Itinéraires Augustiniens n°49 – Augustin et les jeunes

Janvier 2013

Augustin a toujours résisté quand on prétendait lui dicter ses choix, dans quelque domaine que ce soit. Il ne prêtait l’oreille qu’à son cœur. Sa seule boussole était l’amour. Aux jeunes d’aujourd’hui, il n’a pas la prétention de se donner en modèle, ni de leur dicter la conduite à suivre. A chacun, il dit une seule chose : « A toi de choisir ! Mais commence par écouter ton cœur ! »

Editorial

Que suis-je, moi, sans toi ? par Marcel NEUSCH

Augustin n’est pas un modèle pour les jeunes. Il se donne plutôt comme un exemple à ne pas imiter. Quand il relit ses jeunes années, il n’a pas de mots assez sévères pour les condamner. « C’est la faiblesse des membres enfantins qui est innocente, non pas l’âme des enfants. » Se souvenant de son adolescence, son jugement  redouble de sévérité. Il les qualifie comme des « horreurs  de son passé ».
Mais il ne faut pas seulement regarder la face sombre du tableau. S’il évoque son passé, c’est pour nous montrer que, tel qu’il l’a vécu, ce  passé fut une  déroute. Sous l’apparente liberté qu’il s’accordait, au mépris de Dieu, il n’a récolté que misère. « Que suis-je, en effet, moi, pour moi-même sans toi, sinon un guide vers l’abîme ? »
Sans Dieu, la vie est une énigme, une question sans réponse. Telle est la conviction d’Augustin parvenu à l’âge adulte. Mais on ne rattrape pas son passé. Et les leçons que l’adulte peut donner aux jeunes  à ce sujet tombent généralement dans le vide. On n’apprend vraiment que de soi-même. D’où l’insistance d’Augustin à écouter la voix intérieure : Revenez à votre cœur !
Mais il ne s’agit nullement d’un repli sur soi. Le cœur n’est pas un lieu de repos. Dès la première page des Confessions, Augustin énonce la loi qui le régit : « Notre cœur  est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi ». Le « toi » désigne évidemment Dieu, mais il faut du temps et souvent de longs tâtonnements avant de l’identifier. « Bien tard je t’aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle ! »
Cette loi qui, d’un bout à l’autre de l’existence, gouverne secrètement notre cœur, c’est l’amour. Au seuil de sa vie d’étudiant, Augustin écrit : «Je n’aimais pas encore et j’aimais à aimer… Je cherchais sur quoi porter mon amour, dans mon amour de l’amour. ». Augustin déclare ailleurs : « On ne nous demande pas de renoncer à l’amour, mais de choisir ce que nous devons aimer. »
Augustin a toujours résisté quand on prétendait lui dicter ses choix, dans quelque domaine que ce soit. Il ne prêtait l’oreille qu’à son cœur. Sa seule boussole était l’amour. Aux jeunes d’aujourd’hui, il n’a pas la prétention de se donner en modèle, ni de leur dicter la conduite à suivre. A chacun, il dit une seule chose : « A toi de choisir ! Mais commence par écouter ton cœur ! »

Marcel NEUSCH
Augustin de l’Assomption

Adéodat, le fils d’Augustin

Adéodat, le fils d’Augustin
Action de grâce pour un enfant surdoué

Ce fils naquit autour de 372, alors qu’Augustin était étudiant à Carthage. Nous ignorons le nom de sa mère. Il  accompagna ses parents en Italie, reçut le baptême en 387 et mourut vers 389, nous ne savons pas dans quelles circonstances. Enfant surdoué, Augustin veillait à sa formation intellectuelle, et s’émerveille devant son intelligence. Voici son témoignage.

 

« Nous nous adjoignîmes également le jeune Adéodat, le fils de ma chair et de mon péché. Tu avais fait de lui une belle œuvre : il avait environ quinze ans et déjà dépassait en intelligence bien des hommes graves et instruits. Je te confesse tes dons, Seigneur mon Dieu, créateur de toutes choses, assez puissant pour donner une forme à ce qui en nous est difforme. Car, dans cet enfant, hormis le péché, il n’y avait rien à moi. Sans doute nous le nourrissions de ton enseignement, mais c’est toi qui nous l’avais inspiré, pas un autre ! Je te confesse tes dons.

Il est un de nos livres qui a pour titre « Le Maître ». Adéodat lui-même y dialogue avec  moi. Toi, tu sais bien qu’elles sont de lui, toutes les pensées que je prête dans ce livre au personnage de mon interlocuteur ; il était dans ses seize ans. Je connais de lui par expérience bien d’autres choses plus étonnantes. J’étais saisi d’horreur sacrée devant son génie. Qui donc, en dehors de toi, eût été l’artisan de telles merveilles ? Tu t’es hâté  de l’enlever à la vie de la terre et c’est avec plus de sécurité que je me souviens de lui, n’ayant plus aucune crainte pour  son enfance, aucune pour son  adolescence, absolument aucune pour sa vie d’homme.
Nous nous l’associâmes, lui qui avait le même âge que nous dans la grâce, pour l’élever dans ton  enseignement. Et nous reçûmes le baptême, et s’enfuit loin de nous l’inquiétude pour notre vie passée. »

(Confessions IX, 6, 14, BA 14, pages 95-97)

Augustin en son temps

LA JEUNESSE D’AUGUSTIN, Les détours d’une conversion

« On ne naît pas chrétien, on le devient »

« On ne naît pas chrétien, on le devient ». Cette fameuse formule que l’on attribue à Tertullien s’applique très bien à la jeunesse de celui qui fut son compatriote deux siècles plus tard, Augustin. S’il a été abreuvé du christianisme dès sa  naissance (cf Conf. III, 4, 8), il lui a fallu du temps pour s’y convertir véritablement. Inscrit sur la liste des catéchumènes depuis son jeune âge, il ne recevra le baptême qu’à 33 ans. Augustin ne s’est pas contenté d’adhérer à la religion de sa mère, Monique. Il n’est pas le produit d’une société traditionnelle. Au contraire, dans un monde en train de se christianiser, il a hésité avant d’entrer dans l’Eglise.

Sa jeunesse est bien connue, grâce aux Confessions qu’il nous a laissées et qui sont une des premières œuvres autobiographiques de l’histoire. Au-delà des enflures rhétoriques et des commentaires moraux, il est cependant possible de décrire les grands seuils de son itinéraire et de se rapprocher de ce qui s’est réellement déroulé. C’est en tout cas ce que John O’Meara a tenté de faire dès les années 1950, avec son introduction à la lecture des Confessions, intitulée La Jeunesse de Saint Augustin1 . Une analyse sérieuse permet ainsi de s’éloigner de la vision très négative que le saint donne rétrospectivement de lui-même.

Le livre d’O’Meara a été plusieurs fois réédité, et nous le suivrons dans cet article. Nous présenterons d’abord les grandes étapes de la jeunesse d’Augustin : son adolescence, sa recherche inquiète de la vérité qui le fait s’égarer dans le manichéisme ; la conversion de son intelligence au contact de la philosophie néoplatonicienne, et enfin la conversion de sa volonté qui culmine dans la scène du jardin de Milan avec le fameux « tolle lege » : Prends, lis ! (Conf. VIII, 12, 29).

Augustin maître sirituel

Relire ma vie au miroir des Confessions de saint Augustin

En 2009 est paru un fascicule intitulé Saint Augustin et les jeunes Africains, aux éditions Saint-Augustin Afrique, écrit par Jean-Paul Sagadou, assomptionniste, et destiné à la jeunesse africaine. La clarté, la simplicité et la pertinence de cet ouvrage ont incité le comité de rédaction des Itinéraires augustiniens à en proposer une version quelque peu abrégée et légèrement remaniée afin de l’adapter au contexte culturel européen, avec l’aimable autorisation de l’auteur. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié, ainsi que tous les lecteurs de la revue qui auront à cœur de transmettre cet article aux adolescents, à qui il est destiné, en vue d’un usage en groupe de partage ou comme outil personnel de relecture de vie.

Introduction

« Que mon lecteur, s’il communie pleinement à ma certitude, fasse route avec moi ; et s’il partage tous mes doutes, qu’il cherche avec moi ; s’il se reconnaît dans l’erreur, qu’il revienne à moi ; s’il m’y surprend moi-même, qu’il m’en détourne. C’est ainsi que nous avancerons ensemble sur le chemin de la charité, vers Celui dont il est écrit : ‘Cherchez sans cesse son visage’. Voilà le vœu pieux et ferme dont je voudrais convenir devant le Seigneur notre Dieu, avec tous mes lecteurs et à propos de tous mes écrits » (Saint Augustin, De Trinitate, I, 3, 5, BA, pp. 96-97)

La pensée de saint Augustin se présente d’abord comme un dialogue de l’auteur avec ses lecteurs dans une recherche commune de la vérité et de la charité. C’est cette aventure communautaire que nous voudrions proposer aux jeunes de France et d’Europe.

Le livre qu’Augustin a écrit et qui permet de connaître sa vie s’appelle Les Confessions. En les lisant, on se découvre soi-même, d’une manière ou d’une autre. C’est la raison principale qui nous pousse à vous confier quelques éléments de sa pensée et de sa vie. Nous avons l’espoir que ces éléments vous aideront à mieux comprendre votre propre vie et peut-être à vous tourner sérieusement, comme Augustin l’a fait, vers Dieu. Augustin écrivait : « ma vie est une distension (…) nous vivons multiples dans le multiple à travers le multiple (…) je suis éparpillé dans le temps… » Et il nous invite à faire de notre vie un chant qui ne se taise. Faire de sa vie un chant au Seigneur, c’est pratiquer les commandements, en particulier celui de la charité, qui les contient tous.

La démarche proposée dans ces lignes est simple : à chaque fois, nous prendrons une dimension importante de la vie ou de la pensée d’Augustin, significative pour les jeunes d’aujourd’hui ; nous l’exposerons rapidement, mais de façon précise, et nous verrons, à travers quelques questions, en quoi cela peut aider les jeunes sur les plans humain, spirituel et intellectuel.

I. La vie de saint Augustin (354-430)

1. « Je confesse à ta gloire » : Les Confessions

Notre époque est avide de confidences : les médias nous abreuvent de pseudo-révélations  et certaines émissions de téléréalité ont même leur « confessionnal ». Augustin, lui,  entreprend de dire ce qu’il a été, ce qu’il est. Il le fait dans un livre qui porte ce titre significatif : Les Confessions. Il y visite son être pour en connaître les richesses et les noirceurs. Il le fait pour louer Dieu : « A ta gloire, ma confession », écrit-il. Il le fait aussi pour révéler la grandeur de l’homme, puisque reconnaître ses faiblesses et les avouer, c’est grandir en humanité. Ce livre a eu un impact considérable sur la pensée occidentale. Comme le dit Benoît XVI, il est « à l’origine d’une des formes littéraires les plus spécifiques de l’Occident, l’autobiographie, c’est-à-dire l’expression personnelle de la conscience de soi » (Benoît XVI, 27 février 2008). Dire cela, c’est, pour le pape Benoît XVI, inviter à une lecture des Confessions, lecture qui pourra conduire à une découverte ou à une redécouverte de soi.

Et toi ?

– Que penses-tu des confidences ?
– As-tu perçu certaines dérives dans notre société concernant l’ « extimité », c’est-à-dire l’affichage de l’intimité ?
– Est-ce important d’avoir quelqu’un à qui l’on peut tout dire ?
– As-tu déjà été trahi(e) une fois par celui ou celle que tu appelles ton confident, ta confidente ?
– Que penses-tu de la « confession » chez les chrétiens ? De la direction spirituelle ?
– Te confesses-tu souvent à Dieu devant le prêtre ? Si oui pourquoi ? Si non pourquoi ?
– Es-tu d’accord que « reconnaître et avouer ses faiblesses aide à grandir en humanité ? »

2. Les origines et la famille d’Augustin

Né le 1er novembre 354, Augustin était le fils de Patricius et de Monique. Augustin avait un frère et une sœur. Ensemble, ils vécurent une enfance heureuse. Les parents d’Augustin étaient de petits propriétaires terriens, exploitants agricoles à Thagaste, en Numidie (actuellement Souk-Ahras, aux confins de l’Algérie et de la Tunisie actuelles). L’Afrique du Nord était considérée comme le « grenier de Rome ». On pense que les parents de saint Augustin étaient des Berbères. La langue officielle était le latin, mais le peuple restait fidèle au Berbère, la langue autochtone.

Pour reprendre les mots d’un grand historien français, André Mandouze, Augustin est le fruit d’un « mariage mixte » puisque son père était païen et que sa mère était chrétienne quand ils se sont mariés. On peut retrouver dans cette vie des parents de saint Augustin des ressemblances avec la vie de nombreux jeunes d’aujourd’hui.

Le père d’Augustin était un homme au cœur naturellement bon et généreux, mais d’un caractère irritable et violent. Il  s’énervait très rapidement. Quand Augustin est né, son père était encore païen. En fait, comme beaucoup de ses contemporains, c’est seulement sur son lit de mort que Patricius recevra le baptême.

Monique est née en 332. Elle a été élevée dans une famille chrétienne qui lui a communiqué les principes de la foi chrétienne. Il semble même que l’éducation reçue par Monique de ses parents était très austère, très dure ainsi que le raconte Augustin dans Les Confessions (Cf. Les Confessions, IX, 9, 21). Monique sera toute sa vie une femme pieuse, très zélée pour le bien d’autrui, assidue à la prière. Elle sera reconnue sainte par l’Eglise. Mariée très jeune à Patricius, elle le « servit comme son maître », subissant en silence ses infidélités, mais elle finira par obtenir sa conversion. Augustin ne sera pas baptisé tout petit. On pense que son père n’était pas d’accord.

Et toi ?

– Connais-tu tes origines ?
– Tes parents partagent-ils la même religion, sont-ils originaires du même pays ?
– Avec quels mots peux-tu caractériser la situation actuelle de ta famille ?
– Tes parents pratiquent-ils la religion qui est la leur ?
– T’ont-ils éduqué(e) dans cette religion ?
– As-tu reçu de tes parents une éducation sévère ? dure ?
– Vois-tu, autour de toi, des parents non croyants qui empêchent leurs enfants de croire ?
– Pries-tu souvent pour tes parents ? Que demandes-tu à Dieu pour eux ?

3. Les troubles de l’écolier, les débauches  de l’étudiant

Augustin n’aimait pas l’école et ses brutalités. Mais son intelligence brillait. Et ses parents ont tout fait pour favoriser la réussite de leur fils. Il fit donc d’excellentes études primaires, secondaires et finalement universitaires. Il deviendra même professeur de lettres.

Après ses études primaires, Augustin quitte Thagaste pour Madaure, une ville voisine. Et y reste trois ans. De retour à Thagaste, il est condamné à une année d’oisiveté.  Faute d’argent pour payer ses études, il demeure donc chez ses parents comme nous l’avons déjà dit. A16 ans, commence alors une période difficile. C’est le temps des désordres de la puberté, des fréquentations dangereuses. « Ballotté, dispersé », il perd la maîtrise de lui-même. Sa mère le met en garde sur ses relations avec les femmes. Mais le fils n’écoute pas. A 17-18 ans, il se lie à une compagne. Elle lui donne un enfant  appelé Adéodat,  « Dieudonné », qui mourut à l’âge de 16 ans

Grâce à un ami de son père du nom de Romanianus, Augustin réussit à reprendre ses études. Mais il est très  perturbé par l’ambiance de son milieu et il se laisse aller. A propos de sa compagne, il écrit : « j’avais une (compagne), ce n’était pas dans ce qu’on appelle l’union légitime que je l’avais prise, mais je l’avais dépistée dans mes vagabondages passionnés dépourvus de prudence. Toutefois je n’en avais qu’une, et je lui gardais aussi la fidélité du lit… ». La situation matrimoniale d’Augustin ne posait pas trop de problème à l’époque. Le droit romain considérait cela comme du concubinage et l’Eglise s’en accommodait. Vers l’âge de trente ans, Augustin se sépara de sa compagne, le « cœur déchiré, meurtri, ensanglanté ».

Et toi ?

– Aimes-tu les études ? Si oui pourquoi ? si non pourquoi ?
– Qu’est-ce que tes parents font pour favoriser ta réussite scolaire ?
– Ton parcours scolaire est-il rectiligne ou mouvementé voire chaotique ?
– Te sens-tu  parfois « ballotté(e) et dispersé(e) » à cause des difficultés de la vie ?
– Quelles relations as-tu avec les filles ? Avec les garçons ? Juges-tu certaines fréquentations comme dangereuses ?
– As-tu un copain, une copine ? Lui es-tu fidèle ?
–  Est-ce que pour toi la sexualité est facile à vivre ou non ?
– Penses-tu que ta vie affective d’aujourd’hui est déterminante pour construire durablement ta vie ?

4. « Bouleversé » par la lecture d’un livre.

A 18-19 ans, Augustin découvre la philosophie. Il est littéralement bouleversé par la lecture d’un livre d’un philosophe ancien du nom de Cicéron. Cet ouvrage s’appelle l’Hortensius. Dans ce livre, l’auteur invite son lecteur à s’intéresser à la philosophie. Voici comment Augustin réagit à la lecture de ce livre :

« Cette lecture transforma ma sensibilité. Elle tourna vers vous mes prières, Seigneur… Je convoitais l’immortelle sagesse avec un incroyable élan de cœur. Déjà je commençais à me relever pour revenir vers vous… ce qui me passionnait, c’était les choses dites et non pas la manière dont elles étaient dites. Oh ! Comme je brûlais, mon Dieu, comme je brûlais de me ? (vérifier texte) relever des choses terrestres jusqu’à vous. Une seule chose ralentissait un peu cette grande flamme : le nom du Christ n’était pas là. Ce nom, suivant le dessein de votre miséricorde, Seigneur, ce nom de mon Sauveur, Votre Fils, avait été bu tendrement par mon cœur d’enfant avec le lait de ma mère ; il y était demeuré au fond ; et sans ce nom, nul livre si élégant, si véridique fût-il, ne pouvait me ravir tout entier »  (Confessions, III, 4, 8).

Augustin lit donc avec passion le livre de Cicéron. Comme il le dit lui-même, la lecture de ce livre transforma sa sensibilité. Mais c’est comme si finalement il ne trouvait pas ce qu’il cherchait. Il commence alors à lire la Bible.

Et toi?

– Quelle est la place de la lecture dans ta vie ?
– As-tu déjà été marqué(e) par la lecture d’un livre ou d’un auteur particulier ?
– Les livres sont-ils importants dans ta recherche du sens de la vie ?

5. Augustin et la Bible

Augustin cherche le Christ sans le trouver, d’abord dans la philosophie avec Cicéron. Puis, il essaye de lire la Bible, mais il déclare qu’elle est traduite en mauvais latin. Les choses vont beaucoup changer après sa conversion. Toute sa vie se concentrera alors sur la Parole de Dieu. Avant d’être ordonné prêtre, il demande à son évêque de lui donner du temps pour se consacrer à l’étude de l’Ecriture. Et quand il deviendra lui-même évêque, la Bible restera l’objet principal de ses études et de ses commentaires sous de multiples formes.

Et toi?

– As-tu une Bible ?
– Lis-tu la Bible ? Préfères-tu la lire ou l’écouter ?
– Que représente la Bible dans ta vie ?
– Quels passages de la Bible retiennent le plus ton attention ? Pourquoi ?

6. Augustin séduit par une secte

A partir de 372, il se laisse séduire par la secte des manichéens, qui se présentait à lui comme une communauté chaleureuse professant un christianisme éclairé, affranchi des contraintes de la foi catholique, tout en étant aussi un réseau de pouvoir.

Les manichéens rejetaient radicalement les Ecritures juives qu’ils considéraient comme l’œuvre de Satan et qui auraient semé l’ivraie dans les Evangiles. Pour eux, les catholiques étaient des semi-chrétiens. Il fallait une coupure nette entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Ils opposaient le mal au bien, la lumière aux ténèbres. Au bout de neuf ans, Augustin, déçu, quitte cette secte.

Et toi ?

– Pour toi, qu’est-ce qu’une secte ?
– Y a-t-il des sectes dans ton entourage ?
– As-tu déjà été en contact avec une secte ? Laquelle ?
– Quel message véhiculent les sectes ?
– Pourquoi les sectes sont-elles dangereuses ?
– Quelles sont leurs méthodes de manipulation ?
– Comment l’argent et les relations de pouvoir y sont-ils gérés ?

7. La rencontre avec Ambroise, évêque de Milan

Augustin devient professeur à Milan en 384. Là, il va faire une rencontre décisive : celle de l’évêque Ambroise. Voici comment il décrit cette rencontre :

« Arrivé là, j’allai faire visite à l’évêque Ambroise… Cet homme de Dieu m’accueillit paternellement et se félicita de ma venue avec une charité vraiment digne d’un évêque. Je me pris à l’aimer.» (Confessions V, 13, 23)

Il faut noter que cette rencontre d’Augustin avec Ambroise a une importance décisive dans la vie d’Augustin notamment dans sa découverte de la Parole de Dieu. Il prit alors l’habitude d’aller l’entendre prêcher le dimanche, surtout pour voir s’il parlait bien, sans se soucier de ce qu’il disait, pour vérifier si l’éloquence d’Ambroise était à la hauteur de sa réputation. C’est en écoutant les prédications d’Ambroise qu’Augustin va découvrir l’interprétation spirituelle de l’Ancien Testament. Disons que c’est grâce à Ambroise qu’Augustin découvre enfin la véritable importance de l’Ecriture.

Et toi ?

– As-tu déjà fait des rencontres importantes qui ont marqué ta vie ?
– Connaîs-tu de véritables témoins de Jésus-Christ ?

8. La conversion et le baptême

«  Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée… Tu as appelé, Tu as crié et Tu as brisé ma surdité ; Tu as brillé, Tu as resplendi et Tu as dissipé ma cécité ; Tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à Toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; Tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix » ( Conf. X, XXVII, 38, BA 14, p. 209).

Augustin commença donc à prendre la Bible au sérieux, Ancien comme Nouveau Testament. De ce fait, il avait beaucoup de questions sur la personne du Christ. Un jour, il se retrouva dans le jardin de sa résidence à Milan. Couché sous un figuier, il laissa libre cours à ses larmes. Il traversait une crise qu’il ne comprenait pas. C’est alors qu’il entendit une voix d’enfant qui chantonnait : « Prends, lis, prends, lis ! ». Il se saisit du livre  des lettres de Paul, l’ouvrit au hasard et lut : « Pas d’orgies et de beuverie, pas de coucheries et de débauches, pas de disputes et de jalousies ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ ; n’ayez souci de la chair pour en satisfaire les convoitises »  (Rm 13, 13-14). Ce sera pour Augustin le début d’une étape nouvelle, toute donnée à Dieu et aux autres.

Il suivra alors la catéchèse, il apprendra par cœur le Credo (le symbole des Apôtres) et des mains de l’évêque Ambroise, il recevra le baptême, dans la nuit du 24 au 25 avril 387, à l’âge de 32 ans. Dans les Confessions, il écrit au sujet de son baptême : «  Et nous avons été baptisés, et loin de nous s’est enfuie l’inquiétude de notre vie passée ».

Et toi ?

– Te souviens-tu du jour de ton baptême ?
– Qu’est-ce que le baptême change dans la vie du chrétien ?
– Comment vis-tu ton baptême ?
– Penses-tu que c’est important de baptiser les petits enfants ? Pourquoi ?
– Est-ce qu’il y a déjà eu des « conversions » importantes dans ta vie ?

9. Prêtre et évêque «malgré lui »

Augustin enseignait désormais ce que Dieu lui révélait dans la réflexion et la prière, par ses discours et par ses livres.  Un jour, à Hippone, il s’arrêta dans une église au moment où l’évêque du lieu, du nom de Valère, alors devenu vieux, proposait à ses chrétiens de désigner un prêtre pour le seconder, surtout pour la prédication (les homélies). Or, la présence d’Augustin n’était pas passée inaperçue. Alors il y eut un cri dans l’église : « Augustin, prêtre ! ». C’est de cette manière-là qu’on désignait les prêtres autrefois.

Augustin ne voulait pas. Il n’avait jamais pensé devenir prêtre. Il protesta donc et pleura pour ne pas être choisi. Mais il n’y pouvait rien, le cri des chrétiens était plus fort que sa protestation. Augustin fut ordonné « malgré lui » en 391. Il pleura encore, mais se ressaisit vite. Il accepta de se mettre au service de la communauté chrétienne, soucieux des problèmes quotidiens de tous. Il était au contact des gens dans ce qu’ils vivaient comme joies et comme peines.

En 395, l’évêque Valère ordonna Augustin comme évêque coadjuteur avec droit de succession. Cette fois-ci encore, Augustin ne voulait pas. Il résista, mais l’évêque Valère insista, et le peuple finit par l’acclamer. Valère meurt l’année suivante en 396 et Augustin lui succède : il est désormais l’évêque d’Hippone. Il n’aura pas la vie tranquille : il participera à des synodes, à des conciles et à des discussions théologiques. Il aura des visites à recevoir et à donner, des œuvres et de sermons (homélies) à écrire. On pense qu’il a fait entre 40 et 50 voyages dans son diocèse et ailleurs. Sa vie fut une vie bouleversée et féconde de « pasteur d’âmes ». Il concevait son rôle comme un service et demandait aux fidèles de prier pour lui.

Et toi ?

– Comment les prêtres sont-ils choisis aujourd’hui ?
– Penses-tu qu’aujourd’hui on peut proposer  à quelqu’un de devenir prêtre ?
– Peut-on  l’obliger ?
– Qu’attends-tu d’un prêtre ?
– As-tu déjà pensé une fois à devenir prêtre ? Si oui, pourquoi ? Si non pourquoi ?
– Sais-tu quelle est la mission d’un évêque ?

10. Un chercheur infatigable de Dieu

« Quand pour la première fois je t’ai connue [beauté], Tu m’as soulevé pour me faire voir qu’il y avait pour moi l’Etre à voir (…). Tu as sans cesse frappé la faiblesse de mon regard par la violence de tes rayons sur moi, et j’ai tremblé d’amour et d’horreur. Et j’ai découvert que j’étais loin de toi dans la région de la dissemblance…  Je reconnus alors… que tu as fait sécher mon âme comme une toile d’araignée. Et j’ai dit : « Est-ce donc que la vérité n’est rien… ?  Et tu as crié de loin : « Mais si ! Je suis, moi, celui qui suis ! » Et j’ai entendu, comme on entend dans le cœur, Et il n’y avait pas, absolument pas, à douter… » (Confessions VII, 10, 16)

Augustin se révèle d’abord comme un chercheur inlassable, qui s’égare, tâtonne, avant de trouver l’apaisement. Sa conversion se fait à travers les méandres d’un long parcours, marqué par des lectures philosophiques et par celle de la Bible, qui le mèneront peu à peu sur le chemin de l’intériorité : « Rentre en toi-même ».

En fait, par toutes ces voies, Augustin expérimente en lui l’action puissante de Dieu. Ce n’est pas seulement sa recherche qui porte en lui des fruits de lumière, c’est Dieu qui l’élève vers lui, l’éblouit, parle à son cœur et en même temps lui fait connaître sa sainteté, en contraste avec sa vie de péché. «  J’ai tremblé d’amour et d’horreur » : amour, parce qu’il expérimente la présence de Dieu ; horreur, parce qu’il éprouve d’autant plus fort son péché.

Se connaître et connaître Dieu : tel a été le vœu de saint Augustin et il n’a cessé de travailler pour la réalisation de cette connaissance de lui-même et de Dieu. Dans ce travail de connaissance, il donne une place importante aux trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité.

Et toi ?

– Quelle est la place de Dieu dans ta vie ?
– Cherches-tu Dieu dans ta vie ? Comment ?
– Lis-tu la Parole de Dieu ? Cherches-tu à comprendre cette parole ? Comment ?
– Sais-tu t’arrêter en silence pour prendre du recul par rapport à ta vie et pour  rencontrer Dieu ? (médiation, prière, retraite…)
– Pour connaître Dieu, est-il important de se connaître soi-même ?

II. Quelques thèmes augustiniens

1. L’amitié

«  Il n’y a rien de doux pour l’homme sans un ami. Mais combien en trouve-t-on dont on soit sûr dans cette vie ? » (Lettre 130, 4)

L’amitié a occupé une place importante dans la vie de saint Augustin. Il pensait que « personne ne saurait exister sans aimer ». Augustin a été un ami chaleureux et fidèle pour ses intimes et en même temps un ami universel pour tous ceux qui avait besoin de ses services. Comme penseur chrétien, il conçoit l’amitié comme le fruit de la grâce, le don que l’Esprit Saint a répandu dans le cœur des croyants.

Et toi ?

– Qu’est-ce que l’amitié pour toi ?
– As-tu des amis et que fais-tu avec eux ?
– D’après toi, quelle est la différence entre l’amitié et l’amour ?

2. Le péché

L’enseignement de St Augustin sur le péché originel contribue à éclairer l’histoire de l’expérience de notre condition humaine, mais il n’explique pas l’origine du mal. Ce qu’il veut révéler, c’est le mystère de l’amour de Dieu. L’origine du péché, c’est le faux amour de soi. Augustin insiste sur le rôle de la liberté, parce qu’il sait que le mal ne peut pas résulter du bien. Il essaie de comprendre comment le mal existe alors même qu’une nature bonne, qu’elle soit divine ou humaine, ne peut produire le mal.

Et toi ?

– Quelle idée te fais-tu du péché ?
– Considères-tu l’histoire d’Adam et Eve comme un fait historique ou comme un récit symbolique à interpréter ?
– L’homme est-il libre de faire ce qu’il veut ?
– Reconnais-tu Jésus-Christ comme celui qui nous libère du péché ?

3. La prière

Dans un très beau texte, saint Augustin définit la prière comme l’expression du désir et affirme que Dieu répond en élargissant notre cœur à sa dimension. Il disait : «  Ton désir, c’est ta prière, si ton désir est continuel, ta prière est continuelle ». « Il y a une prière intérieure que nous ne pouvons interrompre, c’est le désir (…) Si votre amour subsiste constamment, vous criez sans cesse ; si vous criez sans cesse, c’est que vous désirez sans cesse ; et si vous désirez, c’est que vous vous souvenez du repos éternel ». Augustin lie la prière au désir. Augustin apparait comme un Maître de prière. Pour lui, toute prière comporte un effort de contemplation.

Et toi ?

– Quelle est la place de la prière dans ta vie ?
– Comment faire pour que ta vie devienne prière et que ta prière devienne ta vie ?

4. Le cœur, l’intériorité

« Pour ne plus vivre à l’extérieur de toi-même, dans la dispersion d’une vie agitée, ne te borne plus à la surface, descends en toi-même, pénètre dans l’intérieur de ton cœur » (Sermon 53.15).

« Tu te laisses troubler par ce qui se passe au dehors de toi, et tu te perds….reviens à ton cœur et de là, va à Dieu » (Sermon, 311.13).

« Votre maître véritable sera toujours ce Maître intérieur que vous écouterez dans votre âme » (Lettre 226, 3).

« Où Dieu se donne-t-il ? Au-dedans de toi. C’est là que tu pries, là qu’il t’exauce, là qu’il te rend heureux » (Ps, 33.8).

Chez saint Augustin, l’intériorité est le chemin par lequel on passe pour découvrir Dieu. Il ne s’agit pas du tout d’un repli sur soi. L’intériorité est pour Augustin le lieu d’un ressourcement : l’intériorité se nourrit de la Parole de Dieu et prépare une authentique vie fraternelle. Cette question de l’intériorité s’est posée après la conversion d’Augustin en 386. La question qu’il se pose alors est la suivante : « Ai-je rencontré Dieu ou seulement moi-même ? » Dans les Confessions, Augustin s’adresse à Dieu en ces termes : « Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même » (III, VI, 11). Mais pour rencontrer Dieu, il faut un cœur droit et non un cœur tortueux ; un cœur simple et non un cœur double, vivant dans le mensonge.

Et toi ?

– As-tu fait l’expérience de « rentrer en toi-même », de « revenir à ton cœur » ?
– Honnêtement, que penses-tu de ton propre cœur : est-il droit ou tortueux, double ou simple ?
– Notre société favorise-t-elle l’intériorité ? Comment trouver le chemin de l’intériorité ?

5. La beauté

« J’aimais les beautés d’en bas, et j’allais vers les profondeurs, et je disais à mes amis : « Aimons-nous autre chose que le beau ? Qu’est-ce donc que le beau ? et qu’est-ce que la beauté ? Qu’est-ce qui nous attire et nous attache aux choses que nous aimons ? En vérité, s’il n’y avait en elles de l’éclat de la grâce, elles n’exerceraient sur nous aucune espèce d’attrait » (Confessions IV, XIII, 20, BA 13, p. 443).

La réflexion sur la beauté revient fréquemment dans l’œuvre d’Augustin. Ce qui l’intéresse, c’est la nature de la beauté, le rapport de la beauté avec l’amour, la distinction entre le beau en soi et le beau en relation avec autre chose.

De façon générale, Augustin est attiré par la beauté de Dieu. Il répète que Dieu est beauté en utilisant plusieurs formules : Dieu est la «  beauté de toute beauté », Dieu est le « père du bien et du beau,  duquel provient tout ce qui est bon et bel ». Mais la beauté de Dieu s’exprime surtout dans la figure du Christ qui est « le plus beau parmi les enfants des hommes ».

Et toi ?

– Qu’est-ce que la beauté pour toi ?
– Trouves-tu le monde beau ou laid ? Qu’est ce qui pourrait l’embellir ?
– Que veut dire Augustin quand il affirme que Dieu est la « beauté de toute beauté » ?

6.  Le désir

« Lève-toi, cherche, soupire de désir, frappe à la porte fermée. Mais si nous ne désirons pas encore, si nous ne sommes pas encore avides, si nous ne soupirons pas encore, nous allons jeter les perles aux premiers venus ou nous ne trouverons nous-mêmes que des perles sans valeur. Puissé-je donc, très chers, susciter le désir en vos cœurs » (Tractatus in Ioannis Evangelium, XVIII, 7, BA 72, p. 139).

Selon Augustin, les mouvements sensibles de l’âme se ramènent à quatre passions fondamentales : le désir, la joie, la crainte et la tristesse. Le désir est donc l’une des quatre passions principales. Dans un de ses livres intitulé, La Cité de Dieu, Augustin définit le désir comme étant « le consentement qui nous incline vers ce qui nous plaît ». Le désir est un appétit, un attrait, une attirance, un élan vers un bien non encore possédé. Pour Augustin, le désir nous fait participer de manière active à la réalisation du dessein de Dieu sur nous. C’est parce que nous sommes mus par le désir, entraînés dans un mouvement vital qui sourd des profondeurs de notre être, que Dieu peut diriger notre route vers Lui. Mais l’homme sans désir est comme un être inerte et sans vie.

Le désir est à la source de toute la vie de l’homme : ce qui le pousse à chercher le bonheur, à se tromper même en croyant le trouver dans les créatures et non dans le Créateur, ce qui le pousse donc au péché. Mais le désir est aussi ce qui tourne l’homme vers Dieu, quand il découvre que Dieu l’a aimé le premier, quand il comprend que c’est en élargissant son cœur par le désir qu’il sera comblé par Dieu. Le désir est enfin le lieu où se manifeste la liberté de l’homme guéri par la grâce et attiré par Dieu.

Et toi ?

– Peut-on désirer Dieu comme on désire un objet ?
– Y a-t-il de bons et de mauvais désirs ? Peux-tu donner des exemples ?
– Quels sont tes désirs les plus profonds ? Désir de l’argent et des richesses, désir de savoir, désir d’une épouse, d’un époux, désir des honneurs et du pouvoir?
– Comment éduquer ses désirs ?

7. L’amour

Augustin distingue l’amour de soi et l’amour de Dieu. Seul l’amour de Dieu est un amour authentique et juste, car il n’altère pas notre être mais au contraire l’augmente. L’amour est charité et il s’oppose à la malice. C’est un mouvement de l’âme vers ce qu’elle désire, et en ce sens, l’appétit naturel de l’âme est l’amour qui l’entraîne vers Dieu.

L’amour comme tel est une inclination, un mouvement ou une tension. C’est la force de l’âme et de la vie. Nous vivons en fonction de notre amour et l’amour fait que la vie est bien ou mal orientée. L’amour est ce que l’on peut dire de plus profond pour caractériser l’être humain. Pour Augustin, l’amour est le centre vital de toute l’existence humaine. Pour lui, c’est l’amour qui différencie une personne d’une autre, et pas la langue, ni la culture, ni la couleur de la peau. Cela dit, Augustin distingue deux amours : un premier amour qui est perverti, mal orienté, et un deuxième qui est droit. L’amour désordonné est redoutable, c’est l’amour avide des choses qui peuvent être perdues. Cet amour-là donne lieu aux « désirs de la chair » qui font naître la jalousie, la haine, la cupidité, la médisance, l’égoïsme. Ce qu’il appelle l’amour droit, c’est l’amour lié à la charité, c’est-à-dire l’amour de ce qui doit être aimé, qui, seul, conduit à la joie véritable. L’amour droit n’est pas un amour desséché. Au contraire, c’est un amour passionné dans sa recherche de Dieu. Pour Augustin, une personne est ce qu’elle aime. Il écrit : « Comme on aime, on est. Aimes-tu la terre ? Alors, tu deviens terre. Aimes-tu Dieu ? – Si j’ose dire – tu es Dieu. »

Toutefois, l’amour chez Augustin n’est pas seulement vertical et orienté vers Dieu. L’amour vertical demande à être complété par l’amour horizontal, l’amour du prochain. L’amour des autres n’est pas différent de l’amour de Dieu. En aimant les autres, on trouve Dieu, qui est présent dans l’amour qu’une personne a pour une autre.

Et toi ?

– Comment définirais-tu l’amour ?
– L’amour de Dieu est-il amour des autres et l’amour des autres est-il amour de Dieu ?
– Quelle est la conception qu’on a de l’amour dans  ton milieu culturel ?
– Comment peux-tu faire grandir l’amour de Dieu autour de toi ?

Nous espérons que cette petite introduction à la vie et à la pensée de saint Augustin te donnera le goût d’aller plus loin. Nous terminons sur l’une de ses plus célèbres citations : «  Aime et fais ce que tu veux » qui invite à mettre l’amour désintéressé, l’amour de charité à la racine de tous nos actes. Puisse-t-elle éclairer notre vie !

D’après Jean-Paul SAGADOU
Augustin de l’Assomption
(Burkina-Faso)

Adaptation Zoé VANDERMERSCH
Oblate de l’Assomption (Nîmes)

Augustin dans l'histoire

L’empereur Julien. Portrait contrasté, par Jean-Paul PERIER-MUZET

La véritable histoire de Julien, Textes présentés et réunis par Parméla Ramos, Paris, Les belles lettres, 2012, 206 pages. Collection Les belles lettres n° 12.

L’empereur romain Julien (v. 332-363) ne doit pas sa survie dans l’histoire à la longévité de son règne, à peine un an et huit mois, mais en quelque sorte au surnom qui lui colle à la peau et forme sa légende noire, l’Apostat. Il figure en effet sur la liste des persécuteurs de l’Eglise, après l’époque de Constantin et de la paix accordée au christianisme, cas unique dans l’histoire des empereurs de l’Antiquité après 313, année de l’édit de Milan qui établit dans tout l’empire la paix religieuse.

Mais qui dit tradition ne dit pas stricte vérité historique contrôlée et nous devons à ce lumineux petit ouvrage de Parméla Ramos une initiative fort intéressante : rassembler textes et documents contemporains sur l’empereur Julien et sa fonction, de façon à porter un témoignage contrasté, à plusieurs voix, pour nuancer et même contrebalancer trop d’idées reçues et d’opinions toutes faites passées un peu vite sans esprit critique à la postérité. De façon parfaitement maîtrisée et sobre, l’auteur donne la parole, en 15 petits chapitres couvrant toute la vie de l’empereur Julien, à 19 voix et plumes soit strictement contemporaines soit de peu postérieures à l’année 363, auteurs dont malheureusement nous ne connaissons bien souvent que très imparfaitement les œuvres parce qu’elles ne nous sont pas parvenues intégralement.

Un personnage controversé

A retenir surtout les noms d’Ammien Marcellin (v.  330-v. 395) historien païen hellénisé de Syrie après avoir été officier sous Julien ; d’Aurélius Victor (v. 330-390), haut fonctionnaire païen de Pannonie, natif d’Afrique, écrivain critique ; du Pseudo Aurélius Victor ( ?), auteur païen d’une Epitomé de Caesaribus ; d’Eutrope (après 320), historien sans doute païen, d’Eunape de Sardes (v. 349-v. 414), biographe païen anti-chrétien de figures variées ; de Grégoire de Nazianze (329-390), l’évêque de Constantinople sous Théodose, théologien brillant, ennemi acharné dans son Contre Julien qui pourfend la mémoire de l’empereur avec une verve très polémique qui tend à la diffamation mais dont le témoignage reçu va colorer une réputation établie ; d’Hilaire de Poitiers (v. 310-367), autre évêque et théologien engagé qui a déchargé sa rage sur Constance II, hérétique arien notoire ; de Jean Chrysostome (v. 344-407), archevêque de Constantinople qui n’est pas plus tendre à l’égard du paganisme renaissant ; de Jérôme (v. 347-420), Père de l’Eglise d’Occident, traducteur latin de la Bible, fin lettré mais atrabilaire et fielleux à ses heures ; de Libanios (314-393), rhéteur helléniste, auteur païen fécond, ami personnel de Julien et traité comme tel ; de Mamertin (IVème siècle) latiniste cultivé qui doit sa fortune politique à Julien ; et de Prudence (348-v. 405), poète chrétien espagnol, d’esprit critique et mesuré.

Pour comprendre les écarts de jugement, citons deux échantillons significatifs et antagonistes, le premier dû à Grégoire de Nazianze qui a fait de Julien ce portrait peu flatteur mais sujet à caution :

« Cou branlant… épaules remuantes et tressautantes… regard exalté… pieds qui ne tenaient pas en place, parole hachée par la respiration dont le débit s’arrêtait brusquement, questions incohérentes et inintelligibles, réponses qui ne valaient pas mieux ».

Plus une caricature qu’un portrait ! Il y a plus de justice dans le relevé des dispositions administratives heureuses de l’empereur Julien rapportées par Mamertin :

« Toutes les villes qui bordent le Danube furent visitées, toutes les doléances écoutées, la situation des routes fut soulagée, la fortune de toutes rétablie ; à d’innombrables barbares fut accordé le pardon et concédé le bienfait de la paix. Qui considérera la rapidité du trajet n’imaginera pas que l’empereur ait pu faire autre chose que la route ; qui réfléchira à la multitude des actions accomplies ne croira pas à tant de hâte ».

Dans la série des auteurs postérieurs à la vie de l’empereur Julien qui ont fait cependant mention de ce personnage historique, Parméla Ramos en recense cinq : Cyrille d’Alexandrie (376-444), auteur d’une réfutation en 440 Contre Julien qui témoigne d’une indignation continuelle de l’Eglise ; Festus (IVème s.), auteur d’une histoire romaine ; Paul Orose (v. 380-v. 418), grand lettré espagnol devenu prêtre apologiste chrétien, historien à thèse qui combat l’idée de la décadence romaine en raison de l’abandon du paganisme ; Socrate de Constantinople (v. 380-v. 450), auteur d’une Histoire ecclésiastique réputée publiée vers 439 ; Sozomène (375-v. 450), palestinien de langue grecque qui, bien que sans concession pour la doctrine de Julien, n’en évoque pas moins son habileté politique ; Théodoret de Cyr (v. 393-v. 460), évêque antiochien dont le portrait de l’empereur est sans concession avec des parti-pris évidents et enfin Zozime (v. 460- ?), avocat païen du fisc dont peu de chose nous est parvenu mais dont la sympathie pour Julien est symétrique de son aversion pour le christianisme.

Sous la protection de l’impératrice Eusébie

On saura gré à l’historienne d’avoir ainsi balayé largement les sources de l’histoire antique pour dégager au prix de nombreuses citations des témoignages critiques concernant les traits d’un personnage aussi controversé que celui de Julien. Son travail minutieux nous permet de restituer en quelque sorte une vérité plus nuancée en abordant méthodiquement toutes les périodes de la vie de l’empereur : une enfance et une adolescence assez périlleuses dans le cadre d’une parenté dynastique plutôt dangereuse et sanguinaire :

« Mes six cousins, qui étaient également les siens, mon père [Jules Constance, fils de Constance Chlore] qui était son oncle, puis encore un autre oncle commun du côté paternel [Dalmatios] et enfin mon Frère aîné, Constance II les fit tous mettre à mort sans forme de procès ; il finit par nous envoyer en exil ».

Solitude et éloignement des cercles du pouvoir permirent au jeune Julien, relégué en Cappadoce en résidence surveillée, d’étancher sa soif de culture antique auprès de maîtres réputés et de se faire parfois oublier des grands, non sans calculs ou stratagèmes :

« Julien se prit d’affection pour le philosophe Maxime d’Ephèse. Dénoncé à l’empereur, saisi de crainte, Julien se fit tondre et feignit la vie monastique, mais en secret resta attaché au paganisme ».

Dans ce climat de guerres civiles et de suspicions permanentes où tous ses gestes sont épiés, il dut la vie sauve à l’impératrice Eusébie, femme de Constance, qui le prit sous sa protection :

« Et certes, si quelque divinité qui voulait me sauver, ne m’avait procuré à ce moment la faveur de la belle et vertueuse Eusébie, je n’aurais point échappé aux mains de l’empereur ».

L’impératrice lui permit de gagner la Grèce en 355, l’Attique, la Thrace et l’Ionie, sources de cette sagesse philosophique classique dont il estime tant les différents courants et dont il conserve le charme pour lui inégalable grâce aux livres, ses chers compagnons de vie et de voyage. Julien se fit initier aux mystères d’Eleusis :

« Il descendait dans un de ces lieux interdits dont l’accès est refusé à la foule et qui inspirent l’effroi ».

Adversaire de la « secte des Galiléens »

Grâce au destin (361, mort de Constance II) et à la fortune des armes, Julien, devenu empereur en 355 malgré lui par acclamation des soldats, chef d’armée philosophe, souvent victorieux sur le terrain grâce à sa bravoure, mit à profit avec intelligence son goût de réformes profondes en luttant contre la gabegie et les dépenses inutiles de cour, en restaurant des places fortes aux frontières et en veillant à exercer la justice directement. Mais c’est en premier lieu sa politique religieuse qui desservit sa figure auprès des chrétiens surnommés la secte des Galiléens, car Julien rétablit les cultes païens et interdit l’enseignement aux chrétiens (362). Ses partisans exultèrent :

« Il  avait pour amis les amis de Zeus, et les ennemis de Zeus étaient ses ennemis ». D’autres, même de son camp, ne partagèrent pas cette exclusion : « Cette décision manqua d’humanité et mériterait d’être ensevelie sous un éternel silence : ce fut d’écarter de l’enseignement les maîtres de rhétorique et de grammaire qui pratiquaient la religion chrétienne ».

Son animosité à l’égard des chrétiens ne se fit pourtant pas haine aveugle ou bassement persécutrice : « Je ne veux pas que l’on mette à mort les galiléens ni qu’on les frappe injustement ni qu’on les maltraite d’aucune manière. Je déclare qu’il faut absolument leur préférer les adorateurs des dieux. Car c’est à cause de la folie des Galiléens que tout a failli être bouleversé, tandis que la bienveillance des dieux nous a sauvés ».

Cependant l’empereur Julien ne fit pas qu’exacerber l’antagonisme entre les chrétiens et les tenants du paganisme ancien, multipliant discordes et difficultés au sein de l’Empire toujours comprimé quelque part par les barbares et enflammé par des luttes intestines. Il rencontra dans ses propres rangs des adversaires, les cyniques qui, selon l’empereur, minaient les consciences et effritaient le lien social, auxquels il voulut d’ailleurs répliquer personnellement, notamment contre un certain Héracleios :

« Ainsi donc il ne suffit pas à quiconque désire faire profession de cynisme d’adopter le manteau, la besace, le bâton et les cheveux longs pour marcher hirsute et illettré comme dans un village privé de coiffeur et d’école… Le franc-parler est de mise quand on a d’abord démontré sa propre valeur ».

Tu as vaincu, Galiléen !

Mais c’est le sort des armes qui allait décider du sort personnel de l’empereur. Alors qu’il fut très souvent victorieux et fortuné en Occident contre les Francs remuants sur les frontières du Rhin et du Danube, il ne connut pas le même succès en Orient lorsqu’il entreprit sa grande campagne contre les Perses en 363. Mal reçu à Antioche, il connut quelques succès le long de sa route conquérante vers Ctésiphon et Sapor II mais, ayant ordonné de faire brûler sa propre flotte, il ne put éviter le désastre, son armée tenaillée par le manque de ravitaillement :

« Là les soldats, manquant de boisson et de vivres, sans guide pour les conduire mais errant en plein désert, prirent conscience de l’irréflexion de leur très sage empereur ». Blessé à mort au cours d’un combat à l’issue pourtant indécise, le corps de Julien fut inhumé à Tarse. Grégoire de Nazianze ne fit pas faute d’interpréter cet échec comme une sanction divine et salutaire :

« Quoi qu’il en soit, il reçoit bel et bien une blessure mortelle qui apportait le salut au monde entier : un unique coup lui fait subir le châtiment qu’il méritait pour tant d’entrailles dans lesquelles il avait mis criminellement sa confiance. Ce que j’admire le plus, c’est la façon dont cet homme vain, qui s’imaginait tout savoir par ce moyen, ne prévit pas une seule chose : la blessure qu’il recevrait dans ses propres entrailles ».

Il est avéré que l’empereur Julien, trapu et barbu, s’est montré le plus souvent aussi déterminé que ferme. Il rétablit le paganisme, favorisa le Soleil, encouragea les sacrifices traditionnels dans les temples païens et chercha à populariser la culture dont il était épris et dont il croyait le maintien salvateur. Mais lorsqu’il envahit la Perse à la tête de 65.000 hommes, lors d’une escarmouche confuse près de Samara, un soldat arabe, peut-être chrétien, lui enfonça sa lance dans le flanc. Selon des auteurs chrétiens, il mourut en tentant d’extraire héroïquement la pointe du javelot et en soupirant : Vicisti, Galilae ! Une autre tradition réplique, encore plus féroce : « Hélios ! Tu as détruit Julien ».  La roue de l’histoire ne s’arrête pas : en 391-392, Théodose Ier fit du christianisme la religion cette fois officielle de l’empire et commença à l’imposer par la force.

Au lecteur de composer la propre figure nuancée d’une destinée aussi extraordinaire et aussi controversée que celle du Fils autoproclamé d’Hélios ! Quelques cartes, une chronologie, une généalogie, la biographie des auteurs cités, une généreuse bibliographie complètent avec bonheur ce livre dont le récit est facile à suivre et l’articulation bien ordonnée.

Jean-Paul PERIER-MUZET
Augustin de l’Assomption (Lyon)

Connais-toi toi-même, de Socrate à Augustin, par Mihai Julian DANCA

De Socrate à Philon d’Alexandrie

« Connais-toi toi-même
et tu connaîtras l’univers et les Dieux »
(inscription du Temple de Delphes)1

L’inscription « Connais-toi toi-même » qui est gravée sur le fronton du Temple de Delphes a connu un succès ininterrompu depuis l’Antiquité jusqu’aux temps modernes. On ignore encore qui est l’auteur de cette maxime. Elle a été attribuée autant à Apollon lui-même qu’à Homère ou Socrate. Une des clés  pour expliquer la postérité de cette devise tient sans doute à l’emploi littéraire qui en fut fait et aux interprétations philosophiques très diverses auxquelles elle se prêtait.

Dans les textes les plus anciens le principe delphique reçoit une interprétation religieuse, c’est-à-dire qu’il invite l’homme à se reconnaître mortel et non dieu, à éviter les pensées d’orgueil  et à rester soumis à la suprématie de Zeus.

Socrate sera le premier à passer de l’interprétation religieuse à l’interprétation philosophique de « Connais-toi toi-même », non sans choquer ses contemporains. Dans le Premier Alcibiade, Platon adopte l’idée fondamentale selon laquelle l’homme doit prendre soin de son âme, doit se connaître d’abord soi-même avant de chercher à connaître quelque chose de ce qui lui est extérieur. Cette connaissance se met en œuvre à travers l’application et le savoir pour permettre à l’homme d’accéder à la partie supérieure de son âme qu’est la raison, miroir de la divinité qui est en nous. Nous avons affaire ici à une forme de sagesse qui est à la fois intellectuelle et morale.

Pour Socrate, il n’y a pas de plus grand bien que celui de pouvoir discourir de la vertu ou de tout autre sujet qui offre la possibilité de s’examiner soi-même et autrui. Dans le Phèdre il considère inutiles les explications physiques des mythes proposées par les interprètes rationalistes. Elles ont pour seul effet de détourner la pensée de son objet véritable qui est la connaissance de soi (d’où sa célèbre formule selon laquelle la seule connaissance qu’il possède est celle de savoir qu’il ne sait rien car « ce qui est au-dessus de nous est sans rapport avec nous²  »). Pourquoi faut-il s’occuper d’Hippocentaures, de Chimères, de Gorgones, de Pégases, alors que l’homme est peut-être lui-même une bête plus étrange et plus orgueilleuse que n’est Typhon ?3  D’où la nécessité de privilégier la connaissance de soi aux autres connaissances.

Aristote attachera aussi un grand intérêt au précepte delphique même s’il est conscient de la difficulté d’arriver à se connaître soi-même : nous reprochons par exemple à autrui ce que nous faisons personnellement, preuve que nous pouvons être aveugles sur nous-mêmes ou avoir une complaisance excessive envers nous-mêmes. Dans l’Ethique à Nicomaque, il fait remarquer que cette méconnaissance peut conduire à la pusillanimité (en oubliant la grandeur de l’âme) et à la vanité (en tombant dans la présomption). En donnant l’exemple de l’œil qui ne peut pas se voir lui-même, l’homme a besoin à son tour du miroir de l’autre lui-même qu’est, en occurrence, un ami.  On retrouve de fait chez Aristote une application morale du principe delphique alors que dans le Premier Alcibiade de Platon il s’agissait d’une application métaphysique.

Plus tard, Chrysippe, chef de l’école du Portique, réintroduira, et cela en dépit de Socrate, le lien entre le principe delphique et la physique. Chrysippe considère que l’homme, comme toute espèce animale, tend instinctivement à se connaître. Mais l’homme ne saura pas connaître sa propre nature avant de connaître le système de l’univers et la manière dont il est administré. Il faut donc réintroduire la possibilité de recherches physiques en raison du lien qui unit les êtres entre eux.

Au Ier siècle, Philon d’Alexandrie mentionne comme effet positif de la connaissance de soi le bonheur. La science de soi-même peut engendrer le bonheur. Il fait un parallèle entre le précepte delphique et le précepte de l’Exode « Veille sur toi-même », en entendant par là que l’homme doit s’éloigner du terrestre, en repoussant le plus loin possible ce qui est de l’ordre du sensible. Pour devenir sage, il faut enquêter sur soi-même, c’est-à-dire sur l’âme, le corps, les sensations, le raisonnement, cessant ainsi de dire des sottises sur le soleil, la lune et les autres êtres célestes. Il faut délaisser autant l’étude du ciel que l’observation du monde physique d’ici-bas pour se consacrer à l’examen de soi-même. On pourra ainsi découvrir la place de l’intellect qui commande en nous comme il commande dans l’univers. L’attitude de Philon n’est pas sans rappeler celle de Socrate qui déniait toute valeur aux explications physiques des mythes pour se consacrer entièrement à la connaissance de soi-même.

On peut voir dans ces positions divergentes les débats qui opposeront régulièrement les stoïciens aux académiciens et les platoniciens aux aristotéliciens. Elles se retrouveront plus tard, en termes analogues, chez Grégoire de Nysse et dans les Confessions de saint Augustin.

L’effort d’introspection constitue donc une étape importante vers la découverte de l’Intellect qui dirige le monde : quand Abraham tombe sur sa face devant la transcendance de Dieu c’est parce qu’il reconnaît devant cette transcendance le néant de sa nature mortelle. La pratique de la circoncision devait signifier justement la suppression des plaisirs qui subjuguent la raison. Elle constituait en même temps une pratique conforme au précepte delphique dans le but de préserver l’âme de cette arrogance qui nous fait nous prendre pour des dieux et oublier le Dieu véritable. Il faudrait ajouter dans ce sens que dans la perspective biblique la connaissance de soi n’est pas sa propre fin mais a comme but la connaissance de Celui qui est.

La confrontation entre les vues platonisantes de γνῶθι σεαυτόν (« Connais-toi toi-même ») et la Bible a mené Philon d’Alexandrie à repousser les études physiques pour favoriser l’étude du rapport entre l’intellect humain et l’Intellect qui régit le monde. Il prône une forme de connaissance qui aboutit au respect religieux de la transcendance divine et à l’aveu du néant humain.

Dans la Gnose païenne et chrétienne

Au IIème siècle, les Gnostiques, qu’ils soient païens ou chrétiens, s’emparent du principe delphique pour en faire le point de départ de leurs spéculations : le Gnostique est celui qui doit débarrasser son moi intérieur des vêtements qui le recouvrent. Il doit s’interroger  sur lui-même et sur la destinée humaine : « Qu’étions-nous ? Que sommes-nous devenus ? Où étions-nous ? Où avons-nous été jetés ? Vers quel but nous hâtons-nous ? ». La gnose ne concentre pas son effort sur la connaissance de la divinité ou du  monde physique, mais sur la recherche de la nature véritable de l’homme. Le thème du miroir revient de façon récurrente dans la pensée gnostique. Le miroir représente l’Esprit divin et primordial que l’âme, une fois purifiée,  doit contempler et prendre pour modèle si elle veut devenir elle-même esprit. L’épître de saint Jacques stigmatise par exemple l’homme qui regarde son image mais l’oublie aussitôt (Jc 1, 22-24).

La connaissance de soi, dans l’optique gnostique, devient la clé pour accéder au Royaume ou au Repos. Pour arriver à cette fin il faut nous connaître tels que Dieu nous connaît et reprendre possession du moi qui existe comme tel dans l’Etre absolu. Le Moi qui révèle la Gnose est un Moi ontologique auquel on peut accéder en nous dépouillant de ce qui est étranger. C’est un mouvement qui part de l’homme extérieur pour arriver à l’homme intérieur, au Moi essentiel qui est l’Homme parfait.

Les Gnostiques chrétiens n’ignorent pas les équivalences bibliques du principe delphique comme ce logion attribué à Jésus : « Si tu as vu ton frère, tu as vu ton Dieu ». Clement d’Alexandrie va encore plus loin en affirmant que celui qui a formulé le précepte delphique le tenait de Moïse, tandis que les doctrines des philosophes sont des reflets de la Vérité. Le « Connais-toi toi-même » est donc conforme à la parole de Jésus : « Qui perdra son âme à cause de moi sera sauvé » (Mt 10,39), c’est-à-dire que celui qui se reconnaît pécheur, arrache son âme au péché en la faisant obéir aux commandements. La foi conduit l’âme à la renaissance par retour et conversion à Dieu.

Chez Ambroise et Augustin.

En Occident, le « Connais-toi toi-même »Nosce te ipsum ») pénètre dans les milieux païens et chrétiens à travers la lecture de Platon, Plotin ou Porphyre mais aussi à travers l’influence d’Origène et des Pères Cappadociens. La formule est en plein épanouissement à la fin du IVème siècle.

Chez Ambroise de Milan l’usage de cette formule est encore flottant à cause des sources diverses qu’il suit dans ses principaux traités. Lui-même reconnait la difficulté de mettre en pratique le slogan delphique.  Dans ses commentaires sur le psaume 118 il explique que Moïse a été le premier à formuler ce précepte sous la forme « Adtende tibi4  ». Puis, le roi Salomon, auteur du Cantique des Cantiques, l’a réitéré sous la forme du verset « Nisi scias te decoram inter mulieres…  5» Les deux formules sont, d’après Ambroise, antérieures au précepte delphique, qu’Apollon a subtilisées.

Le Cantique des Cantiques invite l’âme à reconnaître son aptitude rationnelle pour découvrir la ressemblance naturelle qu’il y a entre elle et la divinité car créée à son image. De cette ressemblance découlent les devoirs moraux et la soumission du corps à la raison par une conversion de tout l’être. Le « Connais-toi toi-même » est l’invitation que l’époux fait à son épouse (symbole ici de l’âme de l’homme) pour reconnaître en quoi consiste sa beauté véritable qui est : désirer les choses célestes et incorruptibles.

Le précepte de Moïse dans le Deutéronome « Applique-toi à toi seul », indique que le Moi est anima et mens par opposition à ce qui est nôtre, c’est-à-dire les membres et les sens, et par opposition à ce qui nous entoure, c’est-à-dire les biens de fortune. Le précepte de Moïse est une incitation à admirer la force de l’âme humaine afin que nous devenions maîtres des membres de notre corps et de ce qui nous entoure.

Pour Ambroise, le « Connais-toi toi-même » est intimement lié à la purification morale : il faut affranchir l’âme des servitudes du corps. Mais cela ne veut pas dire que l’âme doit vivre séparément du corps, comme chez Platon, mais elle doit avant tout soumettre ce corps en faisant appel à la grâce divine.

La méthode augustinienne.

Tout ce survol nous amène maintenant à saint Augustin qui a beaucoup réfléchi au précepte delphique tout au long de son existence. Dans le premier dialogue qu’il écrit, le Contra Academicos, Augustin fait savoir que sa conversion fut un retour à soi, grâce à la lecture des livres platoniciens et au contact avec le christianisme. En s’appuyant sur la philosophie des mystères chrétiens, selon lesquels l’Intellect divin s’est fait chair, Augustin en déduit que le devoir de l’homme est de rentrer en lui-même et de revenir vers la patrie divine.  Dans le De ordine, il est même persuadé que, si l’homme n’est pas capable de discerner l’ordre providentiel de l’univers, c’est parce qu’il ne se connaît pas encore assez lui-même.  Pour mieux se connaître, l’homme doit prendre l’habitude de se retirer hors des sens et de recueillir l’âme sur elle-même. De cette manière l’âme sera en quelque sorte restituée à elle-même et pourra comprendre en quoi consiste la beauté de l’univers, beauté qui procède de l’Un.

La tendance de l’âme est de se dissiper sur les objets, à vivre dans la multiplicité et donc de ne pas trouver l’Un auquel elle aspire. Augustin est imprégné ici par les idées du néo-platonisme porphyrien. L’idée que l’âme, depuis sa chute  de la « plaine de Vérité » en ce bas monde, vit dans la multiplicité des opinions, remonte au Phèdre de Platon.

Augustin remarque aussi que l’homme prend rarement sa raison pour guide afin de connaître Dieu et l’âme, qu’il s’agisse de l’âme individuelle ou de l’âme du monde. Trop pris par l’illusion du monde sensible, l’homme rentre difficilement en soi-même et ignore la nature même de la raison. Or, l’objet de la philosophie est justement de nous faire découvrir l’âme, en tant que connaissance de nous-mêmes, et Dieu, en tant qu’origine de notre âme. La connaissance de l’âme nous conduit à une vie heureuse ; tandis que la connaissance de Dieu nous procure cette vie heureuse.

Le même lien intime entre connaissance de soi et connaissance de Dieu apparaît dans les Soliloques, où Augustin se cherche lui-même et rentre en dialogue avec sa propre Ratio. Il souligne d’emblée l’accord entre les recherches philosophique du principe delphique et le verset de la Genèse sur l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Le dialogue avec sa propre Ratio est possible grâce au repli sur soi et au détournement de l’attention des objets sensibles. Pour Augustin, nous portons en nous trois certitudes : nous sommes, nous vivons, nous comprenons. Or, les sens sont incapables de se connaître. Il n’y a que l’intellect qui est capable de se connaître lui-même et par lui-même en saisissant la norme suprême de Beauté en fonction de laquelle il peut juger les beautés sensibles.

Le retour sur soi – selon la dialectique néo-platonicienne des degrés – se fait par étapes, de l’extérieur vers l’intérieur, car ce qui est extérieur est inférieur par rapport à la présence de Dieu au plus profond des intima.  Dieu est au tréfonds du tréfonds de l’homme. Et c’est Lui qui attire l’attention sur sa présence comme un aliment dont on ressent la faim ou comme l’appel d’une voix intérieure.

Ce processus d’introspection est à deux visages. Dans un premier temps, l’homme descend en lui-même et découvre la guerre que se livrent la chair et l’esprit et prend ainsi conscience de sa faiblesse charnelle. La parabole du fils prodigue illustre bien cet exemple de retour à soi comme phase préalable au retour à Dieu. Elle montre aussi que le retour à soi n’est pas un repli sur soi-même, mais une démarche qui mène au prochain, qui nous ouvre à l’autre ; car personne ne peut aimer son prochain comme soi-même s’il s’ignore lui-même. Dans un deuxième temps finalement, descendre en nous-mêmes nous fait découvrir aussi la grandeur de notre être créé à l’image de Dieu et supérieur aux autres créatures.

Augustin évite toujours que le « Nosce te ipsum » soit pratiqué comme une introspection qui prendrait l’homme pour fin en soi. Il y a au contraire une concordance entre les données de l’introspection et celles de la Révélation. L’introspection complète la connaissance de l’unité et de la beauté que présente l’œuvre de la Création.

Augustin se demande aussi : par quel moyen l’âme peut-elle se connaître ? Est-ce qu’elle se connaît par un miroir comme l’œil se connaît ? Par souvenir d’une béatitude antérieure ? Ou bien par amour du savoir ? En réalité, rien de tout cela. L’âme se connaît par intuition d’elle-même, c’est-à-dire qu’elle est présente à elle-même au moment où elle cherche à se représenter elle-même. L’âme ne peut pas en effet connaître une partie d’elle-même par une autre partie. Par conséquence, elle doit se connaître intuitivement, à la fois en tant que vie et en tant qu’âme. Cette argumentation constitue entre autres une réponse à l’aporie sceptique selon laquelle toute connaissance suppose une division entre le sujet connaissant et l’objet connu.

Augustin, par rapport à Ambroise en qui l’on décèle les influences des idées platoniciennes, plotiniennes et judéo-chrétiennes, est plus personnel et plus systématique dans sa réflexion à mesure qu’il mûrit. Les Confessions vont dans ce sens. Sans aucun doute, dans le monde contemporain qui est le nôtre, une réappropriation du « Connais-toi toi-même » en suivant la méthode augustinienne, nous permettrait d’améliorer la connaissance que nous avons de nous-mêmes et de Dieu.

Mihaï Iulian DANCA
Augustin de l’Assomption
(Montpellier)

Augustin aujourd'hui

Lettre de saint Augustin aux jeunes du troisième millénaire, par Giuliano RICCADONNA

« Quid novi, juventutis homines ?1 »

Je dois vous confier un secret, à vous qui n’avez pas encore les cheveux gris ou blancs. Vous naviguez si facilement dans le web pour attraper toute sorte d’informations. C’est inimaginable la possibilité de données que vous avez toujours à disposition grâce à ces nouveaux objets portables ! Divina aut diabolica aut sempliciter humana instrumenta 2?  Ceux qui vous suivront pourront en faire le discernement et émettre un jugement ! Voici le secret que je vous confie : de mon temps, j’aurais dû aller à la grande bibliothèque d’Alexandrie, en Egypte, pour une année sabbatique … mais on m’avait informé qu’on venait juste de la détruire. Inouï ! Ce fut la plus grande destruction de mon temps. Pire encore que les destructions des barbares à Rome ou ailleurs. J’ai donc dû me débrouiller avec le peu de livres disponibles dans ma terre d’Afrique, ou que j’ai pu ramasser à Milan et à Rome. « On joue avec les joueurs qu’on a », dit-on dans ce nouveau sport que vous pratiquez tellement.

Donc vous avez un matériel inouï ! Vous avez la possibilité d’avoir toute sorte d’informations en temps réel ! Inimaginable de mon temps où il fallait des mois pour qu’une lettre parvienne à  son destinataire ! Le « web » : un filet qui se déploie en toute direction et qui ramasse toutes ces informations, sans faire le tri, pour le bien et pour le mal aussi, hélas ! Et le filet est en connexion avec l’eau, source de vie, de purification, de rafraîchissement, mais aussi de destruction, comme au déluge. Le filet sert pour prendre et tuer les poissons. Quant à notre Maitre Intérieur, il est là non pas pour nous piéger, mais pour éclairer et libérer nos consciences.

En prenant connaissance de ces nouveaux « instrumenta electronicae laboris3 »  je suis arrivé à une conclusion. Il faudrait que je puisse faire une édition complètement nouvelle de mon livre « De civitate Dei », une édition mise à jour pour le troisième millénaire. Je suis en train de rassembler le matériel, pour l’instant. Maintenant je travaille sans stress, sans aucune hâte. Nous avons la chance qu’après notre « dies natalis », il n’y a plus ni personne ni rien qui nous mette en état de fébrilité. « In serena pace omnes vivamus, in corde uno et anima una coniuncti ! »4  Sur terre, garder le « cor unum et anima una » était une lutte quotidienne, ici c’est un bonheur qui nous est donné à goûter et savourer avec n’importe quelle personne. C’était le but de toute ma vie, but qui s’est enfin réalisé ici dans la définitive « civitas Dei ».

Après 1600 ans je vais vous demander, à vous les jeunes gens, si les indications suivantes, que j’avais formulées pour moi-même et pour ma vie, sont encore valables. J’attends votre réponse ; je suis fortement intéressé par votre manière de voir les choses avant de me mettre au travail dans la nouvelle édition de mon œuvre. Comme vous le savez, je ne suis pas intéressé par ce que vous appelez les droits du « copyright » : j’ai toujours écrit et je suis encore plus convaincu maintenant que le roc solide sur lequel on peut construire durablement est le fait que « Deus adiutor noster est »5 .

Charte pour la « civitas Dei »

Je vais donc vous confier simplement quelques « miettes », quelques principes que j’ai toujours suivis dans le travail intellectuel et pastoral qui a été lé mien. Ces miettes sont déjà comme la « civitas Dei » réalisée. Mais je vous demande, et même je vous supplie, de me faire savoir vos points de vue. Pour la nouvelle édition, je veux la faire avec vous : non plus mon œuvre, mais une œuvre collective !

1. Si tu t’appliques à l’étude, tu dois fuir les excès dans le corps comme dans l’esprit, te nourrir avec des aliments sains, t’habiller avec simplicité et ne pas être attiré, et presque paralysé, par l’apparence des dernières nouveautés commerciales.

2. A la sobriété extérieure doit correspondre  la modération des passions.

2.1 Sois toujours bien persuadé que l’obsession de l’argent est un poison qui tue toute espérance et toute joie intérieure.
2.2 N’agis pas avec mollesse ni avec un esprit de supériorité.
2.3 Eloigne de toi toute espèce de colère ou du moins cherche à la dominer quand tu corriges les fautes des autres.
2.4 Sois le gardien de toi-même: veille sur tes sentiments et sur tes désirs afin qu’ils ne te traînent pas là où tu ne désires pas aller.
2.5 Cherche pour toi et pour tous à favoriser un corps et une intelligence équilibrés et un esprit toujours actif dans la paix.

3. Cherche toujours la tolérance dans les relations, l’honnêteté dans le comportement et la rigueur avec toi-même.

3.1 Reconnais tes défauts et cherche à les corriger.
3.2 Ne sois pas excessif dans le jugement et sois généreux dans le pardon.
3.3 Sois patient avec ceux qui cherchent à s’améliorer et prudent avec ceux qui prennent une mauvaise route.
3.4 Considère toujours comme membres de ta propre famille ceux qui sont confiés à tes soins ou à tes responsabilités. Sois le joyeux serviteur de tous et exerce l’autorité sur les autres comme un humble service fraternel.
3.5 N’insiste pas auprès de ceux qui refusent de se corriger. Par rapport aux superbes, reste à distance d’eux, le plus loin possible. Evite toute sorte d’inimitié, supporte-la avec un cœur serein et mets-y un terme au plus vite.
3.6 Dans ton comportement et dans le dialogue avec les autres, suis toujours le vieux proverbe: “Ne fais pas aux autres ce que tu ne désires pour toi-même”.
3.7 Ne recherche pas les postes de responsabilité, si tu n’es pas prêt à servir dans la joie.
Cherche toujours à faire des progrès, malgré les évènements.
3.8 Pendant toute ta vie, en tout temps et en tout lieu, garde les vrais amis ou recherche-les.
Honore ceux qui le méritent, même s’ils ne le désirent pas. Vis avec dignité et en harmonie avec tous et partout.
3.9 Cherche Dieu : que sa connaissance remplisse ton existence et que son amour soit toujours dans ton cœur.  Garde la tranquillité, la persévérance et l’ordre pour poursuivre sans te lasser ta  recherche de la vérité  et la favoriser chez tes compagnons de route.

« Je connais vos problèmes, chers jeunes ! J’ai vieilli dans ces combats, j’ai eu les mêmes adversaires que vous. Plus faibles dans ma vieillesse, c’est vrai, et pourtant ils ne cessaient de troubler la paix de mes vieux jours.
Je le sais ! Votre bataille est plus difficile par les temps qui courent. Mais que voulez-vous, oh bons et saints combattants ? Oh forts soldats du Christ, que voulez-vous ? Qu’il n’y ait pas des mauvaises convoitises ? Impossible ! Continuez à les combattre et à placer votre espérance dans la victoire finale »
(Je vous renvoie à mon Discours 128, 9.11).

P.S. J’ai pu lire dernièrement un petit livre, écrit aussi par un africain, un certain Jean-Paul Sagadou (mais qui doit habiter au sud de notre grande extension aride). Son livre porte comme titre « Saint Augustin et les jeunes Africains » aux éditions Saint Augustin Afrique. C’est pas mal !
Je sais à présent que cet Africain est, comme moi, un religieux de l’Assomption et qu’il vit au Burkina Faso.

Giuliano RICCADONNA
Augustin de l’Assomption
(Florence)

Religieuse au pays des Sénoufo, par Eugénie KONE Bénin

Originaire du pays des Sénoufo, j’ai bien conscience de n’avoir qu’une connaissance très limitée de la culture sénoufo. Cela étonne beaucoup quand je dis que j’ai appris à parler le français avant le sénoufo dont je n’ai qu’une maîtrise très approximative. Je voudrais aussi préciser que quand je parle des Sénoufo, il ne s’agit que du petit groupe dont je fais partie et de ceux de mon diocèse de Korhogo (Côte d’Ivoire). Il y a en effet de nombreux groupes de sénoufo et on en trouve ailleurs que dans mon diocèse de Korhogo, et même dans les pays frontaliers de la Côte d’Ivoire. On dit en général du  peuple sénoufo qu’il est conservateur et parfois réfractaire à tout changement. L’Evangile parvenu chez les Sénoufo au début du XXème ne prend que difficilement racine. La pratique des religions traditionnelles africaines y est encore très forte.

Les vocations en pays sénoufo

Les statistiques ne sont pas récentes mais on estime qu’il y a en Côte d’Ivoire 38% de musulmans, 32% de chrétiens parmi lesquelles 22% de catholiques et 30% de personnes pratiquant les religions traditionnelles africaines ou d’autres religions. Le diocèse dont je suis originaire compte 6% de chrétiens. Dans le nord de la Côte d’Ivoire, il y a beaucoup plus de musulmans que de chrétiens. D’ailleurs, depuis qu’elle traverse la crise politique, on entend souvent parler dans les médias d’un nord musulman et d’un sud chrétien. Les premiers évangélisateurs sont, en effet, arrivés en Côte d’Ivoire par la côte maritime au sud et les musulmans par le nord. Il va sans dire que dans un milieu où les chrétiens sont minoritaires, il y a très peu de vocations religieuses et sacerdotales.  Avant d’être religieuse moi-même, j’ai connu peu de prêtres sénoufo. Il arrivait dans mon diocèse qu’entre deux ordinations sacerdotales, il s’écoule une dizaine d’années. Pourtant un grand nombre de diocésains a fait des années de séminaire. Quant aux religieuses sénoufo, je n’en ai pas rencontrées avant de l’être moi-même. J’avais tout juste entendu parler des religieuses sénoufo dans le diocèse voisin. Dans ma paroisse, il y avait deux groupes de religieuses venues les unes de France et les autres du Burkina Faso. Je n’ai donc connu que des religieuses missionnaires et cela a  influencé mon propre choix. En tout cas, la mission a été un élément déterminant dans mon choix.

De nombreuses raisons peuvent expliquer la rareté des vocations en pays sénoufo. On peut citer d’une part le  contexte minoritaire des chrétiens. D’autre part, le faible taux de scolarisation dans le nord de la Côte d’Ivoire. En fait, au départ, on ne scolarisait que les enfants dont on pensait qu’ils seraient les moins aptes à réussir dans la société sénoufo. C’était le cas de mon père. Quand on avait pour ainsi dire sacrifié un enfant, on attendait de lui en contrepartie qu’il prenne en charge le reste de la famille s’il venait à réussir sa vie. Dans un tel contexte, comment alors faire comprendre à sa famille son désir de devenir prêtre ou religieux, à plus forte raison faire comprendre le sens des vœux ? Si, par exemple, la question matérielle n’est pas au cœur du vœu de pauvreté, elle n’en est pas absente. Faire comprendre à sa famille qu’une fois qu’on aura rejoint un institut, on ne sera plus en mesure de lui venir en aide est une pilule amère à avaler, tout comme l’est celle de renoncer à donner la vie. Ce n’est pas tant le célibat que le fait de ne pas avoir d’enfants qui pose problème. Dans le flot continu de la vie reçue des ancêtres et qui se transmet de génération en génération c’est comme si un maillon du chaînon venait à se rompre. On peine à donner sens à un tel choix. Il va sans dire que pour les plus conservateurs la vie religieuse ou le sacerdoce ne sont pas faits pour les sénoufo. Il reste que certains attendent impatiemment que se lèvent des prêtres et consacrés autochtones. Leurs attentes sont si grandes que les candidats en recherche peuvent avoir peur de décevoir et cela constitue une autre forme de pression.

Mon choix de la  vie religieuse

Je suis née dans une famille sénoufo déjà chrétienne catholique et pratiquante. J’ai commencé à me poser la question du choix de la vie religieuse à onze ans. A la religieuse qui nous faisait le catéchisme je posais la question de savoir comment on reconnaissait qu’on est appelé par le Seigneur. Elle m’expliquait comment cela s’était passé pour elle mais dans ma tête d’enfant je croyais que les choses se passaient de la même manière pour tous ceux qui entendaient l’appel de Dieu. J’ai attendu plusieurs années d’avoir les mêmes signes mais comme ils tardaient à venir je me suis posé ces questions autrement.

Au collège, je m’intéressais à ce qui se passait dans le groupe vocationnel mais je n’osais pas y aller justement parce que je ne voulais pas subir de pression. L’envie de devenir religieuse m’est venue de mes contacts avec une religieuse, une française qui était très proche des enfants que nous étions. Je garde d’elle l’image d’une sœur qui n’avait pas peur de nous, de ceux qui sont différents. Je la revois encore, alors que mon petit frère lui tendait la glace qu’il avait commencé à manger. Pour la partager avec lui, elle n’a pris qu’un petit bout uniquement pour lui faire plaisir. Ce geste m’a profondément touchée. Elle avait tout compris de notre culture : on ne doit jamais rien manger seul sans partager. C’est aussi elle qui la première m’a emmenée voir des enfants prématurés à l’hôpital. En grandissant, je voulais comme elle me faire proche des autres.

Et Augustin dans tout ça?

« Qu’est-ce que en effet que le temps ? Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu’un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. » (Confessions XI, 14, 17)

Voici une des phrases des Confessions de saint Augustin que j’aime à me redire quand j’ai du mal à gérer mon temps, mon agenda. Cela peut paraître très simpliste de réduire la réflexion d’Augustin à une difficulté de gestion du temps. Bien évidemment, les spécialistes diront que la question du temps chez Augustin n’a rien à voir avec l’utilisation que je fais de cette citation. En fait, c’est une des citations que j’ai retenue de mes cours de philosophie au lycée. Ces cours étaient aussi une des deux premières rencontres avec Augustin.

Outre mes cours de philosophie, c’est lors d’homélies que j’ai entendu parler de saint Augustin. C’était surtout à l’occasion de la fête de Trinité que les prêtres nous racontaient la petite anecdote sur Augustin rencontrant un petit garçon au bord de la mer en train de verser l’eau dans son trou de sable. Que fais-tu là ? demande le théologien. – Je  veux vider  la mer dans mon trou ! – Mais c’est impossible ! – Réponse  de l’enfant : J’aurai vidé la mer avant que tu n’aies compris la Trinité ! –   Depuis, j’ai appris qu’il s’agit d’une légende inventée au Moyen Age. Le temps du noviciat viendra donner un peu plus de consistance à ma connaissance d’Augustin jusque là plutôt sommaire.

De ma première lecture des Confessions d’Augustin, j’ai retenu deux épisodes : le vol des poires et la mort de son ami. D’Augustin, je n’ai jamais lu et relu que Les Confessions qui restent pour moi un chef d’œuvre. Selon l’étape où je suis, il y a des moments où je suis plus en phase avec Augustin et d’autres moins. Un tel moment de désaccord a surgi lorsque j’ai découvert au cours d’anthropologie chrétienne, nous disait-on, qu’Augustin n’aimait pas les femmes. Le Combonien qui assurait ce cours ne devait pas beaucoup aimer Augustin ! Son propos était sans nuance et je me suis révoltée contre Augustin et beaucoup moins intéressée à lui. Il a fallu que je lise, quelques années plus tard, le Dieu d’Augustin de Goulven Madec pour me réconcilier avec lui. Plus je progresse dans sa connaissance, plus il me passionne.

Eugénie KONE Bénin
Oblate de l’Assomption
(L’Haÿ-les-Roses)

Du diocèse à la vie religieuse, par Arnaud ALIBERT

Itinéraire d’un prêtre.

Combien de fois n’avons-nous pas entendu l’histoire de ce garçon quasi-dépravé qui, un beau jour, se convertit et choisit de devenir prêtre, l’Eglise faisant de lui de son vivant un évêque, et après sa mort, un saint ! Nous le savons, les choses sont toujours beaucoup plus complexes. Dans la vie d’un homme, tout se tient ; l’art du discernement consiste à être capable de distinguer les éléments, non de les séparer, mais de les mettre en correspondance. Au-delà de la caricature, le jeune Augustin est bien celui-là même qui sera capable de se tourner vers Dieu, de lire l’Evangile, de le comprendre et de l’enseigner. Tous ses errements antérieurs ne sont pas pur passif, qui le tireraient vers le bas en dépit de ce que lui-même ou d’autres pourraient en dire. La vie d’un homme n’est pas un repas un peu rapide au cours duquel on passe d’un plat à l’autre, sans mémoire et sans goût ; et, au final, elle ne se nettoie pas comme une toile cirée ! Pour exprimer l’itinéraire d’une vie, si l’on devait prendre une métaphore ménagère, c’est vers les tissus, les draps qu’il faudrait aller : les expériences accumulées au long des années marquent des plis. Tout le monde sait combien les plis sont ancrés dans le tissu, au point de ne jamais vraiment disparaître, imprimant toujours jusqu’à la fin une forme, un « jeu », bref une singularité.

Je laisse les articles passés d’Itinéraires augustiniens, et ceux à venir, nous dire comment la quête philosophique d’Augustin, sa recherche personnelle, désordonnée mais pas incohérente, ont été une préparation de sa conversion, intervenue en ce fameux mois d’août africain de l’an 386. Je me sers simplement de cette image pour introduire ma cause, au moment où je suis amené à écrire mon témoignage de prêtre diocésain devenu religieux Augustin de l’Assomption. Comment cela se fait-il que le « diocésain » que j’étais ait senti un mouvement intérieur, à ce point impérieux, qu’il le pousse à quitter, comme Augustin, ses habitudes et même comme Abraham son pays, à savoir son Languedoc natal fait de vigne et de sable, pour rejoindre une terre inconnue ? Les sceptiques pourraient se demander à juste titre : était-il à ce point insupportable qu’il ait été chassé de son diocèse ? Et les narquois de dire : après avoir quitté les Sciences Economiques pour le séminaire, le voilà qui change encore… Attendons la fin pour savoir où il se stabilise! Les spirituels débutants poseront la question en termes de vocation : s’était-il trompé de voie ?

Dans la vie d’un enfant de Dieu, qu’est-ce qui est vocation ? Mgr Giraud, ancien supérieur de séminaire, actuel évêque de Soissons, parle volontiers de vocation dans la vocation : derrière le terme générique de vocation se cache une réalité à plusieurs strates. Distinguons d’abord, dans toute vocation, l’appel primordial, de l’ordre de la source. Saint Augustin l’a senti bien avant sa conversion, lui qui était travaillé par un désir qui le brûlait. Sa conversion a été un moment de crise- du moins c’est ainsi que je l’interprète- qui a produit l’énergie nécessaire pour l’arracher à ses habitudes et ses faux idéaux afin d’embrasser l’Evangile. Son devenir de religieux, puis de prêtre et plus encore d’évêque, charge qu’il s’efforçait de fuir, s’inscrit dans cet appel fondamental, mais n’est pas de la même strate intérieure si on peut dire. Au bout d’une vie, ce parcours dessine bien sûr une vocation, mais au moment où les étapes s’accomplissent, Augustin semble plus répondre aux nécessités d’un présent qui urge qu’à son appel originel. C’est « la vocation dans la vocation » : une réponse concrète à l’appel de l’aujourd’hui dans la réponse globale à l’appel vital du Christ à le suivre selon son Evangile.

Je ne peux donc pas exprimer comment s’est joué pour moi le passage de la vie diocésaine à la vie religieuse si je ne m’inscris pas dans ce schéma. Je crois qu’aux yeux de Dieu ces deux segments de vie sont en parfaite continuité. Ainsi, le passage de diocésain à religieux est en fait l’aboutissement du discernement. Mon appel fondamental : suivre le Christ en étant prêtre. La vocation dans la vocation : religieux assomptionniste. Les deux vies ne diffèrent en rien sur la profondeur de l’engagement humain. On m’a raconté qu’un jour un assomptionniste avait dit en pleine réunion de prêtres de Montpellier, pour expliquer sa différence d’avec eux : « nous, religieux, qui avons choisi de suivre radicalement le Christ ». Je laisse imaginer la réaction des prêtres ! Deux éléments importants à mes yeux diffèrent pourtant.

D’abord la vie communautaire. Celle-ci est intrinsèque à la vie religieuse alors que dans le clergé diocésain elle ressort d’un choix de convenance entre prêtres, dans les limites du possible fixées par l’autorité épiscopale dans le jeu des nominations. Même quand une vie commune est organisée entre prêtres, il manque toujours le ciment d’une même spiritualité et d’une même figure de fondateur pour en faire une vie communautaire. Spiritualité partagée, règle de vie commune sont étrangères au principe même du presbyterium d’un diocèse. Pour ma vie de foi et d’homme, j’ai justement voulu ce partage avec d’autres.

Ensuite, le principe du commandement. La vie religieuse, en dépit de ce que le vœu d’obéissance peut signifier de l’extérieur, est plus démocratique que la vie diocésaine : chapitre local où chaque frère a une voix, chapitre provincial qui est souverain et qui impose ses choix aux responsables, mandats à durée déterminée. Bref une organisation hiérarchique vivante qui se donne les moyens de s’ajuster au corps ecclésial en évolution. Tout ceci n’est possible que sous  le primat de la fraternité, l’autre nom de l’amour évangélique !

Voilà donc deux raisons rationnelles, qui pourraient paraître suffisantes. Or il faut plus encore. Il faut un enthousiasme particulier. Car, il y a bien quelque chose qui m’a manqué dans la vie diocésaine ; c’est une fois entré dans la congrégation des assomptionnistes que je l’ai compris. Mon engagement dans l’Eglise de Montpellier était l’expression de mon attachement à un peuple et à un territoire, ceux de l’Hérault. Mais, pour que la conduite d’une vie fasse vocation, il faut aussi l’attachement à une histoire particulière,  la mémoire d’un passé et le désir d’un avenir ensemble. Or plus que l’histoire languedocienne, c’est l’élan historique de l’Assomption, chargé de deux siècles d’histoire de France, d’Orient et de terres lointaines qui me porte. A titre d’illustration, les frères assomptionnistes vivent aujourd’hui pour eux-mêmes l’expérience inouïe de la construction européenne puisqu’ils se constituent en province d’Europe. N’est-ce pas extraordinairement exaltant pour un prêtre que de prendre part à ce mouvement immense qui emporte près de 500 millions d’êtres humains dans un projet porteur de paix, là même où les guerres endeuillaient les familles à chaque génération.

Oubliée alors la paroisse ! Dans ma vie présente de religieux assomptionniste, elle est loin la proximité pastorale avec le peuple de Dieu qui est la source d’un grand bonheur pour qui sait la goûter. Mais s’y ouvre une solidarité avec « le genre humain et son histoire » selon les termes du Concile Vatican II, qui est pour moi synonyme d’accomplissement de ma vocation d’ouvrier du Royaume.

Arnaud ALIBERT
Augustin de l’Assomption (Paris)

Asia-Pacific Augustinian Conference (APAC), par Bernard HOLZE

Quand des frères et sœurs de la famille augustinienne d’Asie et du Pacifique cherchent à collaborer « d’un seul cœur et d’un seul esprit ».

Il y a 32 ans, l’Ordre de saint Augustin réunissait pour la première fois des délégués de l’Asie et du Pacifique pour un forum d’échanges en vue d’une meilleure collaboration. Au fil des ans, plusieurs autres Congrégations de la grande famille augustinienne ont rejoint ce forum continental.

Les structures sont souples, non contraignantes. C’est la volonté de collaborer de chaque Congrégation qui fait la vie et la richesse de ce forum. Les objectifs sont clairs : renforcer les liens entre les Congrégations qui se réclament de la Règle de saint Augustin et promouvoir la collaboration entre ses membres.

L’APAC réunit actuellement les religieux et religieuses de la famille augustinienne d’Australie, de Corée, de Guinée-Papouasie, d’Inde, d’Indonésie, du Japon, des Philippines, de Taïwan, de Thaïlande et du Vietnam.

Des Commissions proposent différentes activités communes auxquelles les différents Congrégations sont invitées à participer.

La Commission Formation et Spiritualité a ainsi organisé un atelier pour les formateurs du continent sur le thème : « Augustin, le Formateur » et quinze jours d’inter-noviciat avec six Congrégations augustiniennes sur le thème de l’intériorité, de la vie commune et du service de   l’Eglise. Dans les mois à venir sont prévus une retraite pour des formateurs sur le thème : « Augustin comme un Formateur de missionnaires », une retraite pour des collaborateurs laïcs et un nouveau programme d’inter-noviciat sur la « Passion pour la mission ».

La Commission Communication, chargée de la publication du Bulletin d’APAC, a opté pour un site web d’APAC. Il devrait voir le jour avant la fin de cette année. Outre la présentation des activités d’APAC et des Congrégations qui composent ce forum, le site fournira aussi des documents, des articles de réflexion et des illustrations pour approfondir et promouvoir la pensée de saint Augustin. Sans doute que des articles parus dans « Itinéraires augustiniens » pourront figurer dans cette « bibliothèque ».

La Commission Vocations et Jeunes propose des ateliers de réflexion sur les façons de proposer la vie religieuse dans des sociétés où la religiosité est encore forte, gagnées pourtant par la violence, le consumérisme et l’individualisme mais aussi par une recherche de plus de justice et de paix.

La Commission Education accompagne plus particulièrement les enseignants des écoles, collèges et universités administrés par les Augustiniens  pour maintenir vivante la tradition et la spiritualité augustinienne.

La Commission Justice et Paix et Intégrité de la Création propose des  sessions pour sensibiliser les religieux et les laïcs qui collaborent avec eux pour relever les défis de la pauvreté et de la misère. Des modèles de sessions sont proposées aux écoles, collèges et universités. La représentation actuelle auprès des services de l’ONU est à renforcer.

Bernard HOLZER,
Augustin de l’Assomption (Manille)
Président de l’APAC