La chère présence des disparus.

Merci de votre bonne lettre. Laissez-moi vous dire tout simplement où j’en suis. Les douleurs où je voyais ma mère me faisaient désirer qu’elles eussent un terme. Depuis je m’entretiens avec elle, je sais qu’elle m’entend, et, privé comme je l’étais si habituellement de sa présence, la mort semble me l’avoir au moins rapprochée de moitié.. Peut-être j’aime plus la solitude, ce qui m’était déjà venu à la mort de ma soeur et ce qui augmente un peu tous les jours. C’est de l’égoïsme, mais je vous dis ce qui est. Je suis bien avec des âmes que la foi me montre dans un monde meilleur ou prêtes à y entrer. Je n’ai jamais mieux compris le bonheur d’être prêtre et religieux par les prières que l’on veut bien donner à ces pauvres et chères âmes, et puis l’honneur de souffrir dans sa famille au moment où la grande famille chrétienne souffre tant, c’est bien quelque chose quand l’amour de l’Eglise n’est pas un vain mot. La personne avec qui je me console le mieux de la mort de ma mère, c’est avec elle. Si vous saviez ce que j’ai éprouvé quand, après vous avoir écrit et à quelques autres personnes, je rentrai dans sa chambre pour lui demander pardon de toutes les douleurs que je lui ai causées et que j’allai baiser cette main qui m’avait tant soigné! Il y avait de l’amertume, sans doute, mais enfin nous ne sommes pas comme ceux qui manquent d’espérance.

Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres, t. III, p. 325).

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