MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0456
  • MEDITATIONS
  • DIX-SEPTIEME MEDITATION DES MAUX A COMBATTRE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 AVARICE
    1 CARACTERE
    1 CONNAISSANCE MORALE
    1 DECADENCE
    1 DESOBEISSANCE
    1 EGOISME
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ESCLAVAGE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 HAINE
    1 HAINE ENVERS LA VERITE
    1 HYPOCRISIE
    1 IMPROBITE
    1 INDIFFERENCE
    1 JUIFS
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 LUXURE
    1 MAUX PRESENTS
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RACE DE SATAN
    1 SOCIETE
    1 SOCIETES SECRETES
    1 TIEDEUR
    1 UNION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    2 LEON XIII
    3 ALLEMAGNE
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 RUSSIE
    3 SUISSE
La lettre

[[Vos estis sal terrae, vos estis lux mundi. Vous êtes le sel de la terre, voue êtes la lumière du monde.]] (Matth. V, 13-14).

Je me représente un apôtre sortant du tombeau et jetant un regard sur le monde, pour le comparer avec ce qu’il était lorsque, au terme de sa course, il donna sa vie pour Jésus-Christ. Que penserait-il? Et quels sentiments se formeraient dans son âme, supposé qu’il reçut une seconde fois la mission d’évangéliser le monde?

Ne commencerait-il pas par chercher à se rendre compte de l’état présent du monde? [1] Ne remonterait-il pas aux causes qui l’ont réduit à l’état déplorable où il est? Ne chercherait-il pas, en dehors de la grâce, à quels moyens de zèle son action devrait avoir recours?

Telles sont aussi les trois questions que je vous prie de vous poser, afin de chercher à les résoudre d’une manière utile.

I — Etat présent du monde

Si nous jetons un regard sur le monde occidental, que voyons nous aujourd’hui? Un immense obscurcissement de la foi, quoique à des degrés divers.

Observez : chez les uns, vous trouverez l’indolence la plus absolue pour connaître ce qui est vrai, ce qui est faux; que leur importe? Leur esprit, constamment courbé vers la terre, ne se préoccupe que des choses de la terre; ils se déclarent fatigués de chercher. Ont-ils cherché jamais? Et, avant tout, c’est la paix qu’ils demandent, qu’ils provoquent; ne leur parlez pas d’autre chose que de leurs intérêts, ils n’ont pas le temps de s’en occuper.

Hélas! voilà où en sont les populations ignorantes et chez lesquelles se perd, depuis bien longtemps, la notion du baptême!

Le ciel est pour elles sans espérance, comme l’enfer est sans terreur; la mort, c’est la cessation de l’existence; après quoi, le néant! Cette disposition va s’étendant, avec je ne sais quelle marche fatale. L’homme ne songe qu’à ses organes, vit dans la matière et ne va pas plus loin. On aime la terre, on en a le culte; on est sorti de la terre, on veut y rentrer; le néant est le terme de l’espérance.

Si la pensée d’une vie immortelle s’est retirée, que reste-t-il donc? Le désir effréné de jouir, la haine la plus atroce de ceux qui n’ont pas envers ceux qui ont, et au terme la prévision de catastrophes qui, si elles ne sont arrêtées par la main de Dieu, dépasseront tout ce que l’on a vu de plus épouvantable en fait de carnage et d’atrocités.

Or, dans un état moral pareil, il se trouve des hommes qui ont pris la vérité en horreur, et qui ont voué la haine la plus infernale à l’Eglise. Eux savent qu’il y a une vérité, seulement ils refusent de la connaître et s’appliquent à la détruire chez les autres, de façon que, à côté de l’indifférence à l’égard de la vérité, il y a la haine pour sa lumière. Elle offusque, elle est un remords et une condamnation: à tous ces titres, on n’en veut pas, et voyez, en effet, d’un côté la guerre qui se déclare de la part des ennemis actifs, et de l’autre l’apathie stupide du grand nombre qui laisse faire, et qui ne voit dans les coups portés à la foi qu’une émotion de plus dans une lutte d’un nouveau genre. On aime à voir les animaux se battre entre eux. On n’a plus comme autrefois les gladiateurs; aujourd’hui on a la grande bataille des croyants contre les infidèles; c’est un spectacle, et tout spectacle en soi émeut et amuse.

Quel amour du devoir voulez-vous conserver avec de pareilles dispositions? Il est impossible que la trace ne s’en efface pas d’une façon absolue. De là, la violation des grandes lois de la vie humaine.

Qu’est le commerce, pour beaucoup, sinon le vol organisé sur la plus vaste échelle? Dans toutes ces spéculations, ces entreprises, que cherche-t-on? L’argent, le plus promptement et le plus considérablement acquis; beaucoup avec le moins de temps possible. Mais pour aller vite et gagner gros, il faut donner des entorses à la morale, on les lui donnera et l’on sera surpris de toutes les fortunes, aussi immenses que scandaleuses, opérées en si peu de temps. Voilà pour les haut placés.

Mais en bas, que reste-t-il? Le désir d’imiter, avec une apparence de raison, car les grands voleurs volent pour jouir, et les petits pour vivre; mais, en attendant, le respect du bien d’autrui disparaît; ceux qui ont savent qu’on leur porte envie, et cherchent à défendre ce qu’ils ont acquis par n’importe quelle voie. Ceux qui n’ont pas désirent peu, si vous le voulez, mais en tous cas désirent le bien défendu. Et qui peut affirmer qu’ils ne désirent pas beaucoup, ne fût-ce que pour le partager en rêve avec les compagnons de leur misère, sauf à ne pas le partager du tout s’ils étaient seuls à gagner?

Que dirai-je de l’immoralité? Hélas! que de femmes que l’on trompe, mais que de maris trompés! En certaines populations, qui peut dire en confiance à un homme: [[ Vous êtes mon père? ]] Et il faut bien l’avouer, combien de pères peuvent être sûrs qu’ils ont le droit de dire à l’enfant né sous leur propre toit: [[ Tu es mon fils? ]]

On vole de plus en plus et l’on se marie de moins en moins, voilà le bilan de la probité et de la moralité.

Elevons-nous un peu plus haut. Que sont les caractères que possède une société livrée à toutes les fraudes, à toutes les iniquités, à toutes les débauches coupables? Que peut-on rencontrer dans son sein, en fait de caractères? Rien, rien, ou plutôt le renversement de l’honneur. La loyauté, la droiture, l’énergie, la délicatesse, toutes ces belles qualités ont disparu. Que reste-t-il? L’affaiblissement des habitudes qui se traînent, viles et basses, dans des sentiers obscurs, ennemis de la lumière. Le jour éclairerait de si lamentables aspects? Tant vaut les dissimuler. Ce que l’on fait est-il bien, est-il mal? Qu’importe! pourvu que ce soit utile ou agréable, et rapporte profit ou volupté. Ah ! les grands caractères sont loin.

Voilà pour les hommes positivement mauvais; que dirons-nous d’une catégorie couverte du masque d’honnêtes gens? Qu’est-ce qu’un honnête homme dans le peuple? C’est un ouvrier qui n’a pas été traduit en police correctionnelle. Qu’est-ce qu’un honnête homme dans un rang plus élevé? C’est un homme qui a été plus habile à cacher ses spéculations honteuses, ses vols, ses adultères et ses bassesses pour parvenir. Et où mène cette catégorie de gens? A l’égoïsme le plus effréné, à l’intérêt personnel, au persiflage de tout ce qui est noble et généreux, à l’oblitération du sens moral, au doute, au renversement du respect.

Mais cette tourbe d’honnêtes gens, en ferez-vous jamais une armée? Elle veut des gendarmes pour protéger son bien plus ou moins honnêtement acquis, mais elle ne veut pas autre chose. Ne comptez pas sur elle pour défendre les grandes vérités, les principes, les lois fondamentales, quoique vous puissiez compter sur elle pour défendre les coffres-forts, et encore! Quant à la société,ce n’est pour elle qu’un mot.

Avec des générations pareilles, quel avenir est réservé aux nations? Des châtiments doivent être bien près, à moins que la justice de Dieu, ne voulant un triomphe qui n’appartient qu’à elle, ne veuille manifester sa puissance en tirant un grand bien d’un grand mal.

Quoi qu’il en soit, étudions les causes d’un état aussi déplorable, et recherchons comment il s’est développé; peut-être trouverons-nous un remède applicable, grâce à la miséricorde divine.

II. — Causes de l’état présent

Les causes de l’état présent de l’Europe ne sont pas difficiles à indiquer. D’une part, l’hostilité des gouvernements contre l’Eglise depuis bien longtemps. Que l’Eglise ait eu quelquefois des ministres indignes, qui le nie? Seulement, qui pesait pour la nomination de ces ministres, sinon les princes, les rois, les empereurs? La grande lutte pour les investitures n’était que cela. Il fallait savoir si les peuples seraient gouvernés par des serviteurs de l’Eglise ou par des valets de souverains. Sous prétexte que les biens de l’Eglise venaient des largesses royales, les rois mettaient la main sur toute élection, d’où résultaient, pour les évêchés, des pontifes trop souvent mercenaires, et, pour les abbayes, des abbés prenant les revenus et laissant les religieux mourir de faim et sans règle.

Si les chefs étaient ainsi, que devaient être les Eglises? Et à quels désordres n’étaient-elles pas exposées? Plus d’instruction. Qui l’aurait donnée? Les docteurs se trouvaient d’une ignorance profonde. Qu’en était-il des peuples grossiers? Des réformes furent tentées, mais où en étaient les habitants des campagnes? Où en sont les habitants des villes?

J’ai parlé des usurpations des princes sur les Eglises; elles ont continué toujours. Que dirai-je de leurs scandales? Quand l’exemple mortel tombe d’en haut, en bas qui n’est pas entraîné à l’imiter? Et voyez avec quel empressement l’imitation s’est étendue.

Et de tout cela, qu’est-il résulté? La perte du respect pour l’autorité. Les pouvoirs humains n’ont pas voulu du sceptre de l’Eglise, les peuples ne veulent plus du sceptre de ces pouvoirs. Etudiez, regardez attentivement et considérez ce qui se prépare maintenant que, dans une foule de pays, on a fait de la corruption un instrumentum regni. Il faut être aveugle pour le nier. On dirait que le meilleur moyen de rendre les hommes plus aisément esclaves était de les rendre immoraux.

Mais, au-dessus de tout, pour ne pas remonter trop haut, disons que, après trois siècles, la Réforme, en prêchant la révolte dans la société des intelligences, l’a prêchée du coup dans les sociétés politiques; toutes les nations ont été perverties. [[ Malheur à vous, qui appelez le bien mal, et le mal bien, disait Isaïe; vae qui dicitis bonum malum et malum bonum ]]. Nous en sommes encore là. Il ne faut pas chercher ailleurs la cause première des ravages épouvantables faits dans les sociétés modernes.

Telle est la première cause. Mais le mal qui se pulvérisait en se dissolvant, et passait en quelque sorte à l’état de néant, voulait conserver une apparence de vie, grâce à une organisation. La franc-maçonnerie fut créée. L’homme a toujours de l’attrait pour le mystère, et dès lors il a été heureux de se précipiter dans les Sociétés secrètes. A dire vrai, elles ont subsisté de tout temps. Le mal qu’elles ont fait est incalculable, et, à certaines époques, leur action semble prendre une énergie qui n’est pas de la terre seulement, qui est aussi de l’enfer.

On prétend que, si l’on veut établir l’ordre de cette hiérarchie satanique, il faut voir à la base l’Internationale, puis les Sociétés secrètes de tous les pays, puis les Juifs avec leur haine antichrétienne, puis Satan, dont le culte est incontestablement établi dans les sanctuaires de la secte, qui se couvre du masque de l’athéisme, et dont les chefs feignent une incrédulité qu’après tout ils n’ont pas, car ils croient, mais se livrent à la rage: Credunt et contremiscunt. (Jac. II, 19).

La franc-maçonnerie étend ses rameaux partout, elle a ses adeptes partout. En ce moment, ayant juré la destruction du christianisme, elle semble prête à arriver au terme de ses désirs. Triomphera-t-elle entièrement, non pas jusqu’au point de détruire l’Eglise de fond en comble, mais, si l’on n’y prend garde, au point de lui faire subir des pertes nombreuses? Si l’Eglise, de nos jours, est persécutée en France comme elle l’est déjà en Allemagne, en Suisse et en Italie, tenez pour sûr qu’elle le devra à la franc-maçonnerie.

Du reste, ce que Léon XIII disait naguère de l’état social en Russie, en Allemagne et en France, prouve combien le Chef des enfants de Dieu est préoccupé des attaques incessantes des esclaves du diable. Il y a longtemps que le moment n’avait été aussi solennel; il faut s’attendre à une terrible bataille dont le choc retentira jusqu’aux extrémités du monde, et pendant longtemps.

Le prophète disait à Jérusalem coupable: [[ Perditio tua ex te; ta ruine vient de toi ]]. Rien de plus vrai malheureusement. Les ennemis du dehors seraient bien peu redoutables, si au-dedans le mal n’était grand aussi. Le sel de la terre s’est affadi qui le niera? — sinon partout, du moins sur quels larges espaces! Les études ecclésiastiques trop négligées ne donnent qu’une instruction déplorable pour les peuples et, sans instruction, la foi ne peut que se retirer rapidement; le zèle pour les âmes disparaît du coeur des pasteurs, et les brebis errent dans des pâturages empoisonnés. Ni lumière pour éclairer la nuit qui se fait, ni ardeur pour réveiller les populations endormies aux bords de l’abîme. Cet état n’est pas absolument universel, mais qu’il est général!

Voilà pourquoi il faut réfléchir sérieusement; voilà pourquoi, après avoir réfléchi sérieusement, il faut agir. Comment? Nous le verrons dans un autre entretien.

Notes et post-scriptum
1) Le P. d'Alzon écrivait ces méditations en 1879.