MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0310
  • MEDITATIONS
  • PREMIERE MEDITATION NECESSITE DE LA SOLITUDE POUR BIEN FAIRE LA RETRAITE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CORRUPTION
    1 EFFORT
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPRIT ETROIT
    1 FOI
    1 GRANDEUR MORALE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HOMME DE PRIERE
    1 HUMILITE
    1 IDEES DU MONDE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DU PARDON
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PARDON
    1 PAUVRETE SPIRITUELLE
    1 PECHEUR
    1 PERSEVERANCE
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATION
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 SOLITUDE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 VERTUS
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE SPIRITUELLE
La lettre

[[Et erat pernoctens in oratione Dei. Il passait la nuit en prière.]] (Luc. VI, 12).

Quel plus beau modèle que celui de Jésus-Christ préparant sa vie évangélique dans la solitude, pour le religieux qui se dispose à devenir, et parfait, et apôtre !

Aussi, résolus comme nous le sommes à prendre le divin Maître pour modèle, comme lui entrons dans cette nuit de la retraite, de la méditation, du silence, de la pénitence, de l’étude de nos devoirs, et essayons d’y embraser nos coeurs de ce feu qui, dans ses extases, embrasait le Psalmiste quand il disait : [[ Et in meditatione mea, exardescet ignis; mon coeur s’enflamme dans la méditation. ]] (Ps. XXVIII, 5).

Quels sont les caractères de la solitude?

1° Séparation : [[ Exiit in montem, il alla sur la montagne.]] 2° Séparation pour s’élever : [[ Exiit in montem orare, il alla prier sur la montagne. ]] 3° Veille: [[ Et erat pernoctans, et il passait la nuit. ]] 4° [[ In oratione Dei, dans la prière de Dieu. ]] Qu’est-ce que cette prière de Dieu?

I. — Séparation

1° Je dois me séparer: de quoi? De ma vie ordinaire, de mes idées, de mes habitudes. — Ah! quel combat, si ces habitudes sont invétérées, si mes idées font, en quelque sorte, partie de mon âme. On ne sait pas assez le mal que font à l’âme religieuse des idées honnêtes, mais purement naturelles. Or, qu’il est facile de tomber dans ces idées-là, si un aiguillon ne vient nous relever, et qu’il est important de se rendre compte de l’obligation où cette âme religieuse se trouve de se séparer entièrement de tout l’ordre des pensées auxquelles elle s’est abandonnée, comme moyen de justifier, à ses propres yeux, une foule de défaillances indignes de la perfection à laquelle Dieu l’appelle depuis longtemps.

2° Elle doit se séparer de ses habitudes. — Toute retraite est l’introduction dans un monde nouveau. J’aurais fait, depuis un an, de très grands progrès, que j’aurais encore à en faire; mais certaines habitudes molles, flasques, n’ont-elles pas mis une barrière entre mes résolutions d’autrefois et ma routine d’aujourd’hui? Jésus-Christ s’en alla. Il vivait certes d’une manière assez parfaite, et la retraite n’avait rien à lui ajouter, mais il me voulait donner l’exemple. Et il s’en va. Ah! que cette séparation est rude pour qui n’a pas ‘amour vrai de la solitude et des communications divines, dont elle est la source!

3° Je dois me séparer de mes affections. — Ah! oui, le Prophète s’écrie : [[ Redite, prevaricatores, ad cor : pécheurs, rentrez dans votre coeur. ]] (Is. XLVI, 8.) Et c’est pour moi, quelquefois, un sujet de remords. Ah! suis-je bien libre au plus intime de mon ceur? N’ai-je aucune chaîne? aucune imperceptible attache? Et qu’il importe d’étudier la mesure dans laquelle je dois couper, briser, retrancher, afin que, au lieu d’affections indignes de Dieu, je ne me préoccupe que de Lui, et que toutes mes affections passent très uniquement par Lui, et se reposent en Lui seul!

II. — Elévation

1° [[ Exiit in montem, il alla sur la montagne. ]] J’aborde, dès aujourd’hui, un point sur lequel j’aurai souvent à revenir. Qui veut s’approcher de Dieu doit s’élever des bas-fonds de la plaine, souvent empestée, vers la pure atmosphère de la montagne. De quoi se nourrissent trop de chrétiens? De pensées viles, basses, grossières, vulgaires, intéressées. Hélas ! voilà en deux mots la pâture habituelle de personnes à pratiques pieuses, mais sans vraie piété, de prêtres honorables, s’ils n’étaient que des hommes du monde, mais sans aucune sainteté. Tout cet ensemble de personnes honnêtes perdent, après tout, la religion, par l’étroitesse de leurs idées, par le vulgaire de leurs sentiments, par la complaisance de leurs habitudes, j’allais dire de leurs moeurs, qui n’ont rien de coupable, mais n’ont aussi rien d’édifiant.

Est-ce la masse des chrétiens et des prêtres séculiers qui en est là? Cette vulgarité n’a-t-elle pas pénétré le cloître? Les religieux font-ils toujours et tous effort pour monter?

Question désolante! Car pourquoi ai-je voulu aborder la vie de perfection si je ne veux pas m’élever sans cesse au-dessus de moi-même? J’entre en retraite pour m’élever. Il faut qu’on puisse dire de moi : [[ Levavit se super se, il s’est élevé au-dessus de lui-même. ]] Et quels sentiments plus élevés prendrai-je? Rien de plus facile.

L’Apôtre ne dit-il pas à tous les chrétiens : [[ Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu ; ayez en vous les sentiments de Jésus-Christ. ]] (Phil. II, 5). Les sentiments, les idées, les jugements de Jésus-Christ, voilà vers quoi je dois m’élever sans cesse.

2° Saint Augustin fait observer que, en bien des passages des Livres Sacrés, la montagne sainte n’est autre que Jésus-Christ lui-même, considéré comme Dieu; de façon qu’on peut dire que, quand il allait vers la montagne, c’était son humanité qui entrait en communication en quelque sorte plus intime avec la Divinité; il en est, à plus forte raison, de même pour moi: je dois aller à cette montagne sainte qui est Jésus-Christ.

[[ Domine, quis habitabit in tabernaculo tuo aut quis requiescet in monte sancto tuo ? Qui ingreditur sine macula. Seigneur, qui entrera dans votre Tabernacle et se reposera sur votre montagne sainte? Celui qui sera sans tache. ]] (Ps. XIV, I). La purification des souillures doit se faire par la séparation d’avec les idées, les habitudes, et les affections humaines; il faut quelque chose de plus : il faut prendre des sentiments, des idées, des habitudes divines.

Mais s’il faut faire effort pour se séparer, il faut encore faire effort pour monter. Là commence une autre fatigue : [[ Corpus quod corrumpitur aggravat animam, et terrena inhabitatio deprimit sensum multa cogitantem ~ le corps corrompu alourdit l’âme, et cette demeure terrestre abat l’esprit par la multiplicité des soucis qui l’agitent.]] (Sap. IX, 15). Tout homme en est là. Or, si je veux monter, il me faut donner à mon âme la vigueur nécessaire pour combattre la corruption de mes sens et pour aller courageusement jusqu’à donner cette habitation terrestre de mon âme qui en déprime le sens surnaturel. Seigneur, que je sois assez maître de mes dispositions; par votre grâce, pour monter, pendant cette retraite, et ne plus jamais descendre dans la terre des morts!

III. — Prière d’humilité

[[ Exiit in montem orare, il alla prier sur la montagne.]] — La retraite implique deux espèces de prières; considérons d’abord la première : la prière du pauvre, de l’indigent, du pécheur.

Jésus-Christ — de qui saint Paul dit: [[ Quum esset dives, propter nos egenus factus est; il était riche, il s’est fait pauvre pour nous ]] (Il Cor. Vlll, 9) ; et Isaïe: [[ Posuit in eo Dominus iniquitatem omnium nostrum, Dieu a mis sur sa tête le péché de tous. ]] (Is., LVI, 6.) — Jésus-Christ a connu, non pour lui, mais pour nous, cette première prière. Il l’a acceptée et l’a présentée à son père; il s’est fait pauvre: [[ Egenus et pauper sum ego, je suis pauvre et indigent. ]] (Ps. CVIII, 22). Mais à combien plus forte raison ces dispositions ne me sont-elles pas nécessaires, et quels cris, dans ma détresse, ne dois-je pas me disposer à pousser?

[[ Domine, quid multiplicati sunt qui tribulant me? Quoniam tauri pingues obsederunt me. Seigneur, pourquoi ceux qui me persécutent se sont-ils multipliés? Comme des taureaux gras, ils m’ont assiégé. ]] (Ps. I, 2, Ps. XXI, 13). Quel besoin de prière n’ai-je pas pour demander secours dans mon indigence et mes tribulations? La retraite me montrera combien je suis dénué de tout, combien je suis pauvre, dans quel abîme de misère je suis tombé, et me donnera la force de prier pour que l’on vienne à mon secours.

Je ne suis pas seulement pauvre, indigent, abandonné, persécuté; je suis pécheur et je dois demander pardon. Voilà ce qui doit me pousser surtout à cette prière de la retraite. J’y verrai sans cesse, et avec plus de clarté, mon péché devant mes yeux: [[ Et peccatum meum contra me est semper; mon péché est toujours contre moi. ]] (Ps. L, 5.) Je verrai comment les créatures et le tort que je puis leur avoir fait s’effacent devant mes torts affreux envers Dieu : [[ Tibi soli peccavi et malum coram te feci; contre vous seul j’ai péché, j’ai fait le mal à vos yeux. ]] (Ib., 6.) C’est la prière du coupable qui n’a plus d’autre refuge, en face du supplice qu’il mérite, que de se jeter dans les bras de la miséricorde infinie et n’a plus qu’à dire avec larmes : [[ Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam; ayez pitié de moi, Seigneur; selon la grandeur de vos miséricordes. ]] (Ib., l.) La retraite où Jésus-Christ m’appelle est le temps consacré à traiter avec le Fils de Dieu, mon avocat, du procès où il doit plus tard porter sa sentence comme juge. Mais j’y suis encore à temps pendant ces jours bénis; je puis lui demander d’effacer mon iniquité et il l’effacera, en Dieu, selon la multitude de ses pardons, car il m’a déjà si souvent pardonné! [[ Et secundum multitudinem miserationum tuarum, dele iniquitatem meam; Seigneur, effacez mon iniquité selon la multitude de vos commisérations. ]] (Ib., 3.)

IV. — Prière persévérante

Il y a une seconde prière importante de la retraite, et sans laquelle la retraite ne donnera pas son fruit essentiel. Il est dit que Jésus-Christ passait sa nuit dans la prière de Dieu: [[ Et erat pernoctans in oratione Dei; il passait la nuit dans la prière de Dieu. ]] L’âme, dans la retraite, est souvent entourée de ténèbres.

Ténèbres de châtiment. — Elle s’était éloignée de Dieu, et Dieu s’éloigne d’elle. Jésus-Christ s’en éloigne pour la forcer à le chercher davantage. Elle ne voit rien, elle n’y comprend en quelque sorte plus rien. Et il convient qu’il en soit ainsi: c’est la peine de ses recherches humaines, terrestres, égoïstes; c’est un châtiment purificateur, une vraie tentation, où quelquefois de vains fantômes viennent obséder l’imagination, où le souvenir ramène vers le passé et suscite parfois des regrets. Il est juste qu’il en soit ainsi: au dernier jour, Dieu abandonnera ceux qui l’auront abandonné. Il se passe quelque chose de semblable pendant la retraite. Dieu se cache, il est dans la nuit, et l’âme est privée de ses impressions. Peindre cet état serait trop long; mais, enfin, on l’a mérité; il n’y a qu’à se soumettre. Il dure plus ou moins, selon la volonté de Dieu, mais aussi selon la générosité avec laquelle on l’accepte.

Ténèbres de l’épreuve. — Cet état est aussi une épreuve. Dieu a permis que les saints le connussent; il se cache pour être poursuivi avec une ardeur plus grande; et, quand le jour se fait, il se donne en proportion de l’ardeur avec laquelle on a, pendant la nuit, levé les mains vers les choses saintes, en bénissant le Seigneur, même de ses châtiments apparents, selon l’invitation du Psalmiste : [[In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; levez les mains au ciel pendant la nuit, et bénissez le Seigneur. (Ps. CXXXIII, 2.)

Or, Jésus-Christ priait de la prière de Dieu [[ Et erat pernoctans in oratione Dei; il passait la nuit dans la prière de Dieu. ]] Qu’est-ce que cette prière, sinon celle de tous les saints tant qu’ils sont dans l’exil? Après l’exil, ils seront dans le jour : [[ Et in lumine tuo videbimus lumen; dans votre lumière, nous verrons la lumière. ]] (Ps. XXXVI, 10.) La prière sera lumineuse, pleine de divines clartés. Mais, en attendant, nous avons à poursuivre notre prière, et l’une des dispositions les plus puissantes, les plus fécondes de la retraite, c’est de prier dans les ténèbres, dans la nuit de la foi.

Séparation, élévation, prière du pécheur, prière persévérante dans la nuit de la foi, telles sont les dispositions où je dois entrer si je veux que ma retraite me soit utile, en imitation de celle de mon divin Maître.

Seigneur, donnez-moi de me séparer, de m’élever comme vous, de prier en pécheur, de prier en esprit de foi, et je suis sûr que ma retraite sera pleine de fruits.

Notes et post-scriptum