MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0345
  • MEDITATIONS
  • CINQUIEME MEDITATION DISPOSITIONS POUR ENTRER DANS LA VIE RELIGIEUSE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AFFECTIONS DESORDONNEES
    1 AMOUR DE DIEU SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 AMOUR DIVIN
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTOLAT DES RELIGIEUX
    1 APPRECIATION DES DONS DE DIEU
    1 ARISTOCRATIE DE L'ASSOMPTION
    1 ASCENSION
    1 BUT DE L'APOSTOLAT
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 CIEL
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 COUVENT
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DEPENDANCE DES SUJETS DU ROYAUME
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 EGLISE CELESTE
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FILS DE DAVID
    1 GRACES
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMITATION DE DIEU
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 JUGEMENT DERNIER
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 NOVICIAT
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 PAIX DE L'AME
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PERSEVERANCE
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRETRE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROVIDENCE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECRUTEMENT SACERDOTAL
    1 REFORME DU COEUR
    1 REGNE
    1 SALUT DES AMES
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TRISTESSE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 ABRAHAM
    2 MOISE
    2 PAUL, SAINT
    3 JERUSALEM
La lettre

[[Propter domum Domini Dei nostri quaesivi bona tibi. C’est à cause de la maison du Seigneur notre Dieu, que j’ai cherché à te procurer toutes sortes de biens.]] (Ps. CXXI, 9).

J’emprunte ces paroles au dernier verset du psaume CXXI, parce qu’elles indiquent le travail des ministres de l’Eglise pour lui donner des âmes parfaites; et, en venant vous parler des dispositions que doit apporter un jeune chrétien à la vie religieuse, il me semble que rien ne peut être bon comme de vous indiquer comment se trouvent unis, et l’avantage de l’Eglise, et l’avantage de ceux qui sont appelés de Dieu à être parfaits.

Le prêtre qui cultive des vocations avant tout doit chercher ce qui est utile à l’Eglise, [[ propter domum Domini Dei nostri ]] et c’est déjà un assez grand honneur qu’on dise à un être créé : [[ Venez, vous serez à même de rendre des services à l’oeuvre la plus excellente de Dieu : propter domum Domini. Mais en même temps souvenez-vous que, en vous invitant de la sorte, on met à votre disposition le plus grand de tous les biens et le plus grand de tous les honneurs: [[ Propter domum Domini Dei nostri, quaesivi bona tibi; c’est à cause de la maison du Seigneur, notre Dieu, que j’ai demandé pour vous de tels biens ]].

Du reste, c’est au psaume CXXI, d’où les paroles de mon texte sont tirées, que j’emprunte ce que je veux vous dire, pour vous apprendre les dispositions à la vie parfaite dans laquelle vous voulez entrer. I. — Séparation de toute affection terrestre

Je remarque tout d’abord que ce psaume est un de ceux qui sont appelés [[ psaumes des degrés ]], et si vous me demandez pourquoi ce titre, je vous répondrai avec saint Augustin que [[ degré ]] veut dire ascension et descente. Nous sommes invités à monter, mais remarquez cette parole du Sauveur : [[ Nemo ascendit in coelum nisi qui descendit de coelo, filius hominis qui est in coelo: personne ne peut monter au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui demeure dans le ciel ]]. (Joan. III, 13).

Avant que nous pussions monter, il a fallu que le Fils de l’homme descendît vers nous : [[ Docuit ipse Dominus a convalle plorationis ascendendum, quando pro nobis humiliari usque ad mortem crucis et pati dignatus est; le Seigneur nous a enseigné à nous élever de la vallée des larmes, lorsque pour nous Lui-même s’est humilié jusqu’à la mort de la Croix et qu’il a daigné souffrir [1] ]]. Et ailleurs : [[ Quid est vallis plorationis? Verbum caro factum est et habitavit in nobis. Quid est vallis plorationis? Præbuit percutienti maxillam, saturatus est opprobriis. Quid est vallis plorationis? Colaphizatus est, sputis illinitus, spinis coronatus, crucifixus est : hæc est vallis plorationis unde tibi ascendendum est. Quelle est la vallée des larmes? Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous. Quelle est la vallée des larmes? Il a tendu la joue à celui qui le frappait, il a été saturé d’opprobres. Quelle est la vallée des larmes? Il a été souffleté, couvert de crachats, couronné d’épines, crucifié : telle est la vallée des larmes d’où il te faut monter[2] ]] .

Tandis que Jésus-Christ descend pour venir à nous, il nous faut monter pour aller à Lui, car s’il est descendu pour nous montrer le chemin, s’il est au bas de ces degrés mystérieux comme homme, il est au ciel comme Homme-Dieu : [[ Nemo ascendit in coelum, nisi qui descendit de coelo, Filius hominis, qui est in coelo; personne ne monte au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est dans le ciel ]]. Il est descendu, ce divin Sauveur, mais pour vous prendre par la main et vous faire remonter vers Lui. Voilà la première disposition. Elle est grave. En vous élevant au-dessus des choses terrestres, vous vous en séparez. Le voulez-vous? Etes-vous résolu à tout quitter, à rompre tout lien, toute affection, tout sentiment qui ne seraient pas de Dieu?

Placez-vous, par une pensée sérieuse, entre ces deux amours, dont l’un entraîne vers les choses inférieures, et rendez-vous compte, au fond du coeur, du courage dont vous aurez besoin pour vous élever aux choses supérieures : [[Sicut amor immundus inflammat animam, et ad terrena concupiscenda et peritura sectanda perituram vocat, atque in profunda demergit: sic amor sanctus ad superna levat, et ad æterna inflammat, et ad ea quæ non transeunt neque moriuntur, excitat animam, et de profundo inferni levat ad coelum; comme l’amour immonde enflamme l’âme, la provoque à la convoitise des choses terrestres et à la poursuite des biens périssables, pour la faire périr, et l’engloutit dans l’abîme, ainsi l’amour divin élève le coeur vers les choses d’en haut, l’enflamme du désir des biens éternels, le pousse vers ce qui ne passe pas et ne meurt pas, et le soulève des profondeurs de l’abîme infernal jusqu’au ciel [3] ]].

Telle est la théorie divine de l’évêque d’Hippone; et, si vous voulez en savoir la raison, il ajoutera : [[ Habet tamen omnis amor vim suam, nec potest vacare amor in anima amantis; necesse est ut ducat, sed vis nosse qualis amor sit? Vide quo ducat. Non ergo monemus ut nihil ametis, sed monemus ne mundum ametis, ut eum qui fecit mundum libere ametis. Tout amour exerce forcément son action, et, dans l’âme de celui qui aime, l’amour ne peut rester oisif; il est nécessaire qu’il l’entraîne : mais voulez-vous savoir de quel amour il s’agit? Voyez où il l’entraîne. Nous ne vous conseillons pas de ne rien aimer; mais nous vous avertissons de ne point aimer le monde, afin que vous aimiez librement celui qui a fait le monde[4] ]]. [[ Obligata enim anima amore terreno, quasi viscum habet in pennis; volare non potest. Mundata vero ab affectibus sordidissimis sæculi, tanquam extensis pennis et duabus alis resolutis ab omni impedimento, id est, duobus præceptis dilectionis Dei et dilectionis proximi volat. Quo, nisi ad Deum ascendens volando, quia ascendit amando? L’âme possédée par l’amour des choses terrestres est comme un oiseau aux ailes engluées; elle ne peut s’envoler. Mais purifiée des affections très sordides du siècle, elle vole en étendant ses deux ailes libérées de toute entrave; ces ailes sont les deux préceptes de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Où va-t-elle, sinon à Dieu vers qui elle monte en volant, parce qu’elle monte en aimant[5]? ]]

Telle est votre vocation, si vous le voulez. Etendre vos ailes et voler, voler toujours sur les ailes de l’amour. Voler vers Dieu! Monter sans cesse vers Lui, jusqu’à ce que vous soyez perdu dans son sein! Ceci est grave, le voulez-vous? II. — Joie de la vocation

Et si déjà, dans votre coeur, vous avez répondu: [[Oui!]], commencez donc le cantique des degrés : [[ Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi: in domum Domini ibimus; je me suis réjoui de ce que l’on m’a dit: Nous irons dans la maison du Seigneur! ]] (Ps. CXXI, 1).

C’est une immense joie qui doit rejaillir de tout votre être, si vous pensez que cette maison du Seigneur est la vôtre. Vous laissez, comme Abraham, votre demeure et votre famille. Il peut se rencontrer là des déchirements, mais voyez quelle félicité! C’est Dieu que vous prenez pour votre partage! L’amour vous y attire et l’amour vous y porte. L’amour vous attire, car Dieu vous a aimé de toute éternité. L’amour vous porte, car vous éprouvez le besoin de correspondre à une tendresse si grande de Père et d’Epoux, et c’est pourquoi vous êtes inondé de joie et vous vous écriez : [[ Laetatus sum in his quæ dicta sunt mihi : in domum Domini ibimus; je me suis réjoui de ce que l’on m’a dit: Nous irons dans la maison du Seigneur ]].

Cette maison n’est pas de la terre, mais elle y a en quelque sorte son vestibule, qui est le couvent. Et c’est pourquoi la condition première du couvent, c’est la joie : aller au couvent sans joie est un mauvais signe. Toute vocation vraie doit être une vocation joyeuse, et je me méfie des vocations tristes et sombres. Les fondateurs des familles religieuses les ont toujours repoussées; c’est surtout des religieux que saint Paul a dit : [[ Fratres, gaudete in Domino semper, iterum dico gaudete; mes frères, réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je vous le dis encore: réjouissez- vous ]]. (Phil. IV, 4). Non pas qu’il n’y ait des épreuves et des souffrances, mais on les porte gaiement. Jésus-Christ a dit : [[ Mundus gaudebit, vos vero contristabimini; le monde se réjouira, et vous, vous serez dans la tristesse ]]. Mais il ajoute aussitôt : [[ Sed tristitia vestra vertetur in gaudium; votre tristesse se changera en joie ]]. (Joan. XVI, 20). Ainsi il faut considérer la joie d’être appelé, la joie d’avoir une grâce fortifiante, la joie du triomphe final: [[ Ibant gaudentes apostoli; les apôtres allaient en se réjouissant ]]. (Act. V, 41).

Pour être comme les apôtres, soyons joyeux de souffrir, parce que les souffrances de ce temps n’ont aucune proportion avec les joies de la maison de Dieu. Résolus de tendre à la perfection, soyons toujours joyeux. C’est vers la maison de Dieu que nous allons : [[ Laetatus sum in his quæ dicta sunt mihi: in domum Domini ibimus; je me suis réjoui de ce que l’on m’a dit: Nous irons dans la maison du Seigneur! ]] Donc, une grande joie, parce que nous allons vers la patrie, nous allons vers notre Père, nous allons vers Dieu.

III. — Persévérance dans la vocation

[[ Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jerusalem! Nos pieds se tenaient sous vos portiques, Jérusalem! ]] (Ps. CXXI, 2). Il faut de la fixité dans les résolutions; il faut que les pieds, dans la maison de Dieu, soient inébranlables; et tel est le constant exercice de l’âme appelée à la perfection, surtout pendant son noviciat: le raffermissement de ses pieds, le raffermissement de ses résolutions; en un mot, la persévérance, selon le mot de saint Grégoire: [[ Virtus enim boni operis, perseverantia est; la vertu d’une bonne oeuvre, c’est la persévérance ]]. Ce n’est pas tout de bien commencer: la force, la vertu consiste à persévérer : virtus boni operis perseverantia est.

Ah! que de tristes choses à dire sur ce sujet! Que de personnes considèrent les voeux comme une obligation de nul prix! On les prend comme un vêtement agréable, on les dépose comme un manteau usé.

Telle est malheureusement la condition d’une foule d’habitants du cloître, qui, par des dispositions pareilles, attirent la colère de Dieu sur les couvents.

Mais pour ces groupes précieux d’âmes embrasées du désir de tendre à la vie angélique, rien de semblable. Elles se sont fixées dans la perfection, telle qu’elle est demandée aux simples chrétiens; puis, la voix de Dieu ayant retenti à leurs oreilles, elles se sont promis d’aller plus haut : [[ Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jerusalem! Nos pieds se sont tenus sous vos portiques, Jérusalem! ]]

Les couvents ne sont que le vestibule, le parvis de la cité sainte; mais c’est là qu’était l’autel des holocaustes, des sacrifices parfaits, où la victime était entièrement détruite : Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jerusalem!

IV. Comme une pierre vivante

[[ Jerusalem quae ædificatur ut civitas, cujus participatio ejus in idipsum; Jérusalem, qui est bâtie comme une ville et dont toutes les parties sont dans une parfaite union en celui-là même ]] [comme l’interprète saint Augustin].

La première condition pour avancer au service de Dieu, c’est la joie. Arrière les âmes tristes et découragées qui se perdent en effrois et en regrets! La seconde condition, c’est la persévérance.

En voici une troisième non moins importante. Ecoutez : [[C’est Jérusalem bâtie comme une cité : Jerusalem quæ ædificatur ut civitas. ]] Le travail de l’Eglise consiste à s’édifier dans un merveilleux ensemble. Jérusalem, c’est la ville par excellence, c’est la vision de la paix, pacis visio, et il y a trois Jérusalem: celle de la figure, celle de la préparation, celle de la jouissance. Celle de la figure a disparu; celle de la jouissance n’apparaît pas encore; nous sommes au sein de la Jérusalem de la préparation. Tel est notre travail consistant à bâtir Jérusalem.

Mais, dans cette ville, chaque pierre doit être taillée selon la forme qui lui est propre, et c’est le travail des âmes de se laisser tailler, polir, placer ensuite au lieu convenable. L’architecte divin dispose les choses pour faire une cité divine. A qui dit: [[ Je veux être là ]], l’architecte répond :

[[ Je veux que tu sois ailleurs ]]. Il y a des dispositions providentielles et des obstacles providentiels, qui poussent, soit dans un sens, soit dans un autre, et il faut se laisser faire, pour que Jérusalem se bâtisse selon les plans de Dieu.

Jerusalem quæ ædificatur ut civitas, cujus participatio ejus in idipsum. C’est ici que je vous prie de redoubler d’attention. Saint Augustin s’effraye à la pensée de ne pouvoir se faire comprendre. Que veut dire, selon le grand Docteur, ce mot idipsum? Rappelez-vous, je vous en conjure, dit-il, ce moment où Dieu dit à Moïse; [[ Va et dis aux enfants d’Israël: Celui qui est m’a envoyé vers vous. ]] Ce mot: Celui-là même, signifie quelque chose de semblable. La distribution de la vraie Jérusalem se rapporte tout entière vers son centre, et ce centre, c’est Dieu. En effet, si Dieu a fait toutes choses pour Lui, à plus forte raison sa ville par excellence, la Jérusalem du ciel; et dès lors nous savons que là-haut tout se rapporte à Dieu. Mais si les matériaux de cette ville admirable se préparent ici-bas, dans la Jérusalem de l’attente, ces matériaux doivent, même dans leur imperfection, avoir Dieu pour but, et telle est la condition de ces pierres vivantes et choisies, vivi et electi lapides, d’être dans un effort perpétuel pour tendre vers Celui-là même qui est Jérusalem : Quæ ædificatur ut civitas cujus participatio ejus in idipsum.

Mais comment cela se fera-t-il? Ecoutez : vous êtes une pierre vivante, mais Celui en qui est le plan vivant de tous les êtres, le Verbe de Dieu, s’est fait homme et est venu se proportionner à vous. Et de même que le sculpteur, qui taille la pierre pour en faire l’ornement de l’édifice, regarde sans cesse le plan qui lui a été donné, de même vous devez toujours avoir les yeux sur ce modèle divin, vers qui tout doit tendre dans l’ensemble comme ville, vers qui chaque partie de la ville doit tendre, en d’autres termes sur qui toute âme qui tend à sa perfection doit avoir les yeux constamment fixés. Rapporter tout à Dieu, réaliser le plan donné par Dieu, entrer comme très petite partie dans le plan de la cité de Dieu, être une pierre choisie dans cette ville par l’effort constant pour réaliser en soi les perfections de Dieu, au sens où il nous est permis de les imiter: tel est le sens de ce passage du psaume: Cujus participatio ejus in idipsum.

Résumons-nous. Celui qui veut monter les degrés mystérieux de la cité sainte doit les franchir avec joie, persévérance, sentiment profond de ce qu’il doit devenir pour être digne du commerce de Dieu, pour être admis parmi les pierres vivantes de la cité de Dieu.

V. — Mission des familles religieuses

[[ Illuc enim ascenderunt tribus, tribus Domini. c’est là que sont montées les tribus choisies, les tribus de Dieu même. ]] Elles sont le témoignage d’Israël: Testimonium Israel ad confitendum nomini Domini.

Belle et magnifique mission des vraies tribus de Dieu, de ces familles religieuses destinées à porter son témoignage partout où Dieu leur ordonne de se former. Elles occupent la terre et de partout elles tendent à monter vers la vraie Jérusalem : Illuc ascenderunt tribus, tribus Domini testimonium Israel ad confitendum nomini Domini. Et c’est pourquoi un jugement sera exercé, plus parfait, parce qu’on leur aura demandé plus de perfection : Quia illic sederunt sedes in judicio, sedes super domum David. Remarquez ce trône plus excellent placé sur la maison de David; ce trône, c’est celui de qui partira tout jugement donné par le Père au Fils. Au-dessus du monde est Jérusalem; au sommet de Jérusalem, Sion, où se trouve la maison de David, et sur cette maison, ou, si vous aimez mieux, ce palais, le trône du Fils de David qui est en même temps le trône du Fils de Dieu, quia illic.

Et quel sera ce jugement? Ecoutez, tribus choisies : [[Rogate qu ad pacem sunt Jerusalem, et abundantia diligentibus te; demandez la paix pour Jérusalem, et que ceux qui t’aiment, Jérusalem, soient dans l’abondance. ]] Voici l’admirable mission des tribus du Seigneur, des âmes parfaites; voici un trône pour le jugement; mais, avant de prononcer la sentence, celui qui s’y trouve assis ne désire qu’une chose, qu’on lui demande la miséricorde et la paix, et des dons toujours nouveaux seront accordés à ceux qui aiment cette cité sainte. Rogate quae ad pacem sunt Jerusalem, et abundantia diligentibus te.

Quelle mission, si vous savez en être dignes! Demandez donc, demandez beaucoup. Voilà que l’abondance des biens de Dieu est en vos mains : répandez-la, on vous en charge. Ah! quelle prière de paix ne doit donc pas s’élever de vos bouches et de vos coeurs, pour procurer l’abondance aux âmes qui aiment Jérusalem! Quel merveilleux commerce si vous le voulez bien!

Et le prophète parle à son tour à la cité sainte : Fiat pax in virtute tua! Grande leçon: la paix dans la force, et l’abondance dans les tours, ces lieux choisis où se réfugient les troupes d’élite. Elles y trouveront avec abondance tout ce qui peut leur être utile pour le combat et pour la perfection de Jérusalem : [[ Fiat pax; oui, que la paix soit accordée! ]] Dans la paix se trouve l’ordre, dans la paix se trouve l’union à Dieu. Mais cette paix, elle implique l’effort: [[ Fiat pax in virtute tua; que la paix se fasse dans la force ]].

[[ Propter fratres meos et proximos meos; à cause de mes frères et de mes proches ]]. Voilà la charité du Psalmiste: il s’oublie pour parler de ses frères.

Et enfin, un interlocuteur, comme on en voit dans les dialogues des psaumes, s’écrie: [[ Ah! j’ai eu le désir de la maison de Dieu, de sa sanctification, de son accroissement; c’est pourquoi je vous souhaite toutes sortes de biens ]]. Déjà il avait dit:

[[ Propter fratres meos et proximos meos, loquebar pacem de te; j’ai demandé la paix pour mes frères et pour mon prochain ]]. Voilà la vocation spéciale: pacem de te. On peut, je le sais, trouver une autre interprétation. Mais celle-ci est merveilleuse, c’est le cri de l’Eglise demandant au Pontife des prêtres, des âmes parfaites. Il me faut des vocations, et c’est pour les membres de ma famille spirituelle, que je demande, en faveur de quelques âmes privilégiées, des grâces spirituelles: Propter fratres meos et proximos meos. Voilà le détail.

Prenons l’ensemble : Propter domum Domini Dei nostri, quæsivi bona tibi. C’est pour l’Eglise que les ministres de l’autel cherchent des vocations, qu’ils cherchent à enfanter des âmes à la perfection, qu’ils demandent à Dieu cette fécondité spirituelle, non pas la fécondité du Pontife qui enfante des prêtres, mais la fécondité de l’apôtre qui enfante, parmi les infidèles, des chrétiens; parmi les chrétiens, des saints.

Demandons cette fécondité si conforme à notre état: donnons à l’Eglise des âmes, que nous aiderons à embellir de toutes les vertus. C’est là le grand travail et le but le plus élevé des serviteurs de Dieu sur la terre; c’est l’oeuvre que Jésus-Christ récompensera avec le plus de prodigalité.

Notes et post-scriptum
1) Saint Augustin, In ps. CXX
2) Ibid., In ps. CXIX
3) Ibid., In ps. CXXI
4) Ibid., In ps. CXXI
5) Ibid., In ps. CXXI