Passer de la saison des fleurs à celle des fruits.

Vous me dites que vous êtes triste. Priez-vous? La prière ne dissipe pas toujours la tristesse, mais elle la fertilise; elle rend fécond ce qu’il y a de stérile. Car, dites-le moi, à quoi vous a mené votre langueur? J’ai été quelquefois comme vous, j’ai tâché de me distraire. Car on n’est bon à rien, on se dépense en pure perte. Eh! mon ami, nous ne sommes encore qu’au printemps. Attendons l’automne pour perdre notre fraîcheur, jaunir et tomber. A chaque être sa destinée. Aux arbres les fleurs, les fruits et l’ombrage; à l’homme la vertu, le travail, l’amour. Tout arbre stérile sera coupé (Mt 3, 10), et l’homme qui ne porte pas son fruit sera aussi coupé et jeté au feu éternel. Portez donc votre fruit et ne vous épuisez pas dans une mélancolie, dans un découragement sans résultat. Les brouillards ont toujours tué les bourgeons. Sortez donc de votre brouillard, cherchez le soleil, cherchez Dieu qui vous chauffera, qui vous donnera l’amour et vous rendra capable de produire le bien.

Lettre à Luglien de Jouenne d’Esgrigny (Lettres, t. A, p. 241).

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