Vailhé, LETTRES, vol.1, p.481

11 jan 1834 Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-481
  • 0+154|CLIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.481
Informations détaillées
  • 1 CHAPELET
    1 DEPENSES
    1 ENCYCLIQUE
    1 LIVRES
    1 PARENTE
    1 POLITIQUE
    1 SOUTANE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TURCS
    1 VETEMENT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOYAGES
    2 ALZON, EDMOND D'
    2 ALZON, JEAN-CHARLES D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 CRISPINE, SERVANTE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LESTANG, FAMILLE D'ALZON DE
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 FRANCE
    3 LESTANG
    3 MARSEILLE
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE DES PLANCHES
    3 PEZENAS
    3 ROME
  • A SON PERE (1).
  • ALZON_VICOMTE
  • le 11 janvier 1834.
  • 11 jan 1834
  • Rome,
La lettre

Mon cher petit père,

Il y a plusieurs jours que je ne vous ai écrit, et cependant je n’ai guère de temps à moi. Je travaille assez depuis quelque temps et je suis bien dans la nécessité de le faire, si je veux profiter de mon séjour à Rome. Je ne sors que fort peu et je ne fais pas le dixième des courses de M. Gabriel. Cependant, je ne sais comment il se fait que je n’ai pas un instant de libre. Je me suis borné aux visites strictement nécessaires, c’est-à-dire aux personnes qui peuvent m’être utiles pour mes études. Vous voyez que je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Je n’ai pas, non plus, celui que je voudrais pour causer avec vous tout à mon aise. Vous me pardonnerez donc cette lettre si courte. Vous y verrez une preuve de bonne volonté: celle-là, je vous assure, ne manque pas.

On m’a dit qu’il y avait eu du trouble à Paris et à Marseille. Je vous conjure de me tenir au courant de ce qui en est. Vous ne sauriez croire combien la pensée d’être loin de vous m’est insupportable, lorsque je pense qu’il y a quelque danger à être en France. Je suis moins inquiet pour ma mère. Quand Paris serait en combustion, je m’en effraierais peu, parce qu’une famille dans un quartier tranquille n’est rien. Je suis assez fâché qu’elle n’ait pas continué à rester dans la rue de la Planche, cette rue étant au bout du monde et la dernière de Paris où l’on eût à craindre.

L’abbé Gabriel devient de plus en plus content de son séjour à Rome. Depuis qu’il a vu le P. Ventura, avec lequel il s’est lié assez intimement, il passe les jours les plus heureux. Je vous ai déjà dit que j’allais le (le P. Ventura) voir quelquefois. Quand nous serons ensemble, je vous dirai des choses qui ne s’écrivent pas. Il est bien nécessaire de prier pour l’Eglise. On ne se fait pas une assez juste idée des périls auxquels elle est exposée. Je me convaincs de plus en plus que l’abbé Féli est une victime de la politique, mais je ne crois pas que la politique qui l’a immolé triomphe longtemps. Il y a un remue-ménage qui prépare de grandes choses. J’ai écrit une assez longue lettre à ma tante Rodier. Je ne sais si elle vous en aura fait part. Il est sûr que l’on voit ici des choses fort extraordinaires.

En arrivant à Rome, j’ai été obligé de faire quelques dépenses inévitables. J’ai été obligé de faire faire un manteau, une soutane, et autres choses, dont je ne m’étais pas pourvu en France, pour ne pas me surcharger de bagages. Par exemple, je me suis donné une pelisse contre le froid.

On prétend qu’à Rome il est malsain de se chauffer. Comme j’avais froid, j’ai acheté une quasi pelisse turque, toute neuve et qui me tient très chaud; elle m’a coûté quarante et un francs. Voilà la seule dépense de fantaisie que j’aie faite, et encore n’en est-ce pas une, puisque j’ai dans la maison cette pelisse toujours sur les épaules. J’ai été obligé, comme de raison, d’acheter quelques livres. Autrement, je n’ai acheté ni gravures ni mosaïques, comme mes compagnons de voyage, et je ne sais comment il se fait que j’aie déjà dépensé mille francs. Je pense que maintenant que j’ai ce qu’il me faut, mes dépenses seront moins considérables. Je n’en prévois qu’un de 100 francs: c’est un livre indispensable. Voilà le compte-rendu de mon budget. Cependant, il faut vous avouer que je ne puis pas me rappeler toutes mes dépenses. Il en est de même de M. Gabriel qui se trouve avec un déficit de 100 francs, sans savoir où ils ont passé. Ce sont de ces leçons qui apprennent aux voyageurs à avoir leurs clés dans leurs poches.

J’ai vu, ces jours derniers, le P. Olivieri, qui m’a assuré que l’on pouvait professer toutes les opinions de l’abbé de la Mennais, sans manquer en rien à la soumission due à l’encyclique. Mais je crois vous avoir déjà écrit cela. J’ai l’occasion de donner des nouvelles de Rome soit à vous, soit à ma mère, soit à M. Vernière, et puis j’oublie à qui j’ai dit telle ou telle chose, encore que je sois toujours à craindre de répéter.

Je vous prierai de faire jeter la lettre ci-jointe à la poste, à Pézenas, après l’avoir cachetée. C’est une réponse en quelques mots à une lettre au P. Ventura. Je vous prie de me rappeler au souvenir de la famille d’Alzon, de Lestang, et de me faire savoir des nouvelles d’Edmond. Vous direz à Crispine que, puisqu’elle dit tant de chapelets pour moi, je lui en enverrai un bénit de la main du Pape.

Adieu, mon cher petit père. Je vous embrasse bien tendrement. Encore une fois, donnez-moi des nouvelles de l’état où l’on est, mais des nouvelles positives, sans quoi je ne reste pas à Rome. Sinon, je crois qu’un séjour de deux ans ici me fera grand bien, mais que je n’aurai pas besoin d’y rester davantage.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir un extrait dans *Notes et Documents* t. Ier, p. 402.