Prendre de la hauteur : de la beauté de la création à celle de la vocation.

Voilà quinze jours que vous êtes au Vigan, mes chers enfants. Que devenez-vous? Où en est votre ferveur? Etes-vous de bons postulants? Je désire le savoir. J’espérais que vous m’écririez. Point. Je vous soupçonne un peu atteints du mal du pays. Voyons, ai-je deviné? Et savez-vous que quand ma mère me mena à Paris (1), oui même à Paris, je l’ai eu. Il y avait des jours où j’étais triste, tristes comme trois bonnets de nuit. Je me rappelle que je pleurais une fois, dans mon lit de ce que je ne voyais pas le soleil. Vous, vous devez pleurer de ce que vous ne voyez pas la neige. Peut-être je me trompe. Enfin, c’est une supposition. Mais puis je finis par trouver qu’il n’y avait rien comme Paris, et j’ai été bien ennuyé quand j’ai fait le sacrifice de ne pas l’habiter (2). De même, vous devez avoir quelques mauvais moments, ou, pour sûr, vous les aurez; mais si vous tenez bon, vous verrez que peu à peu Notre-Seigneur vous montrant la beauté de votre vocation, vous deviendrez des enfants dévoués de l’Assomption, des apôtres, des missionnaires, enfin tout ce qu’il y a de plus beau sur la terre, des instruments de Dieu pour la conversion du monde. Vous remarquerez que je vous écris le premier. Donc vous me répondrez.

Lettre à trois Postulants des Châteaux (Lettres, t. X, p. 125).

(1) Premier voyage d’Emmanuel à Paris, à la rentréscolaire 1823, à l’âge de 13 ans. L’ensoleillement du Midi n’est pas un vain mot par si l’on compare à la région parisienne où le ciel est couvert au moins six mois dans l’année.

(2) Emmanuel d’Alzon a quitté Paris en mai 1830, dans la crainte du mouvement révolutionnaire.