- ES-0396
- MEDITATIONS
- ONZIEME MEDITATION LA FOI
- Sage, ECRITS SPIRITUELS
- 1 AUGUSTIN
1 AUTORITE DIVINE
1 BIEN SUPREME
1 CONNAISSANCE
1 CONSENTEMENT
1 CRAINTE
1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
1 DOGME
1 DONNEES DE LA FOI
1 DONS DU SAINT-ESPRIT
1 EFFORT
1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
1 ETERNITE DE DIEU
1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
1 FOI
1 GRACES
1 IDEES DU MONDE
1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
1 INTELLIGENCE
1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MAJESTE DE DIEU
1 ORAISON
1 ORDRE SURNATUREL
1 PERE SOURCE DE LA FOI
1 PERFECTIONS DE DIEU
1 PERSEVERANCE
1 POSSESSION DE DIEU
1 PREAMBULES DE LA FOI
1 PURIFICATION
1 REFLEXION
1 REVELATION
1 SAGESSE DE DIEU
1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
1 SYMBOLES DE LA FOI
1 THOMAS D'AQUIN
1 VERITE
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VERTU DE FORCE
1 VERTUS THEOLOGALES
1 VIE CONTEMPLATIVE
1 VIE DE PRIERE
1 VIE SPIRITUELLE
1 VOIE UNITIVE
1 VOLONTE
2 JEAN, SAINT
2 MOISE
Dieu, qui a voulu mettre de l’ordre en toutes choses, en a mis dans la disposition des vertus. — La première de toutes, c’est la foi. [[ Quomodo ergo invocabunt in quem non crediderunt? Comment pourront-ils invoquer Celui auquel ils ne croient pas? ]] (Rom. X, 14). Quand on connaît Dieu, on est contraint d’avouer qu’il est le Bien suprême, et si Dieu est le Bien suprême, on désire le posséder pour arriver à la jouissance du bonheur, et voilà l’espérance. — Mais l’âme ne s’en tient pas là. Elle considère la beauté, la bonté, les perfections de Dieu, et elle veut s’unir à Lui: la charité devient le couronnement de la foi et de l’espérance.
Commençons aujourd’hui par parler de la foi. Nous examinerons : 1° son objet, 2° la notion de l’acte de foi, 3° comment elle est une vertu, 4° quels dons correspondent à la foi.
l. — Objet de la foi
L’objet de la foi, c’est la vérité première : [[ Credere enim oportet accedentem ad Deum quia est; quiconque veut approcher de Dieu doit croire d’abord qu’il existe ]]. (Hebr. XI, 6). Il y a bien ce que les théologiens appellent les préambules de la foi, en établissant que par la seule raison peut se démontrer l’existence de Dieu; mais de là à la connaissance de Dieu tel que la révélation nous le manifeste, il y a un abîme, et cet abîme, la foi surnaturelle seule peut nous aider à le franchir. Oui, la foi seule peut nous faire connaître de Dieu ce qu’il lui a plu de nous faire connaître de sa nature insondable par son Fils.
Mais sur quoi s’appuie la foi? Sur la vérité première qui est Dieu. Il faut remonter jusqu’à cette première vérité, base de toute connaissance révélée : c’est Lui qui nous enseigne; c’est à cause de Lui que nous croyons.
Qu’est la foi en effet? [[ Fides est sperandarum substantia rerum, argumentum non apparentium; la foi est la substance des choses qu’on doit espérer et la démonstration de celles qu’on ne voit pas ]]. (Hebr. XI, 1). Rien de ce que nous devons croire n’est vu par nous, car si nous l’avions vu, nous ne le croirions plus, nous le saurions. Or, il en est de la foi comme de l’espérance : [[ Spes quæ videtur non est spes; Voir ce qu’on espère, ce n’est pas espérer ]]. (Rom. VIII, 24). Et c’est pourquoi nous avons besoin, pour croire, du plus grand appui qui est Dieu.
Mais comment atteindre Dieu? [[ Deum nemo vidit unquam, unigenitus Dei Filius qui est in sinu Patris, ipse enarravit; personne n’a jamais vu Dieu; le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui nous l’a manifesté ]]. (Joan. I, 18). Dieu est la vérité première: [[Il nous parle par son Fils; locutus est nobis in Filio ]]. (Hebr. I, 2). Le Fils a enseigné son Eglise : [[ Sicut misit me Pater, et ego mitto vos : euntes ergo docete omnes gentes; de même que mon Père m’a envoyé, moi je vous envoie; allez donc, enseignez toutes les nations ]]: (Joan. XX, 21 ; Matth. XXVIII, 19). L’Eglise, Jésus-Christ, Dieu : il faut toujours en revenir à la vérité première qui est Dieu. Or, en Dieu sont toutes les vérités, et, à ce point de vue, l’objet de la foi n’est pas seulement la vérité première, mais l’ensemble de tous les articles de foi qui reposent sur cette vérité première.
Ainsi, répétons-le, notre foi repose sur Dieu, vérité première, nous illuminant par les moyens qu’il a choisis et conformes à notre capacité de connaître la vérité. Or, notre intelligence n’est ici-bas ni comme celle de Dieu, ni comme celle de l’ange, ni même comme elle sera dans la gloire. Elle procède pas à pas du connu à l’inconnu, et c’est successivement que les vérités se révèlent à elle. Mais c’est là le prodige de la bonté de Dieu qu’il ait consenti à se révéler à notre premier père, aux patriarches, à Moïse, aux prophètes, et enfin par son Fils, la Vérité elle même, s’incarnant dans un homme, veritas homine assumpto, afin d’arriver jusqu’à nous.
L’objet de la foi est la vérité première en ce sens que, par elle, nous connaissons tout ce qu’il nous est nécessaire de croire. Mais voyez ce merveilleux ensemble, tel que le Symbole des apôtres nous l’a révélé, et voyez aussi comment ces vérités fondamentales se manifestent plus claires, plus magnifiques, à mesure qu’elles sont plus attaquées. Chaque siècle semble constater une splendeur nouvelle dans les rayons de ce soleil divin : [[ Exultavit ut gigas ad currendam viam et a summo coelo egressio ejus ; il s’est élancé comme un géant qui prend sa course, et son point de départ est au plus haut du ciel ]]. (Ps. XVIII, 6).
Dès lors, quelle nécessité pour nous de nous mettre sous l’action de cette vérité divine, par trois principaux moyens : — 1° par un renouvellement constant de notre foi, afin qu’elle devienne notre vie; — 2° par l’adhésion la plus vive à toutes les vérités révélées; — 3° Par l’abandon de notre intelligence à l’action de Dieu sur nous, afin qu’il nous attache à Lui, et nous fasse adhérer à ses enseignements de la façon la plus absolue.
II. — L’acte de foi
Qu’est-ce que l’acte de foi par lequel nous adhérons à la vérité première, nous confiant à ce qu’elle nous enseigne par rapport à toutes les autres vérités?
[[ Croire, dit saint Augustin confirmé par saint Thomas, c’est donner son adhésion à ce que l’on pense, credere est cogitare cum assensu ]]. Il faut en effet que l’homme pense, réfléchisse, et qu’il fasse ainsi un acte d’intelligence, car penser, c’est- à-dire peser ce qui est pour et ce qui est contre une opinion, c’est un acte d’intelligence. Mais cela ne suffit pas; il faut donner une adhésion, en quoi consiste l’acte de la volonté, l’intelligence et la volonté s’unissant donc pour former l’acte de foi.
Aussi, dans l’acte de foi, on fait un abandon suprême de son âme à l’autorité de Dieu, et, sous ce rapport, on peut dire que l’acte de foi est l’acte suprême d’obéissance, dont le principe est dans l’intelligence, puisqu’elle a la vérité pour objet. C’est ainsi que Dieu, comme vérité première, est, selon les théologiens, l’objet formel de la foi. Il faut s’appuyer sur Lui, et comme nous ne pouvons pas nous élever de nous-mêmes jusqu’à Lui, il est indispensable qu’il s’abaisse jusqu’a nous.
Croire Dieu, c’est adhérer à toutes les vérités que l’autorité divine nous enseigne; et, soit qu’elles se présentent à nous dans leur ensemble, telles qu’elles sont contenues en Dieu, soit que, selon la portée de notre intelligence, elles se déroulent successivement dans l’ordre logique, les vérités premières renfermant en elles les vérités secondes, notre foi accepte tout; c’est pourquoi l’acte de foi se présente à nous sous ces quelques mots: [[Je crois tout ce que vous nous avez révélé ]]. Voilà l’âme s’appuyant sur Dieu, vérité première; vient ensuite l’objet matériel de l’acte de foi qui n’est que le symbole des apôtres, commenté soit par les autres symboles que l’Eglise a cru devoir proposer comme réfutation directe de certaines erreurs, soit encore par les diverses définitions des Conciles qui sont proposées comme actes de foi.
Enfin, on dit : croire en Dieu; c’est un acte de confiance à Dieu manifestant à notre misère le terme dernier où il nous appelle et qui n’est autre que Lui-même; telle est la pensée de saint Jean lorsqu’il s’écrie : [[ Haec est victoria quæ vincit mundum fides nostra; la victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi ]]. (1 Joan. V, 4). Le monde se présente à nous avec ses mensonges, ses promesses, ses espérances, le cortège de toutes ses ambitions, de ses plaisirs; tout cela, qu’est-ce que c’est? [[ Vapor est ad modicum parens et deinceps exterminabitur; c’est de la fumée qui paraît pour un moment et qui bientôt sera dissipée ]]. (Jac. IV, 15). Regardez la fin. A quoi tout cela finit-il? A un peu de poussière. Tandis que Dieu, Lui, est éternel, et veritas Domini manet in eternum, Etre enseigné par un Maître éternel, pouvoir compter que ce Maître éternel veut se montrer à nous pour toute l’éternité, et ne nous manifester son éternité que pour nous rendre participants de ses inépuisables délices, voilà ce que la foi nous propose; voilà ce qui la rend victorieuse de tout obstacle et de tout ennemi que le monde puisse m’opposer. Que ceux qui veulent du monde et de ses tromperies aillent au monde; [[ pour moi, il m’est bon de m’attacher au Seigneur et de mettre toute mon espérance dans le Seigneur mon Dieu : Mihi autem adhaerere Domino bonum est, et ponere in Domino Deo meo spem meam ]]. (Ps. LXXII, 28). Aussi ne veux-je désormais aucune autre lumière que celle de la foi.
Une fois que je la possède, c’est elle qui doit illuminer ma raison, c’est elle qui doit me transformer par tout ce qu’elle me montre de l’être de Dieu, de mon être et des ineffables rapports que Dieu veut bien établir entre Lui et moi. Qu’est-ce que je puis chercher au ciel, sinon le Dieu infiniment parfait que la foi me révèle? Quid mihi est in coelo et a te quid volui super terram? La lumière de la foi me montrant ce que Dieu est, ou du moins ce qu’il veut que je connaisse de ses perfections, qu’ai-je à faire qu’à m’y attacher et penser à cette infinie vérité et à toutes les autres vérités qu’elle renferme, avec une adhésion absolue de ma part? C’est ainsi, mon Dieu, que je vous croirai en pensant à vous avec tout le consentement d’une foi obéissante à tout ce qu’il vous plaît de m’enseigner.
III. — Vertu de la foi
La foi est un don, c’est Dieu qui nous prévient; nous ne pouvons entrer dans le monde surnaturel que par la foi et l’adhésion de notre intelligence aux vérités de la foi. Tel est le don de Dieu. Tel est, en un sens, cet enseignement du Saint-Esprit : [[ Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem; lorsque cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ]]. (Joan. XVI, 13). Non pas que la foi me manifeste la vérité d’une manière explicite, mais la foi me donne l’aptitude à la recevoir. Il ne suffit pas seulement que les objets se présentent à mon oeil pour que je les aperçoive, il faut encore qu’ils me soient présentés dans la lumière pour que mon oeil soit apte à les recevoir. Il en est de même pour la foi: il faut que j’en aie la lumière, qui m’est donnée par la grâce de Dieu, et par l’aptitude mettant mon âme à même de recevoir la vérité.
Mais cela ne suffit pas, il faut que j’adhère à la vérité. Or, cette vérité est si fort au-dessus de ma portée, que j’ai toujours besoin de faire effort pour m’élever jusqu’à elle, et c’est ce qui constitue la vertu de foi; car la foi veut être méritoire, ou, pour mieux dire, Dieu veut qu’elle le soit. Le mérite consiste à adhérer avec une certaine difficulté, qui n’est autre que la faiblesse de la nature humaine; aussi la foi peut-elle s’augmenter, selon la prière des apôtres à Notre Seigneur : [[ Domine, adauge nobis fidem; Seigneur, augmentez en nous la foi! ]] (Luc. XVII, 5). Oui, notre foi peut s’augmenter sans cesse par l’effort, par l’étude, par la prière, par l’application des principes de la foi à toute notre vie, par la préoccupation constante des vérités que la foi nous enseigne, et que nous pénétrons davantage à mesure que nous les méditons, mais surtout par cet abandon complet à l’autorité divine, à cette Majesté qui a le droit de nous commander, tandis que nous n’avons qu’à nous soumettre et à lui obéir.
Aussi quel danger de perdre la foi, du moment que l’on se sépare de la vérité première, base de toutes les autres! Et l’on comprend que, quelque développement que la foi ait pris en nous, du moment que nous l’abandonnons sur un seul article, toute la foi disparaisse. Pourquoi? Parce qu’il ne s’agit pas de discuter avec l’autorité divine tel ou tel article, plus ou moins difficile à croire; il s’agit de l’autorité infinie sur laquelle tous les articles de la foi reposent. Il importe donc de ne plus discerner. On peut bien chercher à s’éclairer sur telle ou telle partie des vérités révélées, mais il faut que l’adhésion aux vérités subsiste dans leur ensemble.
Seigneur, je vois les vérités s’obscurcir dans une foule d’âmes, sauvez-moi d’un pareil malheur; ne permettez pas que la nuit qui se fait pour tant d’intelligences vienne amoindrir la lumière de ma foi. Les doutes sont grands pour plusieurs. Ne permettez pas qu’ils arrivent jusqu’à m’ébranler. Que je croie toujours, mon Dieu, et que, m’attachant aux enseignements de votre Eglise, ma foi aille s’accroissant sans cesse jusqu’à la pleine lumière de votre gloire dans la patrie!
IV. Des dons correspondant à la foi
Je ne parlerai pas de la crainte; ce don se rapporte plutôt à l’espérance. Et cependant la foi, nous montrant Dieu comme Bien suprême, implique avec elle une certaine crainte de le perdre. Mais cette crainte, pourtant, est un principe de pureté pour l’âme, selon la parole de l’Apôtre : [[ Fide purificans corda eorum; il purifie leurs coeurs par la foi ]]. (Act. XV, 9). Car si la foi nous fait craindre de perdre Dieu, la foi doit nous inspirer tous les sacrifices pour posséder Dieu connu comme Bien suprême.
De plus, ce qui rend un être impur, c’est son mélange avec un être inférieur; au contraire un être se purifie par son mélange avec une nature supérieure, comme l’argent par son mélange avec l’or. De même mon âme, souillée par le contact des créatures, se purifie par l’union avec Dieu dans l’intelligence, en tant que vérité suprême, et c’est ainsi que la contemplation de la vérité révélée par la foi nous communique une plus grande pureté, fide purificans corda eorum.
Mais, pour arriver à cette foi purifiante, les forces humaines seules sont impuissantes; il faut un secours de Dieu, et ce secours, c’est le don d’intelligence : [[ Da mihi intellectum et scrutator legem tuam; donnez-moi l’intelligence et je scruterai votre loi ]], s’écrie le Psalmiste. (Ps. CXVIII). Cette intelligence est bien au-dessus des sens et même de la raison humaine.
Ce don, qui n’est pas la parfaite intelligence des mystères, telle que nous l’aurons dans la gloire, s’unit à la foi et l’augmente; car plus l’âme humaine comprend par la lumière divine, plus elle adhère à ce qu’elle ne voit pas, mais qu’elle sent pouvoir comprendre un jour; et ce travail de l’intelligence se fait par l’étude, la méditation, la prière qui cherche Dieu et s’applique dès ici-bas à le connaître de plus en plus.
En outre, cette intelligence pousse à mieux faire : [[ je garderai votre loi de tout mon coeur, Da mihi intellectum et scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo]]. (Ps. CXVIII). Ce don est dans tout chrétien qui jouit de la grâce, il faut seulement qu’avec l’aide de Dieu il le développe.
La foi s’unit encore au don de science, par lequel nous discernons ce qu’il faut croire de ce qu’il faut ne pas croire. Cependant, ce don de science s’applique plus particulièrement à la connaissance des choses humaines, mais considérée au point de vue surnaturel, c’est la science de la vie au point de vue des intérêts de la cause de Dieu.
Seigneur, donnez-moi l’intelligence des choses divines, la science des choses de la vie, afin que, dans la lumière de la foi, je comprenne, autant qu’il est permis, ce que je dois croire, je pratique ce que je dois faire.