Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 400.

20 dec 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Une explication nécessaire mais qui ne sera pas longue – L’ami et le directeur – Il m’était bon d’apprendre à ne me reposer que sur Dieu – Il n’est aucun recoin de mon âme que je ne sois prêt à vous faire parcourir le flambeau à la main – Vos lettres – La santé de Sr M.-Emmanuel et la prise d’habit de Sr M.-Vincent – Votre disposition à l’amitié envers N.-S. – Sa prochaine arrivée à Paris.

Informations générales
  • PM_XIV_400
  • 0+548 g|DXLVIII g
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 400.
  • Orig.ms. ACR, AD 555; D'A., T.D. 19, pp. 279-281.
Informations détaillées
  • 2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL
    2 MESNARD, MADAME DE
    2 PATY, ISIDORE DE
    2 SALINIS, ANTOINE DE
    3 BORDEAUX
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 SOLESMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 20 décembre 1847.
  • 20 dec 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty*
    *Sous-chef à l'administration générale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Je vous réponds à l’instant, ma chère fille. Il me semble qu’en effet une explication sera nécessaire entre vous et moi, mais, comme vous le dites très bien, elle ne sera pas très longue, si vous le voulez, surtout s’il s’agit de vous dire à quel degré est mon amitié pour vous. Comme [elle] est tout juste au plus haut où elle puisse être, je ne vois pas trop ce que vous pourrez demander de plus. Quant à la comparaison de votre attachement pour Mme de M[esnard], j’avoue que je ne puis comprendre comment une pareille combinaison a pu vous venir à l’esprit.

Mais ce que je vous dirai en même temps, c’est que vous avez eu un tort très grand de vous arrêter depuis longtemps, beaucoup trop longtemps, à de pareilles pensées. Ce n’est pas quand l’orage a grondé que je vous reproche de n’avoir pu en arrêter les ravages. Vous ne le pouviez pas, en effet, mais vous pouviez fort bien arrêter tout au commencement ces vapeurs noires de se former et de monter de votre coeur, pour vous obscurcir la vue sur ce qui était la vraie réalité. Peut-être aussi ai-je eu tort de ne pas vous faire comprendre la différence que j’ai cru devoir établir quelquefois entre l’ami et le directeur. Mais toutefois si j’ai souffert, j’ai trouvé avantage à souffrir. Vos tristesses m’ont empêché de me reposer sur vous, comme je l’aurais fait, et il m’était bon d’apprendre à ne me reposer que sur Dieu. Voyez donc, tandis que vous me reprochez le défaut, je me félicite d’avoir pu éviter l’excès, que je redoutais bien plus. Vous pouvez juger combien je suis disposé à entrer dans tous les détails que vous pourrez demander; il n’est aucun recoin de mon âme que je ne sois prêt à vous faire parcourir, le flambeau à la main. Souvenez-vous que je vous donne tout pouvoir à ce sujet, avec une complète assurance que vous n’y verrez rien qui puisse vous faire la moindre peine, pour ce qui vous concerne.

Je dois ajouter que si la main vous a tremblé au commencement de votre lettre, c’est avec une parfaite tranquillité que je vous parle d’une amitié, qui est entièrement sûre d’elle-même et qui se montrera avec bonheur, dès que vous voudrez la sonder, puisque vous avez le courage d’en douter encore.

Je vous apporterai toutes vos lettres que j’ai toutes classées, excepté les dernières que vous voudrez bien prendre la peine de classer vous-même, si le temps me manque d’ici à mon départ pour cette petite opération. Vous y verrez, je l’espère, une fluctuation dans vos dispositions qui vous expliquera, je l’espère, les motifs de mon embarras à vous parler de telle ou telle façon. Vous y verrez peut-être aussi que si j’ai un tort, c’est de ne vous avoir pas tenu toujours un langage assez ferme, au risque de vous faire souffrir d’abord. Je vous aurais ensuite épargné bien des peines.

Les nouvelles que vous me donnez de Soeur M.-Emmanuel me font bien plaisir. J’ai dit ce matin la messe pour elle, comme je vous l’avais écrit. Je serais bien heureux de la trouver debout, quand j’arriverai à Paris. J’ai répondu à Soeur M.Vincent et à vous, au sujet de la prise d’habit. La question de l’irritation plus ou moins grande de ses soeurs n’en est pas une pour moi; mais c’est à vous à voir dans l’intérêt de cette pauvre fille ce qui sera pour le mieux. Je m’en rapporte tout à fait à vous sur ce point.

J’en reviens à ce que je vous demandais au sujet de votre disposition à l’amitié envers Notre-Seigneur. Tout est là, ce me semble, pour l’âme qui veut se régénérer, et c’est pour cela qu’il faut absolument que vous rendiez de plus en plus pur cet attrait de votre coeur. Il me semble quelquefois que vous avez quelques reproches à vous faire à son égard, et que vous n’avez pas été toujours pour lui tout ce que vous auriez dû être. Si je vous fais quelque bien, ce sera surtout celui-là de vous conduire le plus près possible de notre divin Sauveur. C’est là surtout le genre de direction que je désirerais vous imprimer en ce moment. Je suis convaincu qu’il servirait à trancher pour vous bien des difficultés par la paix que vous y trouveriez comme dans son principe même.

Décidément je quitte Nîmes d’après-demain en huit, c’est-à-dire le 28. J’embrasserai ma mère à Montpellier, je verrai à Bordeaux M. de Salinis, que je voulais consulter sur diverses choses relatives à ma maison, j’embrasserai du Lac à Solesmes et je serai à Paris, du 10 au 12 janvier, autant que je puisse le présumer.

Adieu, ma chère fille. Je veux régler une foule de choses avant mon départ, et je suis forcé de faire tout très vite. A trois semaines d’ici, s’il plaît à Dieu.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum