Mystère de vie, mystère de foi.

Il faut mourir, c’est la loi inévitable. Quel est ce mystère? Pour peu que j’aie vécu, je puis dans mon souvenir évoquer le nom de tant d’êtres que j’ai connus, aimés. Je les appelle, aucun ne me répond; ni dans les villes qu’ils ont habitées ni dans les demeures qu’ils ont occupées, je ne les rencontrerai plus, je ne le verrai plus, ils ne me parleront plus. Ils se sont arrachés à mon affection malgré eux et malgré moi, et maintenant tout est fini. Non, tout n’est pas fini, car, sous peine de renier mon baptême, je dois croire à la résurrection de la chair, à la vie éternelle; je dois croire que mon Rédempteur est vivant, et que je le verrai dans ma chair quand les vers l’auront dévorée. Je crois à la vie éternelle, et que je serai jugé par le Dieu vivant, qui donne la vie et la mort, qui précipite dans les enfers et qui en rappelle. Le tout est de se préparer à la mort, à la résurrection, à l’éternelle vie. Comment me préparer? En ne m’attachant pas à ce dont je dois être un jour séparé, à songer que la figure de ce monde passe et qu’elle passe rapidement. Quand on porte à sa tombe cet homme célèbre, ce banquier cent fois millionnaire, ce vainqueur de tant de batailles, ce roi, cet empereur, ce président de la république, ce comédien, qu’en reste-t-il? Son âme est devant Dieu, son corps est condamné au tombeau et à son horrible décomposition. Qu’onl’embaume, viendra une révolution, et n’ayant pas été dissous par les vers, il sera profané par les hommes; cela s’est vu.

Le Pèlerin, 3 novembre 1877, p. 690.

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