Vailhé, LETTRES, vol.1, p.775

18 jan 1835 [Rome, BONNETTY Augustin
Informations générales
  • V1-775
  • 0+236|CCXXXVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.775
Informations détaillées
  • 1 CHAPELLE
    1 CORPS
    1 ENFANTS
    1 MORT
    1 PAPE
    1 PRETRE
    1 RESPECT
    1 SAINTS
    1 SENTIMENTS
    1 TOMBEAU
    2 ALZON, HENRI D'
    2 EUTYCHIE, SAINTE
    2 GEMELOS
    2 RASPAIL, FRANCOIS
  • A MONSIEUR BONNETTY (1).
  • BONNETTY Augustin
  • le 18 janvier 1835.]
  • 18 jan 1835
  • [Rome,
La lettre

J’assistai l’autre jour à la translation de quelque corps saints, que l’on déterra dans les catacombes. J’ai pensé que vous liriez avec plaisir quelques détails sur ce qui se passa à cette occasion.

Toutes les fois que les ouvriers qui sont chargés de faire des fosses ont découvert un certain nombre de tombeaux, ils font prévenir, soit le cardinal vicaire, soit l’évêque sacriste(2) du Pape qui commet à cet effet quelques prêtres, pour faire procéder à l’enlèvement de ces corps avec la décence et le respect convenables. Cette fois, c’était un religieux de l’Ordre de Saint-Augustin(3), qui fut chargé de procéder à l’extraction des ossements, et j’obtins de l’accompagner.

La catacombe que nous visitâmes d’abord n’a été que récemment l’objet des recherches, et elle peut donner une idée de la manière dont les chrétiens cachaient les issues par lesquelles ils pénétraient dans les lieux de leurs réunions. Dans une vigne et sous une vieille muraille, nous trouvâmes cachée parmi des broussailles une ouverture, à laquelle venait aboutir un escalier très rapide, par lequel nous descendîmes dans des allées longues et étroites, garnies à droite et à gauche de sépulcres vides. Mais vers le fond nous trouvâmes trois tombeaux, que l’on reconnut appartenir à des martyrs, soit à la palme gravée sur la pierre qui ferme le sépulcre, soit à un petit vase de terre dans lequel on avait mis du sang du martyr. Toujours les chrétiens avaient la précaution de placer un de ces indices dans les tombeaux qui renfermaient les corps de leurs frères qui avaient rendu par leur sang témoignage à la foi.

Quand les ossements ont été dans un lieu humide, ils sont ordinairement tous très bien conservés, quoique un peu ternis; mais quand ils se sont trouvés dans un lieu très sec, alors ils sont à la vue d’une éclatante blancheur, mais ils tombent en poussière à mesure qu’on les touche.

Les tombeaux de cette première catacombe ne portaient pas d’inscription. Mais nous allâmes dans une seconde, beaucoup plus belle à cause de la hauteur des allées et du nombre des chapelles. Après avoir marché sous terre, au milieu d’excavations faites dans les parois des murs, excavations dont la grandeur indiquait celle du corps qu’elles avaient contenu, et parmi lesquelles nous en vîmes qui avaient servi à des enfants d’un an et au-dessous, nous arrivâmes à deux tombeaux, fermés chacun par une pierre de marbre. Sur une de ces pierres était en lettres grecques […..], Gemelos, et sur l’autre le mot [……] Eutychia

Les os de sainte Eutychie étaient bien conservés, mais ils tombaient en poussière quand on les touchait: elle devait être avancée en âge à sa mort, car il lui manquait quelques dents, si toutefois on ne les lui avait pas brisées dans son martyre. Il y avait sous sa tête un tube de verre, dans lequel était renfermée une partie de son sang. A ses pieds étaient les ossements de deux autres martyrs, qui probablement avaient été exposés au cirque et dévorés par les bêtes. Car on voyait avec évidence que leurs ossements avaient été brisés avant d’être apportés en ce tombeau: les têtes étaient séparées des corps. Ce fut moi qui les déposai dans les caisses que l’on avait apportées pour les recevoir. Vous ne sauriez croire quels sentiments j’éprouvai, en tenant entre mes mains ces têtes. de martyrs de notre primitive Eglise. Leur sang, qu’on avait recueilli après leur mort et que l’on avait répandu dans le tombeau, avait tellement rougi la terre, qu’on distinguait sans peine qu’il avait été versé dans une mort violente. Mes mains en étaient imprégnées…

Notes et post-scriptum
1. Publiée sans signature dans les *Annales de philosophie chrétienne* janvier 1835, p. 78 sq., avec ces quelques mots d'introduction: "Nous croyons que nos abonnés liront avec plaisir les détails suivants, extraits de la lettre qu'un de nos amis écrit de Rome, sous la date du 18 janvier 1835." Nous avons encore la lettre de Bonnetty, du 15 mars 1835, par laquelle il remercie l'abbé d'Alzon de son envoi: "J'ai à vous annoncer le succès qu'a obtenu votre lettre de Rome, insérée dans les *Annales* du mois de janvier. Huit ou dix journaux l'ont reproduite: le *Journal des villes et des campagnes*, l'*Univers*, la *Quotidienne*, le *Temps*, le *Réformateur*, journal de Raspail, et puis presque tous les journaux des départements qui vivent des bribes de ceux de Paris. Ainsi continuez à me donner de ces détails archéologiques, lorsque vous en trouverez occasion..." Cette lettre de l'abbé d'Alzon revient en bonne partie à celle qu'il avait écrite la veille à sa soeur.1. Publiée sans signature dans les *Annales de philosophie chrétienne* janvier 1835, p. 78 sq., avec ces quelques mots d'introduction: "Nous croyons que nos abonnés liront avec plaisir les détails suivants, extraits de la lettre qu'un de nos amis écrit de Rome, sous la date du 18 janvier 1835." Nous avons encore la lettre de Bonnetty, du 15 mars 1835, par laquelle il remercie l'abbé d'Alzon de son envoi: "J'ai à vous annoncer le succès qu'a obtenu votre lettre de Rome, insérée dans les *Annales* du mois de janvier. Huit ou dix journaux l'ont reproduite: le *Journal des villes et des campagnes*, l'*Univers*, la *Quotidienne*, le *Temps*, le *Réformateur*, journal de Raspail, et puis presque tous les journaux des départements qui vivent des bribes de ceux de Paris. Ainsi continuez à me donner de ces détails archéologiques, lorsque vous en trouverez occasion..." Cette lettre de l'abbé d'Alzon revient en bonne partie à celle qu'il avait écrite la veille à sa soeur.
2. Les *Annales* ont imprimé évêque secrétaire.
3. L'évêque sacriste ou curé du palais du pape étant toujours un religieux Augustin, on comprend qu'il déléguât de préférence ses confrères pour procéder à la reconnaissance des corps.