons échapper vers la distraction ou l’insouciance. – Enchaînons notre coeur au sérieux, ayons les pensées de Jésus-Christ. Elles se résument dans l’amour de Dieu et des hommes, fondement unique de sa loi. Rappelons-nous que Jésus-Christ veut l’honneur de son Père, le triomphe de son Eglise. Pour cela, chaque jour, à chaque heure, il opère la séparation mystérieuse des bons et des méchants. Que ce souvenir nous fasse trembler et nous arrache à notre légèreté naturelle! Quand nous comprendrons fortement la nécessité d’aider Jésus-Christ à nous sauver et à sauver les autres, nous aurons cette gravité chrétienne, cette gravité intérieure dont Notre-Seigneur a été le modèle, nous ferons un grand pas dans la perfection. Ramener sans cesse son esprit à Dieu, à Jésus-Christ, à l’Eglise, à la fin suprême de la vie; entrer sérieusement dans ces idées; songer aux intérêts de son éternité; résister à la légèreté: voilà l’effort à faire pour acquérir la vertu de gravité, et la vertu acquise, possédée, se transmet facilement. Quand la gravité sera dans nos pensées, dans notre coeur, elle s’écoulera d’elle-même au-dehors; tout dans notre vie s’imprégnant de gravité, nous inspirerons le respect, et, respectés nous-mêmes par notre caractère chrétien, nous ferons respecter les choses de Dieu.

[V. Gravité extérieure]

Le Maître prêche par toute sa personne: à la gravité intérieure il doit donc joindre la gravité extérieure. Mais celle-ci s’acquiert d’elle-même quand elle s’appuie sur la première. Si quelques avantages naturels de caractère, d’habitudes, d’expériences nous donnent déjà cette gravité, gardons ces avantages, mais qu’ils ne nous dispensent pas d’acquérir le fond intérieur. La prière, la présence de Dieu, nous y exerceront puissamment. Mettons surtout en pratique le mot de saint Vincent de Paul et répétons souvent avec lui: Quid nunc Christus! Par-dessus tout, habituons-nous à nous déprendre de tout ce qui est léger, mouvement de vanité, sottises du point d’honneur, susceptibilités, amour-propre. Elevons-nous peu à peu à une certaine hauteur; faisons bon marché de beaucoup de riens auxquels notre pauvre nature s’attache si fortement; possédons-nous dans le calme et ne soyons pressés que d’une seule chose: faire notre salut.

[47] Séance du 7 février 1847.

Etaient présents: MM. Tissot, Eug. Henri, Cusse, Blanchet, Cardenne – Jovenich, Monnier, d’Everlange, Durand, Sauvage, Ferry, Rocher, Gairaud, Decker, Pradel, Durozoy.

Présidence de M. d’Alzon.

L’entretien continue sur la gravité.

[VI. Souvenir de ses fautes]

S’il est une pensée douloureuse de l’âme chrétienne, c’est assurément la pensée de ses imperfections et du penchant au mal qu’elle conserve en elle malgré toutes les grâces, tous les appels de Jésus-Christ. Ces offenses, ces ingratitudes, ces révoltes envers Dieu et dans nous-mêmes et dans les autres, sont un bien triste spectacle à contempler. – Cette tristesse ne doit-elle pas être toute-puissante à nous arracher à notre légèreté pour nous ramener à la gravité. La gravité naît alors d’une double émotion: tristesse et terreur.

A. Tristesse. – Lorsque nous envisageons nos misères en face de Dieu, d’un côté, que d’amour! de l’autre, que d’ingratitude! Cette ingratitude nous rend haïssables aux yeux de Dieu, nous devenons ses ennemis. Si nous sortons de nous-mêmes, nous pouvons considérer la précocité du mal dans les jeunes âmes de nos élèves, suivre les ravages dans leur coeur. Avec cette vue du péché en nous et dans les autres, le recueillement grave, sérieux, ne vient-il pas de lui-même remplir les âmes.

B. Terreur. – Où nous mènent cependant ces offenses? Quelles doivent être les suites de nos lâchetés! la perte de la foi, l’abandon de Dieu. Dieu nous appelle à agir sur les âmes; Il nous remet les intérêts de la liberté de son Eglise pour les défendre: avons-nous eu sur nos élèves toute l’influence que nous devions, que nous pouvions avoir? Avons-nous donné toute notre part de dévouement à la défense de l’Eglise? Si nous ne l’avons pas fait, quelle responsabilité pour nous! Pour notre salut, quelles graves conséquences!

Ces pensées pourront être une préparation suffisante au saint temps de Carême. Recueillons-nous en présence du mal; détestons-le, haïssons-le; prenons, pour lutter contre lui, des sentiments de foi, d’énergie, de zèle, de générosité, de dévouement. Etouffons-le en nous-mêmes; empressons-nous à le combattre, à le vaincre aussi dans les âmes de nos élèves. Dans cette lutte de foi et de charité, un autre sentiment nous aidera encore à devenir grave: c’est cette joie dont parle l’Apôtre, cette joie triste que donne au chrétien, au milieu de la préoccupation du mal, la foi en Jésus-Christ. Nous souffrons du mal au souvenir de l’amour de Jésus-Christ, à la pensée de sa colère; mais l’espérance vient mélanger de joie cette tristesse. Nous savons qu’en luttant pour Dieu, nous luttons avec Dieu et Dieu aura raison tôt ou tard des révoltes du mal.

Notes et post-scriptum
1. Le texte reproduit dans les *Ecrits spirituels* est celui des séances du 17 janvier et du 7 février.