MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0464
  • MEDITATIONS
  • DIX-HUITIEME MEDITATION REMEDES AUX MAUX DU TEMPS PRESENT
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 AUSTERITE
    1 CATECHISME
    1 CERCLES OUVRIERS
    1 CHATIMENT
    1 CITE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CORPORATIONS
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 HOMME DE PRIERE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 JUIFS
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LACHETE
    1 MAUX PRESENTS
    1 OEUVRES DE JEUNES
    1 OEUVRES SOCIALES
    1 PENITENCES
    1 PREDICATION
    1 SACREMENTS
    1 SOCIETE
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 VIE DE PRIERE
    2 JEREMIE
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 MASSILLON, JEAN-BAPTISTE
    3 FRANCE
La lettre

[[Vos estis lux mundi, vos estis sal terrae. Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre.]] (Matth. V, 13-14).

J’ai cherché à indiquer la cause des maux présents; mais faut-il s’en tenir là et, nous livrant à un gémissement désespéré, laisser les choses aller vers les catastrophes? A Dieu ne plaise! Dieu a rendu les nations guérissables et, tant qu’elles auront en elles le principe chrétien, elles pourront revenir à la vie.

Nous avons le droit d’adresser aux catholiques de nos jours la question de Jérémie aux Juifs: [[ Num quid resina non est in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare ergo non est obducta cicatrix filiæ populi mei? N’y a-t-il pas de résine dans Galaad, ni de médecin? Pourquoi donc la plaie de la fille de mon peuple n’a-t-elle point été guérie? ]] (Jer. VIII, 22). Oui, il y a encore des remèdes à présenter aux peuples malades. Oui, on peut encore leur offrir des médecins. Oui, les enfants de l’Eglise peuvent revenir à la santé de l’âme. Mais quels sont ces remèdes?

Je les réduis à six: 1° la prière; 2° la fréquentation des sacrements; 3° la vie austère; 4° l’instruction solide; 5° la prédication; 6° les oeuvres populaires.

I. — La prière

Nous ne saurions trop le répéter, la Révolution a pour elle des auxiliaires très puissants : c’est le cortège des passions et des convoitises humaines, mises en branle par l’enfer. Or, pour guérir des maux que l’enfer s’efforce de multiplier, il faut se transporter dans un monde supérieur, celui de la prière.

Ce qui nous manque surtout aujourd’hui, ce sont les hommes qui prient, qui se placent entre le ciel et la terre pour dire à Dieu : [[ Parce, Domine, parce populo tuo. Pardon, Seigneur, pardon pour votre peuple ]], et qui le lui répètent avec un vif désir d’être exaucés. On a beau dire, les prières autrefois partant des montagnes, des forêts, des solitudes, avaient une puissance merveilleuse pour toucher la justice divine irritée contre le monde.

Mais il ne faut pas seulement prier dans les solitudes et les ombres de la nuit, il faut prier et faire prier dans les villes; il faut donner aux âmes la faim et la soif de la prière. Plus nous irons, et plus la vie chrétienne se retirera, si nous laissons faire la Révolution. Poussons les fidèles à la vie d’oraison.

On voit des contrées où les pieuses habitudes prises se conservent au milieu d’un isolement général des populations environnantes. Pourquoi ne pas pousser à ces dispositions d’une prière fréquente, et pourquoi ne pas former certaines classes à la vie d’oraison?

II. — La fréquentation des sacrements

Si un fait est déplorable, c’est qu’il faille pousser les hommes à communier seulement à Pâques. Quoi ! Ils ont à leur disposition une nourriture divine et ils en profitent à peine une fois par an!

Pourquoi? dit-on. Ah! la réponse est facile; on a tant de peine à trouver les prêtres, les prêtres sont si occupés! D’abord, les prêtres ne sont pas si occupés qu’on le dit. Ensuite, nous tournons dans un cercle vicieux. On n’a pas de prêtres, et c’est pour cela qu’on ne se confesse pas; mais tant qu’on ne se confessera pas, les vocations sacerdotales ne pourront surgir. Le prêtre séculier intelligent confesse le plus possible, pour attirer les vocations, et, quand il en a trouvé, il a donné aux pénitents le moyen d’avoir des confesseurs.

Mais, pour démêler les vocations, il faut soigner les enfants, il faut pousser à la communion, et y pousser surtout ceux qui viennent de communier pour la première fois. Là doit commencer la réforme des moeurs; là doit s’opérer la transformation des âmes. Qu’un chrétien, après le premier banquet eucharistique, soit pénétré du besoin de s’en approcher souvent, il pourra, à un certain moment, perdre la sainteté, la pureté de son âme, sous l’entraînement des passions; mais soyez sûr qu’il aura reçu une empreinte ineffaçable, et un long temps ne se passera pas sans qu’il ait bientôt repris l’habitude chrétienne de revenir chercher sa force contre les combats intérieurs, au fond du tabernacle. Poussons à la communion, poussons-y souvent ceux qui semblent en avoir pris le dégoût; ce dégoût passera vite si on le veut.

Je sais que bien des prêtres n’ont aucun attrait pour la confession, quelle qu’elle soit, mais quel bien se ferait si l’on avait autant d’attrait pour confesser les hommes que les femmes? Poussons les hommes à la confession; excitons-les à la communion, et peu à peu les choses dans la société prendront une autre tournure. Cependant, pour arriver là, il faut aimer l’Eucharistie; il faut, au fond de l’âme, avoir le feu sacré pour les intérêts de Jésus-Christ. Il faut, non pas seulement attendre les malades, il faut leur offrir le remède, et pour cela commencer une bonne fois à établir entre le coeur du prêtre et celui du Sauveur une alliance intime.

III. — La vie austère

Qu’est la vie de la plupart des chrétiens? Quelle mollesse et quelle lâcheté! Quelle recherche de toutes les commodités et des aises ! Quelles déplorables habitudes d’énervement!

Pour remonter le courant, il faudrait de très grandes épreuves; et qui nous dit que la Providence ne veut pas nous les ménager par les souffrances présentes de l’agriculture et du commerce? Ce que l’on ne fait pas de plein gré, on le fait par force, et les austérités de la vie s’imposeront d’elles- mêmes quand on en sera réduit à mourir de faim. Ce sont sans doute des spectacles douloureux, mais, hélas! et je le dis en tremblant, si Dieu nous éprouve, ne l’avons-nous pas mérité?

Ah! reprenons, pour nous d’abord, plus de sévérité dans notre vie personnelle, et bientôt nous pourrons la prêcher plus aisément. Fuyons le luxe pour nous, et nous aurons le droit d’en demander la diminution pour les autres. Car, après tout, les exigences de la vie matérielle prennent les proportions les plus funestes. Qui peut donner aux bonnes oeuvres quand on doit n’avoir jamais assez pour soi? Sollicitons la charité des chrétiens et donnons-leur l’exemple. Sachons nous dépouiller, et nous verrons que d’autres se dépouilleront.

La vie austère a un autre avantage. On s’est fait l’idée la plus étonnante de la bonté de Dieu, comme si Dieu n’était pas infiniment bon parce qu’il est infiniment juste, et comme si, dans l’ordre des perfections divines, ces deux attributs n’étaient pas inséparables! Dès lors, confions-nous à la bonté de Dieu pour nous pardonner, mais à la condition que nous aurons apaisé sa justice par une vie austère qui, prenant un caractère de pénitence, ne sera que le sentiment de ce qui est dû aux droits de Dieu. Poussons, par nos exemples, les chrétiens à la pénitence, et Dieu se laissera toucher.

Loin de là, que de chrétiens s’efforcent d’aller jusqu’aux limites de ce qui est permis, et ne songent pas assez que, quand la colère de Dieu est allumée, il ne s’agit pas seulement de ne pas la provoquer à nouveau, mais de l’éteindre par de nécessaires réparations!

IV. — L’instruction solide

On étudie malheureusement peu, très peu, et la conséquence, c’est que l’on instruit mal. On se croit en état de donner un enseignement convenable aux gens grossiers, et c’est là une très grave erreur. Quiconque a pris part quelques années aux examens des jeunes prêtres, peut dire ce qui leur reste de la théologie quand on les interroge. Quelle ignorance! Quel oubli de ce qu’ils ont étudié pendant plusieurs années!

Eh quoi! des hommes préparés par de longs temps d’études sont souvent hors d’état de répondre aux questions d’un programme connu à l’avance, et l’on veut que les mêmes connaissances restent dans l’esprit des hommes dont le front est sans cesse courbé sur un travail matériel! Ils ont besoin qu’avec eux on revienne sans cesse sur les grandes vérités, qu’on les leur explique, qu’on les mette à leur portée; et cette communication répétée des vérités fondamentales exige un travail constant; d’autant plus que l’homme est un animal d’imitation; il voit le prêtre traiter légèrement l’enseignement; est-il étonnant qu’à son tour il traite sans respect ce qu’on lui enseigne?

L’indifférence du catéchiste explique à merveille l’indifférence du catéchisé. Que de doutes sont venus dans de jeunes âmes, parce que les hommes chargés de leur inculquer les vérités de la foi ne le faisaient pas avec une application convaincue dans leur enseignement! Celui qui instruit croit pouvoir se réserver le privilège de traiter la doctrine sans aucun égard, et il s’étonne qu’on la traite avec mépris; ou plutôt, il ne s’étonne de rien, parce qu’il ne s’en occupe pas.

V. — La prédication

Qu’est la prédication de nos jours? Ah! c’est ici qu’il faut gémir: verba et voces, praetereaque nihil, des mots et des sons, et en dehors de cela, rien! On fait des phrases comme au temps de Massillon, des caricatures du P. Lacordaire, on se gonfle dans une sotte vanité et dans un surplis plus ou moins élégant, et c’est tout! Et que reste-t-il de cette semence évangélique? Mais était-ce vraiment une semence quelconque et qu’avait-elle d’évangélique? Grave question que celle-là!

La prédication doit avoir trois buts : instruire en présentant la vérité sous un jour intéressant et qui, en éclairant, donne le désir de s’instruire davantage; convaincre et persuader, en un mot, convertir; enfin sanctifier, par l’entraînement vers un monde supérieur. Qui s’instruit assez pour instruire? Je parle surtout des hommes. Qui a une horreur suffisante du péché pour la communiquer aux pécheurs? Qui a une ardeur telle pour la sainteté qu’il allume des désirs pratiques de sainteté chez les âmes qui y sont appelées?

Quand reviendrons-nous à la prédication vraiment apostolique, basée sur une oraison où l’on se fait entièrement l’instrument de Notre-Seigneur, sur des études suffisantes pour être capable d’enseigner avec clarté et avec l’élévation convenable aux intelligences cultivées, sur l’amour des âmes sauvées par le sang de Notre-Seigneur et que l’on veut à tout prix arracher à l’enfer, sur le sentiment profond que Dieu veut encore des saints et qu’il faut lui en préparer, soit par la prédication qui les attire, soit par une sage direction qui les forme et leur donne le désir de tendre à tout ce à quoi Dieu les appelle? Les voies sont diverses, mais chacun peut donner bien plus qu’en général il ne donne. C’est du coeur du prêtre que le mouvement doit partir, surtout si ce prêtre est un religieux.

Seigneur, donnez-nous beaucoup de saints prêtres et de saints religieux qui, à côté de l’action publique, exercent encore cette action intérieure qui transporte les âmes dans la lumière de la vérité et les flammes de l’amour.

VI. — Les oeuvres populaires

[[ Evangelizare pauperibus misit me: Je suis envoyé pour évangéliser les pauvres. ]] (Luc. IV, 18). Telle est la règle que Jésus-Christ semble s’être donnée. Et il donne comme preuve de sa mission que les pauvres sont évangélisés, pauperes evangelizantur. (Luc VII, 22).

Qui s’occupait des pauvres à cette époque? Aujourd’hui on fait pire, on s’en occupe pour les pervertir. Alors on voyait de vastes troupeaux d’esclaves soumis à des maîtres durs, et qui en faisaient les plus dégradés instruments de leurs passions. Aujourd’hui on fait, des masses populaires, des instruments d’ambition et des esclaves du mensonge. La perte de la foi et des espérances éternelles leur courbe l’appétit sur les voluptés matérielles et leur arrache du coeur toute fibre aimante. On ne veut leur laisser que la haine. Eh bien! il faut encore recommencer l’évangélisation des pauvres. Il faut s’occuper d’eux, aller au-devant d’eux.

Si quelque chose peut donner quelque espérance, c’est la manière dont s’occupent des pauvres, des ouvriers, un certain nombre de prêtres et de vaillants laïques. Certes, les oeuvres sont multiples; les conférences de Saint-Vincent de Paul, les oeuvres de Saint-François Régis, les cercles ouvriers, les oeuvres de jeunesse, l’association de Saint-François de Sales, les corporations ouvrières ne sont pas, chacune prise à part, le salut de la France, mais toutes réunies forment des corps humbles et modestes tant qu’on voudra, mais qui, en se groupant dans un lien de charité commune, amèneront incontestablement la préparation d’une armée puissante.

Il faut s’occuper des ouvriers, il faut s’occuper des délaissés, aller à leur rencontre, leur prêcher ce qu’ils ignorent, leur montrer la voie de la réconciliation et de l’apaisement, leur donner la science de souffrir, et vous serez surpris comment peu à peu la paix se fera dans les âmes, et comment cette paix, apportée à des âmes égarées, mais faites pour être bonnes, amènera le triomphe de l’Eglise et de Jésus-Christ dans le monde.

Notes et post-scriptum