Carême 1849. Cathédrale.

Informations générales
  • TD51.164
  • Carême 1849. Cathédrale.
  • 1. DIEU.
  • Orig.ms. BN11, pp. 222-227 et CS 104; T.D. 51, pp. 162 et 164-168, et T.D. 46, p. 271.
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 CHRETIEN
    1 CREATURES
    1 DIEU
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 VERITE
    2 ATHANASE, SAINT
    2 MOISE
  • mars-avril 1849
  • Cathédrale de Nîmes.
La lettre

Dieu être. Etre parfait. Plénitude de l’être. Etre infini, être incompréhensible, de là le mystère. Le moyen de saisir Dieu, la foi. Développer cet enchaînement.

Omnia in ipso sunt, ipsa vita divina.

Péroraison. Etre infini, on ne l’atteint que par la foi; bien suprême, toutes les créatures le désirent, mais la foi seule donne le moyen de le posséder; pureté de la préparation pour l’approcher. Dieu terme de toute créature; pureté, perfection de la créature qui tend vers lui. On ne tend pas vers Dieu, parce qu’on ne veut pas être pur.

Tous les hommes cherchent le bonheur. Le bonheur vrai n’est que dans une chose immuable, donc il n’est qu’en Dieu. Haec est enim vis verae divinitatis, ut creaturae rationali jam ratione utenti, non omnino ac penitus possit abscondi, et le reste. St Aug. tract. 106 in Joan.

Vivre, comprendre, être heureux est l’être même de Dieu. Vivere, intelligere, beatum esse, hoc est illi esse. S. Aug. De Civ. Dei lib. 8, cap. 6.

Lumen autem mentium esse dixerunt ad discenda omnia, eumdem ipsum Deum a quo facta sunt omnia, id. ibid. lib. 8, cap. 7.

Deus est… principium nostrum, lumen nostrum, christiani… Deo cognito, repererunt ubi esset causa constitutae universitatis, et lex percipiendae veritatis, et fons bibendae felicitatis. S. Aug. ibid., c. 10.

Deus homini… loquitur ipsa veritate, si quis sit idoneus ad audiendum mente, non corpore.

Sed quia ipsa mens, cui ratio et intelligentia naturaliter inest, vitiis quibusdam tenebrosis et veteribus invalida est, non solum ad inhaerendum fruendo, verum etiam ad perferendum incommutabile lumen, donec de die in diem renovata, atque sanata, fiat tantae felicitatis capax, fide primum fuerat imbuenda, atque purganda(1). In qua ut fidentius ambularet ad veritatem ipsa veritas, Deus, Dei Filius, homine assumpto, non Deo consumpto, eamdem constituit, atque fundavit fidem, ut hominis ad Deum iter esset homini per hominem Deum. Hic est enim mediator Dei et hominum, homo Christus Jesus. Per hoc enim mediator, per quod homo per hoc et via. Quoniam si inter eum qui tendit, et illud quo tendit, via media est, spes est perveniendi: si autem desit, et aut ignoretur qua eundem sit, quid prodest nosse quo eundem sit? Sola est autem adversus omnes errores via munitissima, ut idem ipse sit Deux et homo: quo itur, Deus; qua itur homo. De civ. Dei, lib. 11, cap. 2. ibid. lib. 11, cap. 2.

Credendum… totumque quod Deus colitur, homini prodesse, non Deo.

Quand il s’agit de Dieu, il ne faut pas rejeter certaines choses incompréhensibles; s’il n’y en avait pas, l’idée que l’on se fait de Dieu serait fausse.

Conclusion, voulez-vous fortifier votre foi, domptez votre chair.

Deum supra omnem existentiam, supra omnem vitam, supra omnem intelligentiam credimus esse. Scot.

Selon les anciens Pères, aucune de nos idées sur Dieu n’est applicable à Dieu. Dieu est le principe, il est un axiome, il échappe à toute démonstration; on explique, on ne démontre pas l’existence de Dieu.

Un Dieu compris ne serait pas un Dieu. St Athan.

Dieu n’est pas sage, mais c’est la sagesse; il n’est pas puissant, il est la puissance infinie; il n’est pas aimant, il est l’amour infini.

Il n’a pas de cause, il subsiste par lui-même.

Magnum animal mundus, voilà la formule du panthéisme païen.

DIEU

Le voyageur qui arrive aux rivages du nouveau monde et en parcourt les plages, est souvent arrêté par ces fleuves immenses qui vont porter leur tribut à l’océan. Il peut, s’il veut pénétrer à l’intérieur des terres, prendre ces fleuves mêmes pour guides, jusqu’à ce que remontant son cours il arrive à quelqu’un de ces sommets sublimes d’où son oeil découvre un horizon sans bornes.

Mais celui qui est né dans ces climats et qui depuis son enfance connaît l’intérieur des terres, doit suivre une route tout opposée, partir des sources mêmes de ces rivières et descendre vers l’océan, porté doucement sur son embarcation qu’entraîne le courant des eaux.

L’un et l’autre parcourent les mêmes rives, mais en deux sens divers, et avec une fatigue différente aussi. L’étude de la vérité, mes frères, offre deux méthodes d’investigation analogues. L’homme qui sort de la nuit du doute peut remonter de vérité en vérité, et comme de flot en flot, jusqu’au dernier principe, et là sa vue s’étend, et il contemple avec ravissement les horizons de l’infini.

Le chrétien, au contraire, qui a bu dès sa première respiration à la source de la foi, dont la vérité est la patrie, peut aussi vouloir explorer l’empire auquel il appartient, et pour cela il n’a qu’à se placer sur le courant même de la doctrine révélée qui le conduit doucement et sans efforts, de rive en rive, jusqu’aux limites de ces questions où la foi s’arrêtant la liberté des opinions commence.

Chargé par Monseigneur, bien malgré moi, de vous évangéliser pendant cette quarantaine, dès que j’ai vu l’impossibilité de décliner un pareil fardeau, j’ai dû chercher par quel moyen je pourrais vous être le plus utile, et voulant aborder devant vous quelques-uns des grands problèmes religieux, je me suis demandé quelle méthode vous serait la plus profitable. Je n’avais pas à hésiter, vous êtes tous chrétiens, vous avez la foi, je n’ai donc pas à vous prouver le christianisme, mais à vous l’expliquer. Mon enseignement ne sera donc pas une démonstration, mais une exposition. Je tiens dès le commencement à bien fixer le plan de mon travail, la raison de ma marche, ma méthode de procéder.

La première méthode peut être plus philosophique, plus utile dès lors à ceux qui doutent ou qui nient, mais(2) pour le chrétien qui croit déjà la seconde me paraît bien plus féconde en résultats et bien plus consolante en fruits. C’est celle que je me propose d’adopter. Nous parlerons de Dieu, nous examinerons quelques-uns des mystères de sa nature avec une frayeur respectueuse et un respectueux amour. Nous suivrons le plan de ses volontés dans la création, l’homme, le péché, la réparation, la réconciliation du ciel et de la terre en J.-C., et la société établie entre Dieu et les hommes par le Sauveur. Arrivés là, nous comprendrons qu’il ne s’agit pas seulement de croire, qu’il faut encore pratiquer, et vous nous permettrez d’exciter votre ferveur si elle s’éteint, de réveiller vos remords s’ils sont endormis, de vous forcer à être chrétiens et enfants de Dieu, à être dignes de votre vocation(3).

J’avais d’abord voulu interroger les circonstances actuelles et aborder les questions religieuses le plus en rapport avec l’état présent des esprits, mais j’en ai été détourné par cette pensée que plus le chrétien vit au milieu de bouleversements extérieurs, plus il est entouré de ruines, plus il est menacé de catastrophes nouvelles, et plus en certains moments solennels il doit, se rappelant ce qu’il est et d’où il vient, s’élever à l’aide de la foi et de la méditation, et retremper son âme dans la sphère supérieure de l’éternelle et immuable vérité.

Ainsi lorsque les airs s’agitent et que la foudre commence à gronder, on voit l’aigle s’élancer des rochers de sa solitude, fixer son oeil sur le soleil, et, dans la force de ses puissantes ailes, planer immobile au-dessus des régions de la tempête et de l’orage(4).

Pour remplir cette tâche, j’ai besoin, Monseigneur, de me rappeler vos ordres et mon obéissance, dont je suis heureux de vous donner ce témoignage public. J’ai besoin de réclamer la charité des vénérables vieillards de ce sanctuaire, dont l’édifiante assiduité à la prière publique m’obtiendra les grâces qui me manquent. J’ai besoin de me rappeler, mes frères, l’indulgence avec laquelle vous m’avez écouté en d’autres circonstances. Mais il me faut d’autres appuis encore, et je vous conjure de les réclamer avec moi de celle que nous sommes si fiers d’appeler notre mère. C’est sous votre patronage, ô Marie, que je place les travaux de ce carême. C’est à vous que je demande que mes forces ne défaillent pas, que ma faiblesse ne soit pas un obstacle à l’illumination des aveugles, à la guérison des paralytiques, à la résurrection de ces morts peut-être si nombreux au pied de cette chaire. Etendez votre main bénie vers mes lèvres; faites-en jaillir la lumière qui éclaire, la flamme qui réchauffe; faites-en couler aussi l’onction qui touche, la force qui renverse, la grâce qui convertit. Ave, Maria.

Première partie.

Moïse au désert voit le buisson ardent. Vadam et videbo – ne appropinquas. Qui êtes-vous? Ego sum qui sum. – qui est misit me ad vos.

Dieu se définit: Celui qui est. Est-ce que nous ne sommes pas? Est-ce que le monde, l’univers n’est pas? Si, mais il a réçu l’être; Dieu ne l’a reçu de personne.

Est-ce que nous ne sommes pas? Nous ne sommes qu’en partie. Dieu est tout entier. Principe de tout être, il possède le pouvoir que tous les êtres possibles soient. Il a la plénitude de l’être, car il est constamment et toujours tout ce qu’il peut être; il ne perd pas son être. L’homme perd son existence: tantôt il est d’une façon, tantôt d’une autre. Effroi que l’homme éprouve, quand il voit son existence s’en aller par morceaux; en Dieu il n’en est pas ainsi, s’il a la plénitude de l’être, il est infini.

Quels horizons! Infini dans la durée, éternel.

Infini dans l’espace. Immense.

Et pourtant essentiellement simple. Ne le comparez pas à notre esprit, il est infini en perfection, infini en bonté.

Justice. – La loi, le droit, leur notion il faut la chercher en lui. La bonté, qu’est-ce qui sera bon sinon l’être? et qu’est-ce qui sera meilleur que l’être infiniment parfait? – Toute créature le cherche en tant que bien; par sa puissance il est le principe dont tout sort, par sa vérité le foyer par lequel tout ce qui connaît a l’intelligence de son être, par sa bonté il est le centre vers qui tout converge par le désir invincible du bonheur.

Dieu. – Mais est-il inaccessible à l’homme?

Deuxième partie.

Mais est-il inaccessible?

Infini, donc incompréhensible. – Vains efforts. – Que faire? – La foi.

Dieu se révèle: Sic Deus dilexit mundum, ut omnis qui credit… – Le Fils est l’auteur, il donne à l’âme la force de croire, comme le médecin à l’oeil malade la force de voir.

Mais l’homme a besoin de faire un effort, Quicumque vult accedere ad Deum, oportet credere quia est. Effort de soumission, d’humilité, d’abaissement. Dieu se proportionne à nous, mais il faut l’accepter.

Mais Dieu est infiniment parfait, il est le bien par excellence. – Et l’homme ne le veut pas en tant que Bien, il se fait un bien à lui, bien faux, qui est l’erreur, bien qui est le mal, la souillure.

Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum…

Les deux préparations: la foi et la pureté. Préparation des philosophes antiques.

Notes et post-scriptum
1. Dans le ms suit une croix (x) à laquelle correspond, deux lignes plus loin, une autre croix suivie de nos deux derniers mots *atque purganda* et de la suite du texte. Comme nous le demande ainsi l'auteur, nous réunissons ici ces deux parties du texte, séparées dans le cahier par une autre citation.
2. Ici les T.D. (t. 51, p. 167) indiquent *inachevé*. Cependant la suite du texte se trouve dans le ms CS 104. Ce ms est constitué de feuilles séparées de nature diverse agrafées ensemble sous une seule et même cote d'archive. L'une de ces feuilles commence par les mots sur lesquels notre texte est resté suspendu, à savoir *ou qui nient mais*. Elle a d'ailleurs été transcrite en T.D. 46, p. 271, sous le titre "fragment d'un début de carême à la cathédrale de Nîmes" (dans cette banque de données = document D00923). Nous la remettons ici dans son contexte.
3. Au milieu de la feuille séparée faisant partie du ms CS 104, on lit: *J'avais d'abord. Voir introduction*. - Ceci nous renvoie à la p. 222 de notre cahier, juste avant le sermon sur "Dieu" que nous sommes occupés à reproduire. A cet endroit, sous le titre "*Introduction* au carême 1849 - cathédrale", se trouve un texte commençant par *J'avais d'abord*. Il est précédé de 7 et suivi de 13 lignes barrées. Ne disposant plus d'assez de place pour l'achever, le P. d'Alzon l'a continué sur une feuille volante qui a fini par se trouver séparée du reste. Nous intercalons ici, à la place qui lui revient, ce bout d'introduction.
4. Fin du texte de BN11 p. 222 (T.D. 51, p. 162) et retour à CS 104 (T.D. 46, p. 271) pour un dernier paragraphe (jusque *Ave Maria*).