Que tes œuvres sont belles, Seigneur !

Je lis Platon dans l’original, je lis La Bruyère et je me promène avec mes trois chiens, quand je ne vais pas chasser. La campagne est si ravissante lorsqu’il pleut. Or, il pleut. Donc la campagne est ravissante. Vous avez un goût décidé pour l’automne, vu la grande facilité de rêver que l’on éprouve à la chute des feuilles. Mais je ne sais trop si les rêveries ne vous viendraient pas en foule, si, en vous promenant dans des bosquets pleins de rossignols, une légère brise faisait tomber dans vos cheveux, avec quelques gouttes de pluie, les feuilles d’une rose blanche, ou si, dans une touffe de buis, vous découvriez un nid avec la mère sur les œufs, ou si vous lisiez une méditation de Lamartine avec l’accompagnement d’une douzaine de petits oiseaux qui chantent de tout leur cœur. Il n’y a pas à dire, cela, la campagne est au printemps tout ce qu’on veut: elle se plie à tous les sentiments de l’âme, elle semble aider à les répandre au dehors; au lieu des chutes des feuilles, elle a la chute des fleurs, ce qui laisse bien autant à penser.

Lettre à Henri Gouraud (Lettres, t. A, p. 56).

Note. Emmanuel d’Alzon, dès mai 1830, a quitté Paris avec sa famille en raison des événements politiques qui agitent la capitale. Il vit comme en retraite à la campagne, à Lavagnac, jusqu’à son entrée au grand séminaire de Montpellier en mars 1832.