MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0357
  • MEDITATIONS
  • SIXIEME MEDITATION LA VIE SURNATURELLE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DIVIN
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 DECADENCE
    1 DEGOUTS
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU LE FILS SOURCE DE L'ESPERANCE
    1 DISTINCTION
    1 EFFORT
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT DE FOI A L'ASSOMPTION
    1 ESPRIT FAUX
    1 FOI
    1 GRANDEUR MORALE
    1 IDEES DU MONDE
    1 ILLUSIONS
    1 IMAGINATION
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INSENSIBILITE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA FOI
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PURETE D'INTENTION
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECHERCHE INTERIEURE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REPOS SPIRITUEL
    1 ROUTINE
    1 TIEDEUR
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 VERTUS THEOLOGALES
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 PAUL, SAINT
    3 DAMAS
La lettre

[[Hoc enim sentite vobis, quod et in Christo Jesu. Entrez dans les mêmes sentiments que Jésus-Christ.]] (Phil. XI, 5).

Tel est le but de la retraite: quitter vos sentiments et prendre ceux de Jésus-Christ. Grave entreprise, et qui doit faire tout le fond de nos réflexions.

l. — Sacrifice de nos sentiments humains

Jetons un coup d’oeil rapide sur tout ce dont nous sommes obligés de nous dépouiller. Quand j’aurai dit que nous sommes obligés de nous dépouiller du vieil homme, j’aurai tout dit et je n’aurai rien dit, parce qu’il faut entrer dans le détail.

1° Sacrifice de nos idées personnelles. Le milieu où nous sommes nés, notre éducation, notre caractère, nous donnent un certain nombre d’idées qui semblent ne faire qu’un avec nous. C’est un ensemble de notions dans lesquelles nous avons été façonnés et qui nous sont une seconde nature. Ces idées nous dominent malgré nous, et quand elles nous entraînent, nous semblons ne suivre que la pente de notre intelligence, tant elles lui sont devenues inhérentes.

Or, parmi ces idées, il en est un très grand nombre qui jaillissent d’une intelligence ignorante, faussée par l’erreur ou corrompue par les séductions des sens. Ne nous faisons pas illusion. Quelle est la source de la plupart des idées qui président à la direction de notre vie? Avec quel effroi, si nous sommes sincères, ne devrons-nous pas répondre que presque toujours les idées les plus fausses, les plus humaines, ont présidé à ce qu’on appelle, bien à tort, une vie chrétienne!

2° Sacrifice des jugements portés à l’aide de ces idées. — Nous partons du principe que nos idées sont bonnes. Or, si elles sont ou fausses ou faussées, où arriverons-nous? Aux jugements les plus faux, les plus erronés. Et c’est précisément ce que l’on voit tous les jours. Jugements étroits, petits, mesquins, parce que nous nous complaisons dans l’ordre d’idées le plus rétréci. Rien n’est plus commode que ce genre déplorable. On s’y laisse aller parce qu’il n’y a aucun effort à faire. Rien n’est simple comme un pareil procédé. On a des idées étroites, les jugements sont comme les idées. On n’a pas la peine de chercher à s’élargir, on va se rapetissant tous les jours.

Mais plus un être se rétrécit, se diminue, plus il se rapproche du néant et s’éloigne de Dieu. Or, c’est là où va la pente de notre dégradation. C’est de là qu’il faut sortir. C’est le joug dont il faut débarrasser notre intelligence. Mais que d’efforts à faire! Quelle peine à se donner pour en venir là! Surtout quand la conséquence est celle-ci : jusqu’à présent j’ai eu des idées absurdes et j’ai porté des jugements plus absurdes encore. Qui consentira à un pareil aveu?

Mais quoi! Le sacrifice de pareilles idées et de semblables jugements est-il donc si nécessaire? Hélas! oui, car, tant que vos jugements et vos idées seront ce qu’il sont, vous pourrez être d’honnêtes gens, vous ne serez pas de vrais chrétiens, encore moins des religieux parfaits. En quoi consistent ces idées humaines et ces jugements faux? C’est ce que vous révélera l’ensemble de la retraite. Mais je crois bien que vous commencez à vous en douter; et, si vous ne le soupçonnez pas, je vous plains, cela prouve que votre mal est incurable.

3° Que dirai-je du sacrifice de vos impressions?–Sous prétexte qu’on est impressionnable, on se laisse aller à toutes sortes de sentiments, tous moins chrétiens les uns que les autres. Impressions d’impatience, de mauvaise humeur, de rancune, de jalousie. La nomenclature serait longue si je voulais tout dire. Or, combien de personnes vivent sur leurs impressions, souvent d’autant plus fausses qu’elles sont plus vives! Les impressions ont la plus funeste influence sur la raison, à plus forte raison sur le monde surnaturel dans lequel on devrait vivre. Et une condition essentielle pour qui veut avancer dans la perfection chrétienne et religieuse, c’est de combattre ses impressions. On n’en vient pas toujours à bout, mais c’est beaucoup que d’avoir essayé.

4° J’ajoute : la vie surnaturelle exige le sacrifice de vos répugnances. — [[ Caro enim concupiscit adversus spiritum; car la chair a les désirs contraires à ceux de l’esprit. ]] (Gal. V, 17). Ne nous y méprenons pas. Que de répugnances ne se dressent pas devant l’homme qui veut vivre surnaturellement! D’abord, cette raison honnête à qui tout ce qui paraît exagéré répugne. Et que de choses ne semblent pas exagérées au chrétien qui veut porter franchement la croix de Jésus-Christ, mais qui veut encore suivre les idées du monde! Entre les deux, il faut choisir. Et la faiblesse humaine est là pour crier : [[ Pitié! ne m’achevez pas d’un seul coup! ]] Il est dur, en effet, de se soumettre à des prescriptions sévères qui semblent ou mesquines, ou cruelles, car on va jusque là: tout cela veut être immolé impitoyablement, toutes ces répugnances veulent être vaincues. Quand commencerons-nous une bonne fois?

5° Mais il ne suffit pas de fouler aux pieds ses répugnances, il faut mettre un frein à tous les désirs humains, et l’on sait combien la chair en est tourmentée. Que de rêves où l’imagination se perd! Il faut leur couper les ailes. Rêves de succès, rêves de domination, rêves d’influence, rêves d’affection légitime, rêves d’étude, rêves de solitude, rêves de sainteté! Oui, ce ne sont que des rêves, et Dieu veut l’accomplissement très pur, très droit, très simple, très amoureux de sa volonté, jalouse à juste titre de toutes les usurpations, plus ou moins masquées, de sa créature, sous forme de désirs. Non, il ne faut que la volonté de Dieu: [[ Domine, ante te omne desiderium meum, et gemitus meus a te non est absconditus; Seigneur, tout mon désir est exposé à vos yeux, et mon gémissement ne vous est pas caché ]]. (Ps. XXXVIII, 14). Tout ce que je désire est devant vous, tout ce que je regrette de ne pas avoir vous est connu, je ne vous cache rien : mon désir, mon unique désir, c’est vous, je ne veux pas autre chose; tout le reste n’est qu’un moyen pour moi d’aller à vous, et comme vous connaissez mieux que moi le moyen de m’unir à vous, c’est à vous que je m’adresse, c’est vous que je veux, c’est sur vous seul que je veux compter pour diriger mes voies là où j’e vous posséderai sans partage.

6° Cela ne suffit pas. On contracte dans la vie religieuse certaines habitudes; mais parce que ce sont des habitudes, la routine s’y mêle; elles cessent d’être surnaturelles si l’on n’y veille pas de près. Actes extérieurs excellents, intentions nulles: temps perdu pour le ciel, et non seulement perdu, mais trop souvent mal employé. S’il ne devait rien rester de la journée d’un religieux, ce serait déjà triste, mais parce que son état implique un effort continu vers la perfection, l’habitude dans les oeuvres bonnes, amortissant son élan premier, lui fait perdre son énergie pour le bien; le trésor de ses bonnes oeuvres diminue d’autant, ses vertus se dessèchent, l’abus des grâces commence, l’aridité se fait au fond de son âme, l’arbre ne donne plus de fruit; on le coupera, on le jettera au feu. Pourquoi? Parce que la tyrannie d’habitudes, bonnes d’abord, mais bientôt devenues tout humaines, l’a rendu stérile. Pensez-y, et si les habitudes de tiédeur vous ont envahi, hâtez-vous de retrouver votre première ferveur.

7° Enfin, vous dirai-je, voulez vous entrer dans la vie surnaturelle? Sortez du cercle étroit de ces chrétiens grossiers, médiocres, vulgaires, qui ne prennent la loi de Dieu que par le côté rabaissé. Leur aspiration à marcher terre à terre est effrayante. Montez plus haut. Certes, plus que jamais la vie chrétienne a besoin de grandes réformes. Laissons de côté les autres, occupons-nous de nous d’abord, voyons combien notre niveau a baissé, combien il importe de le relever. Comment y parviendrez-vous, sinon par un effort constant vers la vie surnaturelle?

Voilà ce que vous avez à sacrifier. — J’ai à vous dire trois grandes acceptations auxquelles il importe de vous résoudre, si vous voulez être des hommes vraiment surnaturels.

II. — Acceptation de l’esprit de Jésus-Christ

Pour ne pas être trop long, je m’arrête à trois acceptations principales : 1° Acceptation complète des idées de la foi. — Lorsque Notre-Seigneur vint au monde prêcher la bonne nouvelle, il disait : [[ Ego sum lux mundi; qui sequitur me, non ambulat in tenebris : Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres ]]. (Joan. VIII, 12). Il venait dissiper les ténèbres répandues par les passions, la vaine sagesse, les vapeurs immondes, la chair: [[ Et erat lux vera, qu illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum : Il était la lumière vraie qui illumine tout homme venant en ce monde]]. Mais, comme dit l’Evangéliste : [[ In ipso vita erat, et vita erat lux hominum, et lux in tenebris lucet et tenebræ eam non comprehenderunt; en Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; et la lumière a brillé dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise ]]. (Joan. l, 4-5). Voilà l’histoire, à travers les siècles, de la lutte de Dieu, et de sa vie et de sa lumière, contre les ténèbres et la mort. Laissons de côté la lutte contre l’impiété, parlons de nous-mêmes.

L’âme qui aspire à la perfection n’est parfaite qu’autant qu’elle possède la vie, la vie du Verbe, et cette vie, c’est la lumière de l’humanité; mais cette lumière n’est pas reçue; elle n’est pas comprise. Elle vient et elle est repoussée : [[ Et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt; elle brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne la comprennent pas. Le Verbe vient dans ses biens propres, et les siens ne le reçoivent pas. In propria venit et sui eum non receperunt ]].

Sans doute, nous ne sommes pas de ceux qui repoussent entièrement la lumière, mais nous sommes de ceux qui ne voudraient la recevoir qu’en partie. Elle nous fait peur, dans son éclat trop accusateur. Eh bien! il faut avoir le courage, quand on est fils de la lumière et du jour, de contempler le soleil. Dieu a purifié les yeux du vrai chrétien, du parfait religieux : voyons toutes choses dans sa lumière. Sans doute nous éprouverons des étonnements, mais qu’importe si, après tout, la conséquence est que nous verrons toutes choses comme Dieu, que nous jugerons comme Lui, que nous mépriserons ce qu’il méprise, que nous n’estimerons que ce qu’Il estime, et que la vie et la lumière divines, par la foi, sur la terre, seront pour nous le prélude de la vie et de la lumière dans la gloire?

2° La foi éclairant nos jugements, sa lumière nous fixera sur le terme de nos désirs : ce sera l’acceptation des élans de l’espérance. — Si Dieu est la vie, si Dieu est la lumière, Il est le Bien suprême. C’est à ce bien que nous devons aspirer; et qu’est venu faire le Sauveur ici-bas, sinon nous apprendre à chercher l’éternel bonheur dans le bien sans limites? Or, où est le bien sans limites en dehors de Dieu, et de Dieu seul?

Ah! que la lumière de Jésus-Christ nous est bienfaisante, si elle nous apprend à chercher très uniquement cette pierre précieuse pour laquelle le marchand de la parabole vend avec joie tout le reste afin de la pouvoir acheter! O bien sans limites! O incomparable beauté! O source de toute joie intarissable! C’est vers vous que je veux m’élancer, affranchi de tout bien terrestre. Donnez-moi des ailes pour que je vole vers vous, au-dessus des vains mensonges de la terre, et que je ne me repose qu’en vous. Oui, j’accepte votre direction dans la recherche du bonheur. C’est vous qui en êtes le terme, c’est vous qui allez élever mes sentiments en les transportant désormais dans le monde divin.

3° Enfin, acceptation absolue de toutes les exigences de l’amour divin. — Tout est possible à celui qui croit, tout est facile à celui qui aime. Mais il faut aimer, et notre âme en est incapable. Notre coeur est trop étroit, si Dieu ne l’agrandit de sa main toute-puissante. C’est là l’effort : s’abandonner à Dieu et lui dire : [[ Que voulez-vous de moi pour vous prouver que je vous aime? ]] C’est la question de Paul renversé sur le chemin de Damas. L’amour de la créature a des questions pleines d’ardeur; l’amour du Créateur a quelquefois des réponses terribles. Cet amour est jaloux. Que n’a- t-il pas demandé à ses grands serviteurs? Que ne vous demandera-t-il pas peut-être?

C’est donc à la lumière de la foi que vous devez examiner ce que ces exigences ont de légitime; c’est dans les soupirs et les aspirations de l’espérance que vous devez apprécier la mesure de vos ardeurs; c’est dans la lumière et les flammes de l’amour que vous devez vous diriger vers cette vie, qui vous est proposée, qui part des avances de Dieu, qui se poursuit avec son soutien, qui se consomme dans son Coeur.

Notes et post-scriptum