Souvenirs d’un vieux Capucin.

Quand j’arrivai à Nîmes, en 1835, il y avait encore dans le diocèse au moins quarante excellents prêtres, formés par un vieux Capucin, à qui M. Teste, l’ancien ministre de Louis-Philippe, avait cassé une jambe pendant la première Révolution. Retiré dans un hameau, où l’on n’arrivait, quand je le visitai, que par le lit d’un ruisseau et que je ne pus suivre sans me mouiller les pieds, le logement du P. Chrysostome consistait en une chambre, avec une table au milieu. Là était l’étude, la classe, la salle à manger. Le soir, le dessus de la table était enlevé, et il se couchait dans son cercueil ainsi tout préparé. Un orage emporta ses ossements dans un cimetière en pente, mais il avait formé quarante prêtres. Avec quelles ressources, dans un pays où la châtaigne était l’unique aliment des montagnards? Il les trouva, et ses jeunes séminaristes purent être ordonnés.

Lettre à l’abbé Victor Bougaud (Lettres, t. XII, p. 532).

(1) Le P. Chrysostome de Barjac, né Antoine Pellier né en 1757, décédé en 1819, resta au XIXème siècle une figure légendaire du clergé gardois au temps de la Révolution. Sa vie prit l’allure d’un véritable roman. Il prêcha comme capucin des missions dans les Cévennes, fut expulsé et mena une vie de proscrit entre 1792 et 1795, continuant son ministère tout en se cachant. Arrêté plusieurs fois, remis en liberté jusqu’à sa déportation à l’île d’Oléron d’où il réussit à s’évader en 1800. Il revint à la paroisse de Saint-Marcel-de-Careiret, passa à Aigues-Mortes en 1804 et finit curé du Chambon à partir de 1805. Il se consacra surtout au recrutement sacerdotal et ouvrit une école presbytérale qui devint en 1815 le petit séminaire de Saint-Vincent de Paul. Il mourut en décembre 1819 en odeur de sainteté.