MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0491
  • MEDITATIONS
  • VINGT ET UNIEME MEDITATION VOEUX
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ADMISSION AUX VOEUX
    1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE DIVINE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHOIX
    1 DEFECTIONS DE RELIGIEUX
    1 DELIBERATION
    1 ESPRIT GENEREUX A L'ASSOMPTION
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 INFIDELITE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 MANQUEMENTS A LA VIE RELIGIEUSE
    1 PERSEVERANCE
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RENONCEMENT
    1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TYPES DE VIE RELIGIEUSE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 DAVID, BIBLE
    2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
La lettre

[[Vota mea Domino reddam; je rendrai mes voeux au Seigneur.]] (Ps. XXI, 26).

David sur son trône offrait des voeux à Dieu, comme le sacrifice qui pût lui être le plus agréable; la loi nouvelle les a acceptés, sanctifiés, consacrés, et rien n’est utile comme de faire des voeux, à condition qu’ils seront sérieusement faits.

La question est très grave, et je vais la traiter le plus simplement possible. Peut-être ne serai-je pas complet; j’espère cependant dire l’essentiel.

I. — Au principe des voeux

Partons d’abord de ce principe que la plénitude de la loi, c’est l’amour.

La loi chrétienne est une loi de charité, mais il peut arriver que cette charité, à cause même de sa plénitude, ne se contente pas de la loi. Il lui faut quelque chose de plus pour prouver son intensité. Il lui faut plus que des préceptes. Il lui faut des conseils, non pas seulement ce que Dieu ordonne, mais encore ce à quoi il invite.

Les conseils évangéliques sont multiples. Pourtant l’Eglise en propose trois principaux à ceux qui veulent arriver à la perfection : la pauvreté qui dépouille de ce que l’on possède, la chasteté qui sacrifie les sens, l’obéissance qui immole la volonté.

Or, le voeu n’est pas seulement une simple intention de la volonté, qui incline vers telle ou telle habitude, et qui nous porte à faire un acte bon, à fuir un acte mauvais. Le voeu est une promesse de faire ou de ne pas faire ceci ou cela, avec délibération de la raison, à laquelle il appartient de mettre l’ordre dans la vie. Evidemment, quand nous écoutons la voix intérieure, quelque chose nous dit au fond de la conscience : [[ Amice, ascende superius; mon ami, montez plus haut! ]] (Luc, XIV, 10). Mais jusqu’où? C’est là le secret de Dieu qui appelle et de la volonté qui répond. Tous ne sont pas appelés à faire des voeux, mais quelques-uns sont invités à en faire.

Qu’implique donc le voeu pour se laisser resserrer avec ces liens?

Trois conditions :

1° Il faut qu’il soit fait avec délibération ; l’absence de cette condition rend bien des voeux nuls. On s’est laissé entraîner par un enthousiasme factice; on croit avoir fait un voeu, et il n’est pas fait. C’est pourquoi rien d’important comme de faire un voeu, quand on en fait en toute maturité, réflexion, délibération. Faire un voeu à la légère, c’est manquer au respect dû à Dieu à qui on l’offre. Vous voulez vouer un sacrifice à Dieu? Vous faites bien, à la condition que l’acte sera réfléchi de votre part.

2° Il faut une résolution de la volonté. Sans doute, l’intelligence doit peser mûrement le pour et le contre, mais c’est à la volonté de prendre sa résolution, à rendre, si je puis le dire, son jugement pratique. Pour en arriver là, il faut une certaine énergie.

3° Mais cela ne suffit pas. Il faut enfin une promesse formelle, par où se complète la résolution du voeu.

Ainsi délibération, résolution, promesse positive, telles sont les conditions fondamentales de tout voeu, à quoi il faut ajouter, pour la vie religieuse: acceptation des voeux par l’Eglise; car elle ne les accepte pas toujours les voeux solennels, par exemple, pour certaines Congrégations plus récentes. — Cela se comprend. Pour qu’un acte soit méritoire, il faut qu’il soit agréable à la personne pour qui on le fait, ou à qui on l’offre. Si elle dit: je n’en veux pas, évidemment il n’a pas de raison d’être, il est comme s’il n’était pas.

II. — Objet des voeux

On voit par là que, si on est libre d’offrir à Dieu une chose bonne qui lui soit agréable, on n’est pas libre de lui offrir une chose mauvaise et qu’il repoussera très certainement.

De plus, le voeu ne porte en général que sur ce qui n’est pas obligatoire, car la loi est là pour me saisir toutes les fois qu’elle m’oblige, et alors je n’ai plus à délibérer. Puisque le voeu s’étend au-delà de la loi, il implique quelque acte de vertu et je suis obligé d’accomplir cet acte, en conséquence de la résolution prise par ma volonté et offerte à Dieu.

J’ajoute que, le voeu étant de tous les sacrifices le plus parfait, puisqu’il va au-delà de ce qui oblige, et qu’il plonge dans ce que l’homme a de plus intime, la délibération de son intelligence et la résolution de sa volonté, il implique une idée d’adoration, de reconnaissance du domaine de Dieu, d’où il suit que violer un voeu, c’est détruire, retirer au moins, un acte d’adoration. Il en résulte qu’il y a péché à revenir sur les voeux faits, à moins que l’on en soit dispensé par un motif supérieur de charité plus parfaite.

III. — Observation des voeux

J’aborde la question si terrible de l’observation des voeux.

Le Saint-Esprit a dit : [[ Quodcumque voveris, redde; multo enim melius est non vovere, quam post votum, promissa non reddere; Si vous avez fait un voeu quel qu’il soit, acquittez-vous-en; car il vaut beaucoup mieux ne pas faire de voeu que de ne pas acquitter ses promesses, après les avoir faites ]]. (Eccli. V, 3, 4). C’est que, en effet, rien n’est sérieux comme les voeux faits à Dieu; il s’agit de sa majesté et de la perfection de notre âme, il s’agit souvent de notre salut.

[[ L’homme, dit saint Thomas, doit sa fidélité à Dieu, en raison du domaine divin sur toute créature, et en particulier sur toute créature intelligente; en raison de ses bienfaits de tous les instants; en raison des promesses faites par l’homme. ]] Ce triple lien est admirable, et l’on ne comprend pas que l’on ne soit pas heureux de le conserver. Pourtant, que d’hommes se révoltent contre l’autorité divine, sont ingrats envers la bonté infinie, et, après s’être engagés par des promesses solennelles, retirent honteusement leur parole.

Aussi le Saint-Esprit ne craint-il pas de comparer le voeu violé à une sorte d’infidélité : Displicet Deo infidelis promissio. (Eccl. V, 3). C’est pourquoi, quand on a eu le bonheur de s’engager par des voeux, faut-il faire tous ses efforts pour les tenir. Question des plus effrayantes, et sur laquelle il importe d’insister.

Car, après tout, que de religieux qui font des voeux et cherchent à secouer le joug, oubliant cette parole : [[Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu ]]. Peut-être leur infidélité vient-elle de ce qu’ils n’ont pas suffisamment réfléchi à la nature de pareils engagements, à la gravité de l’état d’une âme qui se lie à Dieu de la manière la plus forte, et qui ne sait plus tenir ses serments. Ah! qu’il importe de réfléchir là-dessus! Qu’il est nécessaire de ne se faire aucune illusion afin que, si la tentation venait nous assaillir, nous puissions savoir comment lui résister!

IV. — Utilité des voeux

Est-il utile de faire des voeux? Quand on fait des promesses à un homme, c’est dans son intérêt; c’est lui qui, en général, provoque un engagement de notre part où il trouve son avantage. Mais quand nous faisons une promesse à Dieu, il ne peut se trouver d’autre utilité que la nôtre. De là cette parole de saint Augustin : [[ Quod Domino redditur, reddenti additur; ce qui est donné à Dieu est surajouté comme un bien de plus à celui qui donne ]].

Tout acte fait pour Dieu aura sa récompense : dès lors quelle récompense n’obtiendront pas les actes les plus excellents de la vie chrétienne, des actes qui n’ont d’obligatoire que ce que notre volonté leur imprime!

On dit que le voeu te la liberté absolue. J’y reviendrai ailleurs. Ce qui est sûr, c’est que Dieu, parce qu’il est, en raison de sa perfection infinie, dans l’impossibilité de pécher, n’en est pas moins infiniment libre pour cela, l’être le plus parfait étant nécessairement le plus libre, parce que sa perfection même rend sa volonté plus forte.

Que Jésus-Christ n’ait pas pu faire de voeu, cela est incontestable. Dieu, infiniment parfait par nature, ne peut pas se promettre à lui-même de faire des actes de perfection, puisqu’il les accomplit par le fait même de son essence. Toutefois Dieu jure par lui-même: [[ Quia per memetipsum juravi, dicit Dominus ]]. (Jer. 49, 13). Mais c’est un serment fait aux créatures, ce n’est pas un voeu.

Les Apôtres, au contraire, ont pu faire des voeux, et c’est la croyance de l’Eglise qu’ils ont pris à la lettre les conseils de la vie apostolique. et qu’ils ont tout au moins vécu en pauvreté et chasteté. Quant à l’obéissance, mus qu’ils étaient par le Saint-Esprit, ils étaient, peut-on dire, d’une manière spéciale sous sa dépendance. D’où cette parole de saint Pierre: [[ Obedire oportet Deo magis quam hominibus; jugez vous-mêmes s’il ne vaut pas mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ]]. (Act. V, 29). Mais la question n’est pas là; elle consiste à savoir s’ils ont suivi tous les conseils évangéliques que comportait leur position exceptionnelle; et ceci est hors de tout doute pour qui réfléchit à leur situation de pierres fondamentales de l’Eglise de Jésus-Christ.

V. — Acte par excellence:

Faire des voeux est un acte de religion, de culte, d’adoration. Faire des voeux de religion, c’est offrir à Dieu le culte le plus excellent:

Parce que le voeu est un acte de latrie qui nous met en rapport avec Dieu.

Ce n’est pas tel ou tel acte qui est bon ou mauvais en lui-même, c’est l’intention avec laquelle il est accompli qui en fait la bonté ou la malice : [[ Nec ipsa virginitas, quia virginitas est, sed quia Deo dicata est, honoratur, dit saint Augustin; même la virginité n’a pas de valeur parce qu’elle est la virginité, mais parce qu’elle est consacrée à Dieu ]]. Si la virginité même n’emprunte son mérite que de celui à qui elle est consacrée, à combien plus forte raison tous les autres voeux!

2° Parce que le voeu nous met davantage dans la dépendance de Dieu, ce qui est excellent. Je n’insiste pas là-dessus, tant c’est évident. Enfin, parce que le voeu donne à notre volonté quelque chose d’inébranlable.

D’une part, si l’obstination dans le péché en augmente la malice et la gravité, n’est-il pas évident, d’autre part, que la stabilité dans le bien en augmente le mérite? Voyez Dieu: comme il est immuable! Le propre du voeu consiste à nous faire imiter en quelque façon son immutabilité. Si Dieu ne peut changer parce qu’il est infiniment parfait, n’est-il pas clair que cette impossibilité du changement, où nous met le voeu, nous fait participer en quelque chose à la perfection de Dieu même?

C’est pourquoi on appelle état de perfection celui dans lequel on se consacre à Dieu de la manière la plus absolue pour son service et sa gloire; et c’est encore pourquoi l’état religieux est comparé à l’holocauste, le sacrifice le plus parfait de ceux de la loi figurative.

Aussi saint Grégoire Pape ne craint-il pas de dire: [[ Sunt quidam qui nihil sibimetipsis reservant, sed sensum, linguam, vitam atque substantiam quam perceperunt omnipotenti Deo immolant; il y en a qui ne se réservent rien, mais sacrifient au Dieu tout-puissant tout ce qu’ils en ont reçu: les sens, la langue, la vie et tout ce qu’ils ont! ]] Que voulez-vous de plus pour faire du religieux qui s’immole ainsi une victime parfaite?

VI. Les trois voeux essentiels

En dehors des trois principaux conseils qui se traduisent par les voeux de religion, tous les religieux ne sont pas tenus à tous les conseils évangéliques.Saint Thomas fait observer qu’il en est qui se contredisent. Ainsi la vie purement contemplative ne peut aller avec la vie d’action et de bonnes oeuvres. Mais chaque famille religieuse a ses conseils spéciaux : le Chartreux, la solitude; le Trappiste, le travail des mains; le fils de saint François, l’abandon à la Providence; le Dominicain, la prédication; et c’est ce qui constitue la beauté de cette grande armée de l’Eglise formée par les Ordres religieux: chaque légion y a ses armes propres, sa discipline, son but particulier, dont le tout forme le plus merveilleux ensemble de sainteté que la terre puisse présenter au ciel.

Je n’ai pas besoin d’établir que le sacrifice de ses biens, de son corps, de sa volonté, constitue la perfection, car c’est tout ce qu’a l’homme et tout ce qu’il est.

Finissons en disant que, si l’état du religieux est plus parfait que celui du simple fidèle, si ses mérites sont plus grands, ses prévarications sont aussi plus graves et la violation de ses engagements sacrés plus horrible.

Que Dieu nous préserve de pareils malheurs. Qu’en nous faisant goûter le privilège de nos engagements, il nous y fasse trouver le plus grand bonheur sur la terre, en attendant le torrent de délices dont il inondera ceux qui l’auront plus aimé et plus parfaitement servi ici-bas.

Notes et post-scriptum