MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0405
  • MEDITATIONS
  • DOUZIEME MEDITATION L'ESPERANCE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 BIEN SUPREME
    1 CIEL
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CRAINTE
    1 CRITIQUES
    1 DESESPOIR
    1 DETACHEMENT
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EFFORT
    1 EGLISE CELESTE
    1 ENFER
    1 ENVIE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPERANCE
    1 ETERNITE DE DIEU
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
    1 FOI
    1 HAINE
    1 HOMME DE PRIERE
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 INCONSTANCE
    1 INTELLIGENCE
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 ORAISON
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATIENCE
    1 PERSEVERANCE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SPIRITUALITE DU RELIGIEUX
    1 UNION DES COEURS
    1 VERTU DE FORCE
    1 VOIE UNITIVE
    2 ABRAHAM
La lettre

[[Spes autem non confundit; l’espérance ne confond pas.]] (Rom. V, 5).

L’intelligence chrétienne illuminée par la foi connaît Dieu avec une force nouvelle, connaît des mystères divins ce qui peut en être pénétré, se rend compte des moyens mis à notre portée pour posséder le bien souverain qui est Dieu, et s’avance ainsi vers le désir de posséder Dieu comme le bien infini, le principe du vrai bonheur.

A ce point de vue, l’espérance est une vertu théologale sur laquelle il importe de méditer, afin de nous rendre compte — et des bienfaits qu’elle nous apporte du ciel — et des devoirs qu’elle nous impose pour atteindre le terme manifesté.

I. — Les biens de l’espérance

Que pouvons-nous désirer de plus que de trouver le bonheur dans le plus grand de tous les biens? Et quel bienfait de Dieu de nous dire: [[ Je t’ordonne d’espérer, et de même que, pour ton intelligence, je suis son objet en tant que vérité première, de même je suis l’objet de tous tes désirs, objet que je te commande de rechercher, et que tu atteindras un jour, pourvu que tu le veuilles généreusement ]]. L’espérance est le soutien de l’épreuve ici-bas; au ciel, il n’y a plus d’espérance, puisqu’elle est réalisée pour les bienheureux; il n’y en a pas non plus pour l’enfer; un des plus cruels supplices, c’est d’avoir perdu l’espérance et d’être livré à un désespoir éternel.

L’espérance nous console, nous rend meilleurs; elle nous fortifie, elle nous pousse vers Dieu.

1° L’espérance nous console au milieu des peines de cette vie. — Elle se présente à nous et nous dit: [[ Non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam quæ revelabitur in nobis; les souffrances de la vie présente n’ont aucune proportion avec la gloire qui doit un jour éclater en nous ]]. (Rom. VIII, 18). Tu souffres, c’est la destinée faite par le péché à l’homme depuis le premier père. Mais tout a un terme. Regarde du côté de la récompense; regarde ce que ma bonté te réserve, et si, pour expier tes fautes, tu as ici-bas des douleurs à endurer, des larmes à verser, regarde le but, regarde le repos, regarde la patrie, et sache comme le voyageur attendre l’heure du retour.

2° L’espérance nous rend meilleurs. — En effet, l’homme qui n’espère plus se précipite dans tout ce qu’il peut rencontrer de jouissances mauvaises, et c’est l’affreux spectacle qui est donné par ceux à qui la perte de la foi a enlevé l’espérance. La vie n’est qu’un enfer pour eux; d’où les murmures méchants, les haines profondes, les révoltes, l’anarchie.

Le travail de l’espérance est un travail d’union, Dieu est un bien que tous peuvent recevoir, sans que rien en soit enlevé. Dieu est un bien auquel toutes les volontés peuvent participer, dont tous les coeurs peuvent jouir, comme tous les yeux de la lumière du soleil; parce que mon oeil est inondé de sa clarté, est-ce une raison pour que l’oeil d’un autre n’en soit pas également inondé? De même pour Dieu, Bien infini, omni présent, il est tout en tous: Ut sit Deus omnia in omnibus. (1 Cor. XV, 28).

Nous nous rencontrons en Lui, et comme pour jouir pleinement d’un beau spectacle, nous avons besoin que cette jouissance soit partagée, de même, pour jouir de Dieu, nous éprouvons le besoin de n’être pas les seuls à profiter de ses dons.

Puis, tandis que tout autre bien est instable, fluide, passager, et que, s’il cause de l’ivresse, il cause en proportion le désenchantement, Dieu est toujours le même, Tu autem semper idem ipse es; il ne connaît aucun changement, Ego Dominus et non mutor; et cette certitude, qu’une fois en possession de Lui, il n’y aura pour celui dont Il sera la récompense qu’un accroissement de bonheur dans la lumière toujours plus grande, ibunt de claritate in claritatem, détruit toute jalousie, donne la paix, et pousse uniquement à accroître notre vertu ici-bas, pour accroître le prix de la couronne là-haut.

3° L’espérance nous fortifie. — La vie est un temps de combat; il faut du courage pour lutter, mais l’espérance nous montre ceux qui nous ont précédés dans la carrière, et nous fait voir combien ils ont courageusement combattu : [[Tantam habentes impositam nubem testium, deponentes omne pondus et circumstans nos peccatum, per patientiam curramus ad propositum nobis certamen; nous donc aussi, ayant sur nous une telle nuée de témoins, après avoir écarté tout fardeau et le péché qui nous enveloppe, courons par la patience au combat qui nous est proposé ]]. (Hébr. XII, 1).

Ce n’est pas tout, l’espérance est très certaine; étant donnée notre bonne volonté, il est certain que nul ne se perd que par sa faute. Dès lors, je dois compter sur le secours de Dieu, le premier élément dont se compose l’oeuvre de mon salut; le second, c’est ma volonté, mais ma volonté dépend de moi, je n’ai qu’à la livrer à l’action de l’espérance, et elle s’accroîtra aussitôt, elle se fortifiera, car, certaine du secours de Dieu, que peut-elle redouter si elle veut une bonne fois se livrer à la grande affaire de la vie, la conquête du ciel?

4° L’espérance nous pousse vers Dieu. — En effet, que devons-nous désirer ici-bas? Quid mihi est in coelo et a te quid volui super terram? L’âme, éclairée par la certitude qu’elle peut posséder Dieu, dédaigne tout autre objet; Deus cordis mei, et pars mea, Deus, in aeternum! Mais aussitôt considérez la hauteur où l’âme, portée sur les ailes de l’espérance, est élevée; elle cherche Dieu seul, et plus elle espère un si grand bien, plus elle se détache de tout ce qui n’est pas Dieu. Ses désirs s’accroissent sans cesse; elle veut posséder Dieu et le posséder pour toute l’éternité : [[ Deus cordis mei, pars mea in aeternum! O Dieu de mon coeur, dit-elle, vous êtes ma part pour l’éternité! ]] (Ps. LXXII, 26). Donnez-moi les divines impulsions de l’espérance pour que rien de ce qui n’est pas vous ne puisse me prendre à ses pièges. C’est vous que je cherche, mon âme n’aspire qu’à vos autels ! Altaria tua, Deus virtutum!

Mais de si grands biens à posséder impliquent, pour les acquérir, l’accomplissement de certains devoirs; examinons ce qu’ils doivent être.

II. — Devoirs de l’espérance

1° Le premier de ces devoirs est de chercher à se rendre compte de ce qu’est Dieu comme Bien suprême. Car nous ne pouvons désirer ce que nous ne connaissons pas, et c’est là la faute de bien des chrétiens de ne pas chercher suffisamment ce qu’ils doivent connaître de Dieu, pour connaître tous les trésors de sa bonté et de sa miséricorde envers nous. Je ne saurais trop insister sur ce point. On ne désire pas suffisamment posséder Dieu, parce qu’on ne s’applique pas suffisamment à connaître Dieu. Or, pour arriver à cette connaissance, il faut l’étudier dans les Saints Livres, dans la méditation. Comment voulez-vous désirer vous procurer des richesses dont vous ne connaissez pas la valeur?

2° Les damnés ont suffisamment la foi pour apprécier quel bien ils ont perdu en perdant Dieu. La foi des damnés, qui fait leur supplice à cause de leur désespoir, doit être pour nous un aiguillon puisque l’espérance nous est non seulement permise mais encore commandé.

Mais pour que cette espérance soit inébranlable il faut en demander l’accroissement en sollicitant les secours nécessaires au salut : aussi le second devoir qui découle de l’espérance, c’est la prière la prière ardente qui jaillit comme un feu de la méditation, et in meditatione mea exardescet ignis; la contemplation de la beauté de Dieu m’embrase de saints désirs et, possédé de ces désirs, je m’élance vers Dieu pour lui demander aide, secours; les secours me sont déjà venus, mais il me faut en demander sans cesse de nouveaux. Si je suspends mes sollicitations, Dieu, dédaigné, détournera de moi son regard; l’aide et l’appui me feront défaut, et je manquerai de force pour arriver au terme de ma course. Oui, je dois être un homme de prière si je veux être un homme d’espérance.

3° Le troisième devoir de l’espérance consiste à accepter les épreuves que Dieu nous envoie; il faut non seulement marcher, mais courir par la patience, per patientiam curramus. Que de murmures ne devons- nous pas supprimer! Que d’impatiences ne devons-nous pas étouffer! Le chemin nous est ouvert du côté du ciel, courons-y par la patience, per patientiam curramus. Ici-bas, tout gît dans la patience qui s’en rapporte à Dieu, et c’est pourquoi il est dit que la patience met la perfection à nos oeuvres, patientia autem opus perfectum habet.

C’est pour cela que, sur le point de terminer sa carrière, l’Apôtre dit: [[ Je sais à qui je me suis confié, et je suis certain que Dieu est assez puissant pour conserver mon trésor jusqu’au grand jour; scio cui credidi et certus sum quia potens est depositum meum servare in illum diem ]]. (II Tim. I, 12). Dieu conserve notre trésor, pourvu que nous le lui confiions et que nous sachions, pour le retirer, attendre son jour. Soyons donc patients, et que les épreuves du temps n’ébranlent plus une patience qui espère dans l’éternité. Marchons dans la patience et, par là, marchons dans la perfection, fille de la patience, patientia autem opus perfectum habet.

Enfin, sachons faire notre choix. Hélas! que de chrétiens veulent être sauvés et n’en prennent pas les moyens! Je ne parlerai pas d’eux, mais je dirai: que de religieux se sont engagés dans la voie de la perfection, et ne cherchent pas à en acquérir les vertus! Eh bien! il faut mettre courageusement la main à l’oeuvre, en étant des hommes de foi et d’espérance. Que les anges puissent dire de nous, en nous voyant poursuivre notre course, ce que le Saint-Esprit a dit d’Abraham: [[ Credidit contra spem in spem! Il a espéré contre toute espérance! ]] (Rom. IV, 18). Toute espérance humaine était perdue pour lui, il était insensé qu’il attendît un fils, mais au-dessus de l’espérance humaine, il s’élança dans l’espérance divine, il crut, il espéra; credidit contra spem in spem : son espérance ne fut pas trompée.

Qu’il en soit ainsi de nous, et l’espérance divine, nous transportant au-dessus de tout ce qui passe, nous ouvrira les portes du ciel; là, elle s’évanouira comme une vapeur lumineuse, mais seulement après nous avoir introduits dans la réalité.

Notes et post-scriptum