Vailhé, LETTRES, vol.1, p.175

21 dec 1830 [Lavagnac, LA_GOURNERIE Eugène
Informations générales
  • V1-175
  • 0+056|LVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.175
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ANTIPATHIES
    1 AVENT
    1 BETISE
    1 CALOMNIE
    1 CAREME
    1 CONFESSEUR
    1 DESIR
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 FONCTIONNAIRES
    1 IMAGINATION
    1 INTEMPERIES
    1 LANGUE
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 MINISTRE
    1 PREDICATION
    1 PRESSE
    1 REPOS
    1 REPUBLICAINS
    1 SOLITUDE
    1 TEMPS DE NOEL
    1 VERTUS SACERDOTALES
    1 VICAIRE
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 GOURAUD, HENRI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MONTAIGNE
    2 PETIT, ABBE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    3 COURTEILLES
    3 LAVAGNAC
    3 MARSEILLE
    3 MONTAGNAC
    3 PARIS
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
  • A MONSIEUR EUGENE DE LA GOURNERIE (1).
  • LA_GOURNERIE Eugène
  • le 21 décembre 1830.)
  • 21 dec 1830
  • [Lavagnac,
  • Monsieur
    Monsieur Eugène de La Gournerie,
    rue du Vieux-Colombier, n° 29.
    Paris.
La lettre

Votre lettre m’arrive ce soir même, mon cher Eugène, je ne veux pas me coucher sans y avoir répondu, dussé-je rester à mon pupitre jusqu’à 1 heure du matin. Au reste, je suis bien aise de vous dire que l’imagination trompe quelquefois, et que jeudi, ou plutôt vendredi dernier, à 1 heure du matin, je n’étais pas dans mon lit, mais sur mon fauteuil, tout entier aux Essays de Montaigne. Charmant ami, vous êtes le meilleur enfant du monde, et, quoique je ne doute jamais de votre coeur, je suis ravi de toutes les assurances que vous me donnez. Cela fait du bien de temps en temps. Quand on est longtemps sans se voir, que l’on ne sait quand on pourra se parler, il faut bien un peu s’écrire que l’on s’aime.

Je désire que votre voyage à Courteille ait été… Voyez ce que c’est! En écrivant, j’ai oublié ce que je voulais vous dire. Il est bien sûr pourtant que je joignais l’idée de Courteille à celle de désir; mais quel désir? Impossible de me le rappeler. Il y a mille choses que l’on peut désirer de ce château. Mais bien précisément ce que je désirais tout à l’heure,je le chercherais jusqu’à demain et je ne le trouverais pas. Brisons sur ce.

Je n’ai pas montré votre lettre à l’abbé Combalot pour une bonne raison, c’est qu’il n’est plus ici, mais à Marseille où il prêche l’Avent. J’ai bien l’espérance que ce brave homme nous viendra voir, d’ici avant le Carême, mais je n’en suis pas positivement sûr. Au fait, je ne crois pas que le bon abbé aimât beaucoup ce que vous dites de l’Avenir. Il est devenu républicain, depuis que l’abbé a paru donner de ce côté. Enfin, je ne sais trop ce qu’il ne ferait pas pour être de l’avis du grand abbé. D’un autre côté, je crois que votre antipathie pour ce journal est un peu exagérée. Les exclamations de Gouraud ne me convertiraient pas. Je ne sais si l’Avenir est comme ces objets que l’on juge mieux de loin que de près, mais je suis loin de le gratifier du degré de bêtise dont vous êtes si prodigue envers lui. Il a des articles assommants, celui d’hier par exemple sur les ministres, mais il en a d’autres qui ne sont pas dépourvus d’intérêt. Etes-vous bien sûr qu’ils prennent pour argent comptant les éloges du National?

Si vous voulez un bon confesseur, je puis vous en enseigner un excellent. Quoique je ne le sache pas par expérience personnelle, je ne suis pas moins sûr de lui. C’est M. l’abbé Petit, supérieur du petit collège Stanislas. Je connais des personnes qui en ont été enchantées. Ce n’est point peut-être un homme tout à fait dans les doctrines. Mais aujourd’hui, qu’est-ce que les doctrines? Peut-être les fêtes de Noël auront-elles hâté votre choix. S’il n’est pas fait je vous engage de vous en rapporter à moi. Des personnes très pieuses et dignes de toute confiance m’ont assuré qu’on trouvait rarement réunis à un si haut degré l’esprit sacerdotal, la charité pour les pécheurs et la connaissance du coeur humain.

J’ai un peu mal aux reins. Avec votre permission, je vais gagner mon lit.

Mercredi 22.

Je reprends ma lettre, mon cher Eugène, environ vingt-quatre heures après l’avoir suspendue. J’ai été toute la journée empêché par des visites; comme demain elles pourraient se renouveler, je ne veux pas m’exposer à un plus long retard. Depuis longtemps nous sommes assez solitaires, pour une bonne raison, c’est qu’il fait plus froid et que personne ne sort de chez soi. Ensuite, nous sommes surveillés. On a fait courir les bruits les plus atroces. sur le vicaire de notre paroisse et, par suite, mon père ct quelques principaux habitants avaient été assez gravement inculpés. Pour mettre ordre à tous ces bruits, on a fait venir un commissaire, qui remplit les fonctions de maire et qui espionne tous les gens accusés. Heureusement que l’autorité se convainc tous les jours que les dénonciateurs n’ont inventé que des calomnies. Malgré cela nos voisins, chacun dans leur intérêt, sont un peu plus restés chez eux. Après tout, je n’en étais pas fâché. Vous savez ce que c’est que certaines visites campagnardes, où l’on est obligé de garder les gens, sans savoir que dire ni que faire pour les divertir et pour se désennuyer. Oh! la mortelle chose que ces visites là! Comme elles vous font bien apprécier, par comparaison, le charme de ces visites amicales, qui dans ce pays-ci sont presque nulles pour moi! Je ne sais si je pourrai les reprendre bientôt, car probablement tout cet hiver je le passerai ici sur les livres, que j’ai bien besoin de fouiller pour me fortifier. J’apprends l’allemand et je ne voudrais pas retourner à Paris sans le savoir couramment.

Que faisiez-vous le vendredi (sic) 22 décembre(2), à 11 heures moins vingt minutes? Moi, j’étais en train de vous écrire.

Adieu, mon cher Eugène. Ecrivez-moi. Donnez-moi des détails sur ce que vous faites, sur ce que vous entendez. Vos lettres me font toujours grand plaisir, et les parties que j’en lis à ma mère et à mes soeurs leur plaisent toujours beaucoup. Vous ne sauriez croire l’envie que ma soeur aînée a de vos vers; elle m’en demande toujours, et je ne la satisfais que par des promesses réitérées de vous prier de nous faire part de votre verve. Adieu. Je vous aime de tout mon coeur.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Notes et Documents*, t. Ier, p. 166.2. Le 22 décembre 1830 n'était pas un vendredi, mais un mercredi, ainsi que Emmanuel l'avait, du reste, écrit quelques lignes plus haut.