MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0380
  • MEDITATIONS
  • NEUVIEME MEDITATION DE LA PENITENCE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ANACHORETES
    1 ASCESE
    1 AUGUSTIN
    1 BON EXEMPLE
    1 CONTRITION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DETACHEMENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 HERESIE
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JEUNE CORPOREL
    1 JUIFS
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAGANISME
    1 PASSIONS MAUVAISES
    1 PENITENCES
    1 PURIFICATION
    1 REFLEXION
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SATAN
    1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
    1 SOLITUDE
    1 TENTATION
    1 TYRANNIE DES SENS
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIE DE SILENCE
    2 LAZARE
    2 SIMON LE LEPREUX
    3 INDE
    3 JOURDAIN
La lettre

[[Tunc Jesus ductus est a Spiritu in desertum ut tentaretur a diabolo, et cum jejunasset quadraginta diebus et quadraginta noctibus, postea esuriit. Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert afin d’être tenté par le diable, et après qu’il eut jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.]] (Matth. IV, 1).

Jésus veut être le modèle de notre pénitence, et Celui qui a dit : [[ Faites pénitence, parce que le royaume des cieux est proche; Poenitentiam agite, appropinquavit enim regnum coelorum ]] (Matth. IV, 17), veut nous apprendre, par son exemple, en quoi cette pénitence consiste. Arrêtons-nous à quelques notes principales : 1° le caractère surnaturel; 2° la solitude; 3° le silence; 4° la lutte; 5° la privation.

I. — Le caractère surnaturel

C’est qu’en effet il y a bien des pénitences qui n’ont aucun caractère auquel on puisse reconnaître l’action du Saint-Esprit. Voyez ces pénitences effrayantes de l’Inde. Examinez ces hérétiques qui ployaient sous le poids des austérités; les Juifs eux mêmes se soumettent à des austérités très rudes. Le caractère surnaturel s’y trouve-t-il? Gardez-vous de le croire. On a vu, dans le paganisme, des pères immoler leurs enfants à Moloch. La cruauté se rencontre dans une foule de pratiques antichrétiennes. Non, la pénitence par elle-même n’est pas toujours surnaturelle. Que faut-il donc pour qu’elle le soit?

Il faut qu’elle soit dirigée. [[ Tunc Jesus ductus est a Spiritu; Jésus fut conduit par l’Esprit ]]. Voilà l’impulsion de l’Esprit divin. En Jésus-Christ, elle pouvait être directe; chez des chrétiens, elle a besoin des conseils d’une sage direction.

C’est que, en effet, bien souvent on croit pouvoir prendre pour inspirée de Dieu une pénitence qui n’est que l’effet d’une imagination plus ou moins embrasée, de nerfs plus ou moins surexcités. On se précipite avec fureur dans les macérations qui ne prouvent rien qu’une ardeur excessive, et partant de peu de durée. On se porte aux excès, et l’épuisement vient promptement à bout de ces embrasements inconsidérés. Voyez où vous en êtes, et n’allez pas trop loin, mais aussi voyez jusqu’où vous devez vous laisser aller, ou plutôt jusqu’où vous devez vous laisser conduire. Tout ici doit être au-dessus de la nature, et pour cela tout doit être, selon l’esprit de Dieu, gouverné par ceux qui ont charge d’âmes. Pas d’exagération dans un sens, pas de pusillanimité dans un autre, et pour tout, soumission à la direction surnaturelle. Tunc Jesus ductus est a Spiritu.

Et c’est ainsi, fait observer saint Augustin, que Lazare, est le modèle de l’âme pénitente; il est attiré par le cri puissant de Jésus : [[ Lazare, veni foras; Lazare, viens dehors! ]] (Joan. XI, 43). Il obéit à cette voix; il ne marche pas encore, il faut qu’on le délie. Qui? L’Eglise, fait toujours observer le grand Docteur; et en cela il faut que l’âme se soumette au pouvoir établi dans cette Eglise: c’est ainsi, si elle se soumet, qu’elle sera conduite par l’Esprit Saint à la pénitence et au pardon qui en est la conséquence.

II. — La solitude

Le Saint-Esprit pousse le Sauveur à la solitude, au désert. Heureuses les âmes qui, voulant faire pénitence, ont faim et soif de solitude pour considérer leur péché, disant avec le prophète : [[ Et peccatum meum contra me est semper; et mon péché est toujours en face de moi ]]. (Ps. L, 5). Oui, il faut la solitude, la séparation d’avec le monde pour se mettre en face de son péché, pour l’étudier dans sa source, dans sa malice, dans ses lamentables effets. Et qui a le temps, dans le monde, de vivre de cette vie de recherche intérieure, de contemplation de sa misère et de la dégradation où le péché l’a mis?

Voilà pourquoi tant d’anachorètes ont peuplé les déserts; la vue des pécheurs dont ils avaient partagé les excès leur était insupportable; ou bien encore ils s’élançaient loin des hommes par la crainte de commettre les mêmes fautes qu’eux. La solitude leur était une sauvegarde. Ils disaient : Loin des hommes, Dieu est moins offensé, le péché et ses occasions s’éloignent, et les tentations peuvent être plus aisément combattues.

Mais surtout, et ceci est grave, la solitude permet de s’élever à Dieu; elle calme les passions; elle donne une certaine hardiesse pour demander à voir. Non pas que la solitude fasse tomber tous les voiles de la foi, mais la limpidité y devient plus grande, le coeur s’y purifie. Heureuse l’âme solitaire! Toutes ne sont pas appelées à ce désert absolu tel que celui où le Saint-Esprit conduisit Notre-Seigneur, mais toutes sont invitées à prendre quelques jours de retraite : [[ Venite seorsum et requiescite pusillum,: venez à l’écart et arrêtez-vous quelque temps ]]. (Marc, VI, 31). L’important est de profiter de cette solitude et de ce repos, pour conquérir des forces nouvelles, et entrer ainsi dans une plus grande horreur du péché et dans une idée plus parfaite de la réparation due à Dieu.

III. — Le silence

Je ne parle pas de ce silence que saint Augustin appelle [[ le froid de la charité, frigus caritatis ]], mais de ce silence que le divin Maître observa lui-même dans la solitude au Jourdain, et où, à mesure que l’on parle moins aux hommes, on peut parler davantage à Dieu; non pas que la voix d’en haut se fasse toujours entendre, et c’est par où la solitude et le silence semblent s’unir pour nous tourmenter.

On a fui les conversations des hommes; on n’entend pas le langage de Dieu. Jamais situation n’a été plus cruelle pour celui qui a besoin de s’appuyer sur quelqu’un. Mais c’est précisément la situation du prisonnier condamné à la réflexion, en se repliant sur lui-même. On est forcé en effet de se replier sur soi-même, et on est contraint de se considérer dans toute sa laideur. Déplorable spectacle, mais qui pousse à l’humilité par l’évidence du mépris que l’on a mérité à cause de la honte des ingratitudes passées. Je ne parle pas des fautes.

Le silence peut être considéré à un autre point de vue non moins utile pour la pénitence. Dans la solitude, les passions s’apaisent. Le commerce des hommes provoque les désirs impurs, l’amour des richesses, la vaine gloire, l’ambition et toutes les impressions mauvaises qui sont leur triste cortège.

Le silence de la solitude fournit le temps de découvrir la vanité, la folie, le crime de toutes ces émotions de l’âme. Sauf le nécessaire, que peut vouloir l,âme solitaire et silencieuse? Que d’objets de ses convoitises disparaissent comme d’eux-mêmes!

J’ajoute que ce silence a ses douceurs; car si Dieu se tait un certain temps, s’il voit l’âme le poursuivre de ses désirs, il ne peut rester toujours insensible. Il répond à l’appel qui lui est fait; il se donne dans l’éloignement de tous les obstacles qui s’opposaient à sa manifestation. Quel moment précieux pour lui demander pardon:!

Certes, la pécheresse publique n’était pas dans la solitude quand, avec son vase de parfum, elle alla trouver le divin Maître chez Simon le lépreux, mais elle garda un silence profond. Tout se passait entre elle et son Sauveur. Quel précieux silence que celui-là! Qu’il vous serve de modèle et vous apprenne comment vous devez vous taire et attendre, loin des discours des hommes, que Dieu daigne vous parler. Cette attente silencieuse vous purifiera et vous disposera à la conversion, car ici la pénitence est la préparation à un changement complet.

IV. — La lutte

Se repentir et continuer sa vie de péché n’est qu’une profonde contradiction dont Dieu ne saurait vouloir. Ici, le divin Maître ne peut nous servir comme modèle du changement, de la transformation qui doit s’opérer dans l’âme du pécheur; mais, quoique l’innocence même, il veut consentir à être attaqué, afin de nous servir de modèle dans nos efforts et nos combats pour recouvrer la liberté que le péché nous a fait perdre. C’est pourquoi il est conduit par l’Esprit au désert [[ pour être tenté par le démon, ut tentaretur a diabolo ]]. Vous voulez mener une vie plus forte, plus sainte, plus divine, préparez-vous à la tentation, para animam tuam ad tentationem.

Ne vous faites pas illusion, le royaume des cieux souffre violence, il faut le conquérir les armes à la main. Et voyez, en effet, ce qui se passe. Jésus voit le tentateur s’approcher de Lui. Satan ne le connaît pas encore; il ignore à quel adversaire il a affaire. Etait-ce le Messie? C’est pourquoi il procède par des questions insidieuses : [[Si Filius Dei es, dic ut lapides isti panes fiant; si tu es le Fils de Dieu, dis un mot, et ces pierres deviendront du pain ]]. Oui, sans doute, mais pour cela il faut faire un miracle, et ce que Jésus veut cacher sera découvert. Donc le miracle ne se fera pas, et Satan une première fois sera vaincu par le silence de Celui qu’il veut tenter pour surprendre son secret. Qu’il y ait une défaite positive pour Satan, les nouvelles attaques auxquelles il se livre en sont la preuve. Il ne recommencerait pas avec un acharnement pareil, si quelque chose ne lui disait qu’après tout il s’agit de son empire; et c’est ce qu’avec un sentiment de terreur moins profond sans doute Satan essaie, toutes les fois qu’il craint qu’une âme ne soit prête à lui échapper.

Il n’en est pas moins vrai qu’il vient à nous dès que nous commençons à opérer certains retranchements et nous dit : [[Dic ut lapides isti panes fiant. Dis que ces pierres se changent en pains ]]. Vois ta situation: vois tout ce qui t’est nécessaire. Allons, ne vis pas d’imprudences, et sache commencer une bonne fois à prendre d’utiles ménagements. Hélas! hélas! que la lutte est difficile et combien de fois ne nous y sommes-nous pas laissés entraîner! Que de fois n’avons-nous pas fléchi par une lâcheté désespérante! Cette lâcheté, combien de temps servirat-elle de porte-voix au diable, pour nous faire mieux entendre les exigences de la chair? Sachons, sachons vaincre toutes ces tyrannies. La fuite, sous la conduite de l’Esprit Saint, nous sera bien avantageuse. Allons au combat, en déclarant que c’est une nourriture toute nouvelle qu’il nous faut, et qu’après avoir donné au corps le pain qu’il réclame, il faut aussi savoir nourrir notre âme de la parole de Dieu.

Je dirai peu de la tentation de vaine gloire que subit le Sauveur au sommet du Temple. Non, je crois que la réflexion nous a bien montré le vide de nos prétentions. Je passe sur ce spectacle de tous les royaumes montrés au Sauveur. Qu’est-ce que cela prouve? C’est que Satan est un agresseur bien vulgaire et qu’il serait bien facile à vaincre si nous voulions rester dans la vérité. Et c’est à quoi la pénitence nous dispose merveilleusement.

Remarquons que Jésus est conduit au désert pour être tenté. Partout où nous serons, la tentation nous poursuivra. La solitude la plus profonde ne saura nous en affranchir, il faut avoir le courage d’en subir les angoisses; et c’est là ce qu’il y a de merveilleux pourtant, c’est que dans la solitude Satan est dépourvu d’une foule de moyens de lutter contre nous; les créatures lui font défaut, et c’est beaucoup.

Dans tous les cas, si la solitude et le silence nous ont préparés, nous avons la chance de sortir plus aisément vainqueurs de ses attaques.

V. La privation

[[ Et cum jejunasset quadraginta diebus et quadraginta noctibus, postea esuriit; après avoir jeûné pendant quarante jours et quarante nuits, il eut faim. ]] Jésus passe par un jeûne très rigoureux. Mais ce n’est pas sur le jeûne à proprement parler que je veux insister. Qui dit jeûne dit privation, et il importe d’examiner à quelles privations il faut avoir recours pour faire réellement pénitence. Il y a là une énorme question à trancher: la pénitence du jeûne, à proprement parler, ne doit-elle pas être remplacée par le jeûne des yeux, des oreilles, de la langue, de certaines satisfactions du coeur, de l’imagination, de l’indépendance, du succès légitime? Il semble que, sous ce rapport, quiconque veut faire pénitence peut faire énormément.

Il n’y a qu’à vouloir et à donner à Notre-Seigneur un sacrifice très fécond, pourvu qu’il porte sur tout ce par quoi la vie peut être sanctifiée : [[ Déchirez vos coeurs et non vos vêtements, dit le Prophète. Scindite corda vestra et non vestimenta vestra ]]. (Joel II, 13). C’est la pénitence du coeur que Dieu réclame surtout; cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies. (Ps. L, 19).

Rentrez donc en vous-mêmes; écoutez la voix de Dieu; fuyez pour quelque temps les hommes; faites silence autour de vous; luttez avec Satan, avec vos passions : privez-vous, en les arrachant, de tout principe mauvais; commencez avec confiance la vie que, depuis longtemps, Dieu vous demande; et quand vous reviendrez à vos devoirs de tous les jours, vous édifierez autour de vous, parce que vous serez devenus des hommes nouveaux.

Notes et post-scriptum