MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0419
  • MEDITATIONS
  • QUATORZIEME MEDITATION LA PRIERE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE GRACES
    1 ADORATION
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ANEANTISSEMENT
    1 ANGES
    1 APPRECIATION DES DONS DE DIEU
    1 ATTENTION
    1 AUGUSTIN
    1 BLASPHEME
    1 CHATIMENT
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONTRITION
    1 CORRUPTION
    1 CREATION
    1 CREATURES
    1 CULPABILITE
    1 DEMONS
    1 DISTRACTION
    1 DROITS DE DIEU
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPERANCE
    1 FIERTE
    1 GRACES
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HONTE
    1 HUMILITE
    1 HYPOCRISIE
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMAGINATION
    1 INGRATITUDE
    1 INSENSIBILITE
    1 LEGERETE
    1 LOI ANCIENNE
    1 LOI NOUVELLE
    1 LOUANGE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MAJESTE DE DIEU
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PARDON
    1 PAUVRETE SPIRITUELLE
    1 PECHE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PERSEVERANCE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RECONNAISSANCE
    1 REDEMPTION
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REVOLTE
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 VANITE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIGILANCE
    2 JACOB
La lettre

Je me propose de parler de quelques conditions de la prière, sans lesquelles il est bien difficile que l’on puisse en retirer des fruits avantageux.

Je les grouperai sous six chefs principaux: 1° l’attention, 2° l’humilité, 3° la confiance, 4° la persévérance, 5° l’adoration, 6° l’action de grâces.

I. — L’attention

Il est triste de voir avec quelle légèreté prient la plupart des hommes; entrez dans une église, voyez comment l’on s’y tient, et jugez de l’attention à la prière par la tenue extérieure. Ceci est pour le vulgaire des chrétiens.

Les personnes de piété sont-elles, bien souvent, plus recueillies? Leur tenue extérieure est bonne, je le sais; mais que se passe-t-il au-dedans? Vous adorez le Saint Sacrement; à quoi pensez-vous? Vous assistez à la messe, où est votre esprit? Et même à la communion, que d’égarements d’imagination! Vous êtes dans les relations les plus intimes avec Dieu, quels en sont les actes?

Ainsi va la légèreté humaine : ceci montre sans doute une disposition peu favorable à notre intelligence, et surtout peu flatteuse. Nous ne savons pas nous recueillir, nous ne sommes pas maîtres de nos pensées, nous n’avons aucun empire sur notre imagination : fait déplorable! Et pourtant, quel respect dû à la majesté de Dieu!

Il s’agit de se rendre compte de ses droits sur nous. Se contente-t-il, par rapport à nous, de vaines cérémonies? Nullement. Il ne s’en contentait pas sous l’ancienne loi. Il se plaignait du peu de respect qu’on lui portait: [[ Populus iste labiis suis glorificat me, cor autem eorum longe est a me; ce peuple m’honore du bout des lèvres, mais son coeur est loin de moi ]]. (Is. XXIX, 13). Si Dieu avait le droit de faire ce reproche sous la loi ancienne, où il ne parlait pour ainsi dire qu’en figure; [[ Umbram habens lex futurorum bonorum; où la loi était l’ombre des biens futurs ]] (Hebr. X, 1), à combien plus forte raison ne doit-il pas exiger, sous la loi nouvelle, toute l’attention de notre esprit et de notre coeur. Dieu a le droit d’aller au fond des choses et de nos sentiments les plus intimes : [[ Deus autem intuetur cor; il regarde le fond du coeur ]]. (I Reg. XVI, 7). C’est dans le coeur qu’il met son sanctuaire, c’est sur nous-mêmes qu’il veut que nous nous repliions, afin d’être adoré par nous dans ce qu’il y a de plus pur et de plus parfait au fond de notre vie.

Où en suis-je à cet égard, et comment ai-je considéré, dans ma prière, les droits de l’éternelle Majesté?

II. — L’humilité

Certes, la difficulté que j’ai à me recueillir, quand je suis en présence de Dieu, me devrait donner d’humbles sentiments de moi-même. Que suis-je, en effet, qu’un pécheur tellement entraîné vers les choses inférieures, que je me trouve incapable de m’élever à ce qui est supérieur, à ce qui est divin? S’agit-il d’affaires? S’agit-il de discussions politiques? S’agit-il de plaisirs ? Mon âme y est tout entière. S’agit-il de mon éternité? Je suis aussitôt lâche, incapable, lourd, et les plus graves intérêts ne peuvent plus m’émouvoir. Certes, voilà de quoi avoir, pour ce qui me concerne, les dispositions les plus basses. Non, non, il n’y a pas là de quoi être bien fier.

Mais c’est bien plus encore s’il s’agit de mes relations avec Dieu. Qu’est-Il? Et que suis-je? Il est la perfection, la grandeur, la puissance, la sagesse infinie. Avec quelles dispositions dois-je m’approcher de son trône! Et si je descends au fond de moi-même, quelle misère et quelle corruption, quels prodiges d’ingratitude, quelles dispositions à m’enfler de mérites que je n’ai pas et que je gâte si, les ayant à un degré quelconque, j’en tire vanité! Voilà où j’en suis, où je me laisse entraîner par mon orgueil. Mais combien cet état durera-t-il? Quand saurai-je une bonne fois briser les liens de mon amour-propre et entrer dans une vie d’anéantissement tel qu’il convient à un pécheur, d’autant plus que, si je veux que ma prière porte des fruits, je dois me rappeler la parole : [[ Deus superbis resistit, humilibus autem dat gratiam; Dieu résiste aux superbes et il donne sa grâce aux humbles ]]. (Jac. IV, 6).

Vais-je vers Dieu avec humilité? En se mettant en présence de Dieu, le religieux doit penser avant tout qu’il n’est que cendre et poussière et dès lors : [[ Quid superbis, terra et cinis? Pourquoi t’enorgueillis-tu, cendre et poussière? ]] (Eccl. X, 9). Ah! que je suis insensé, quand je me préoccupe de ce que je puis être un homme de quelque valeur! Non, non. [[ Je ne suis, selon l’expression de saint Augustin, que mensonge et péché; quid habet homo a se, nisi peccatum et mendacium? ]] Si je veux que ma prière pénètre les cieux, il faut qu’elle parte du fond de mon humiliation; Oratio humiliantis se nubes penetrabit. (Eccl. XXXV, 21). Et si je veux avoir devant Dieu une autre pensée que celle de mon néant, je rendrai ma prière parfaitement inutile. C’est pourquoi, loin d’écarter mes péchés, je veux me présenter à Dieu avec eux, avec leur triste cortège; ils me rempliront de confusion, et Dieu ne méprisera pas cette humiliation : il me pardonnera parce que je me serai humilié, et il m’exaucera dans ce que je pourrai lui demander pour revenir à une voie meilleure, à une vie nouvelle.

Voyez mon infirmité, mon Dieu, je la confesse. Hâtez-vous de la guérir et de me donner la force de vous servir désormais dans l’humilité d’un vrai religieux.

III. — Confiance en Dieu

Cette confiance repose sur les uniques mérites de Notre-Seigneur. Je sais que de moi-même je ne puis rien, mais que par la grâce de Dieu je puis tout. C’est sur cette grâce que je veux absolument compter.

La confiance ainsi comprise est un des hommages qui touchent le plus le coeur de Dieu. Nous proclamons que de Lui procède tout don parfait, et du coup nous proclamons et sa bonté et sa puissance; sa miséricorde est sans nombre, pour employer l’expression du Psalmiste : Et misericordiae ejus non est numerus. Oh! que Dieu est facile à^ céder à ceux qui mettent leur confiance en Lui et qu’alors sa puissance aime à se manifester!

Notre misère est immense, son pouvoir est plus immense encore; il commande aux vents et à la mer; aucune tempête qui ne s’apaise quand il lui commande de se taire. Oui, prions avec confiance; Lui-même le prescrit ainsi : [[ Si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis; si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous l’accordera ]]. (Joan. XVI, 23).

C’est que Dieu veut avoir à traiter avec des créatures, sinon grandes par elles-mêmes, du moins agrandies par leurs relations avec Lui; Dieu, dans sa magnificence, veut ennoblir tous ceux avec qui Il communique, pourvu qu’ils veuillent prendre des sentiments dignes de Lui. Ainsi se fait le travail d’élévation surnaturelle que l’Eglise inspire à ses enfants quand elle leur dit: [[ Sursum corda; en haut les coeurs! ]] là où les sentiments se divinisent, où la confiance se fonde sur ce qu’il y a d’excellent dans l’essence de notre Père qui est dans le ciel.

IV. — Persévérance de la prière

Rappelons-nous la Chananéenne : elle prie avec un coeur de mère qui voit son enfant près de sa fin; la mort va la lui ravir; elle poursuit le Sauveur de ses larmes et de ses cris, et le Sauveur ne donne aucune attention à sa souffrance. A la fin, ce sont les disciples qui, pour en être débarrassés, prient Jésus de faire un miracle; et Jésus le refuse même à ses disciples: [[ Il ne faut pas, dit-il, prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens ]]. Quelle dureté apparente! Et la pauvre mère ainsi rebutée, qu’a-t-elle à faire autre chose que de se retirer? Elle s’en gardera bien. Vous connaissez sa réponse, si belle que Notre Seigneur s’écrie : [[ O mulier, magna est fides tua. O femme, votre foi est grande ]]. (Matth. XV, 28). Et ce qu’elle sollicite lui est aussitôt accordé.

Mais Dieu, en exigeant que notre prière soit persévérante, veut nous faire sentir le prix de ses dons que nous sommes beaucoup trop disposés à estimer peu. Il faut donc que nous ne nous découragions jamais.

La persévérance par elle-même est un signe de force et de volonté; mais la persévérance est aussi un exercice qui double, qui décuple cette force, par une sorte de combat avec Dieu, combat dans lequel, comme dans celui de Jacob avec l’ange, il aime à être vaincu. Dieu semble vouloir se retirer, et l’âme, comme Jacob, lui dit : [[ Non dimittam te donec benedixeris mihi; je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni ]]. (Gen. XXXII, 26). Dieu aime cette importunité; Jacob reçoit le nouveau nom d’Israël, c’est-à-dire fort contre Dieu. Dieu a voulu être vaincu, et il le veut être par nous, pourvu que nous persévérions.

V. — L’adoration

Qui songe à adorer Dieu? Qui s’occupe de lui apporter la proclamation de son suprême domaine sur les créatures? Pourtant, que font les anges dans le ciel? Que font les saints dans leur cantique sans fin?

L’adoration, dans la prière, devrait nous manifester les droits de Dieu. Qu’avons-nous que nous ne l’ayons reçu, et si nous l’avons reçu, au lieu de nous en glorifier, pourquoi ne pas rapporter tous ces dons à Celui qui les a répandus sur nous? Ne serait-ce pas le meilleur moyen d’en obtenir de plus abondants encore?

L’adoration a du reste un avantage immense pour nous. Sans doute nous ne pouvons offrir à Dieu que ce qu’il nous a accordé le premier; mais enfin il veut bien faire comme si notre volonté nous appartenait, afin que nous puissions, dans l’adoration, Lui en offrir le libre hommage.

Puis, dans cet acte, nous pouvons l’adorer pour ceux qui ne l’adorent pas. Quand Satan et ses anges furent précipités du ciel, les esprits bienheureux, restés fidèles et fixés dans la gloire pour l’éternité, durent offrir à Dieu des cantiques de réparation et de dédommagement pour l’apostasie de leurs anciens compagnons, et pour donner au Tout-puissant les adorations que les esprits rebelles ne lui présentaient plus. Il en est de même de nous sur la terre. Quand l’âme appelée à la perfection se voit entourée comme d’une désertion universelle, quand le sanctuaire reste seul, quand, au lieu d’hommages publics à Jésus-Christ, le blasphème monte de toutes parts, quand, au lieu de l’adoration due, la révolte s’agite partout, quand la terre semble avoir l’ambition de ressembler à l’enfer, alors il est utile que le dévouement se manifeste.

Je ne crains pas de le dire, c’est l’heure solennelle des religieux; on peut les poursuivre, les chasser, ils ont toujours le sanctuaire de leur coeur; ils ont des adorations intimes, silencieuses, pleines de courage aussi, et celles-ci sont les plus précieuses, parce qu’elles sont toujours accompagnées de l’offrande de la vie de celui qui les présente au trône de Dieu.

VI. — Action de grâces

Quand Notre-Seigneur guérit dix lépreux, il s’en trouvait neuf Hébreux, un seul étranger. Et seul, cet étranger songea à remercier Jésus-Christ.

La reconnaissance a toujours été fort rare dans le coeur de l’homme, et les plus grands bienfaits le laissent bien souvent ingrat. Un Dieu nous a créés, qui l’en remercie? Un Dieu nous a rachetés, qui lui rend amour pour amour? Un Dieu, dans notre ignorance de la louange divine, vient prier en nous avec des gémissements inénarrables; qui prête l’oreille à cette prière intérieure, à laquelle il nous formerait si nous voulions lui donner quelque attention? Ne vaut-il pas mieux solliciter les créatures de nous faire participer à leurs trésors, à leur vanité, à leurs plaisirs, à tous leurs mensonges? Que d’hommes auront passé leur vie sans songer à présenter à Dieu une sérieuse action de grâces pour tous ses bienfaits !

Ah! comprenons cet immense devoir de la reconnaissance. Ecrions-nous souvent : [[ Quid retribuam Domino pro omnibus quae retribuit mihi? Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce que j’ai reçu de Lui? ]] (Ps. CXV, 12).

Rien ne porte Dieu à donner comme de le remercier de ses dons. Ah! soyons reconnaissants et sachons lui offrir tous les remerciements auxquels il a droit. Quand notre prière ne serait qu’une action de grâces continue, elle serait bien puissante pour nous rendre agréables à Dieu. Remercions, remercions sans cesse Dieu de toutes ses largesses; remercions-le même de ce qui nous semble dur de sa part, in omnibus gratias agentes; et plus notre action de grâces sera sincère, aimante, pleine d’élan, plus les dons divins couleront dans nos coeurs, jusqu’au jour où nous recevrons, et pour toujours, le don des dons: Dieu lui-même!

Notes et post-scriptum