MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0507
  • MEDITATIONS
  • VINGT-TROISIEME MEDITATION TRAVAIL
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AFFRANCHISSEMENT SPIRITUEL
    1 AUGUSTIN
    1 BAVARDAGES
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CIEL
    1 CONCUPISCENCE DE LA CHAIR
    1 DESOBEISSANCE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 ENERGIE
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 FOI
    1 HANDICAPS
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAUVAISES LECTURES
    1 ORGUEIL
    1 PARESSE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 RELIGIEUX
    1 REPOS DU RELIGIEUX
    1 TENTATION
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERITE
    1 VERTUS
    1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 ADAM
    3 FRANCE
La lettre

[[In sudore vultus tui vesceris pane; tu mangeras ton pain à la sueur de ton front.]] (Gen. III, 19).

Terrible sentence portée contre le premier père après le péché et qui, avec le péché transmis à sa postérité, s’applique aussi aux enfants d’Adam!

Il faut travailler, parce que nous sommes coupables et que le travail est imposé à tous les pécheurs. Nous ne cesserons d’être condamnés au travail que quand nous aurons reconquis l’innocence primitive. A ce point de vue le travail est: 1° Un châtiment; 2° Une préservation; 3° Un affranchissement.

Mais nous sommes chrétiens, et depuis que Jésus-Christ a sanctifié le travail, nous y trouvons : 1° Une élévation de notre intelligence; 2° L’ennoblissement de notre caractère; 3° Le culte de Dieu;, 4° La victoire.

I. — Travail imposé aux pécheurs

1° Le travail est un châtiment. – Le Maître par excellence l’a dit : il avait placé le premier homme dans un jardin de délices, et l’homme devait cultiver cet admirable jardin. Du moment que tout y était délices et volupté, in paradiso voluptatis, rien ne devait y être pénible, fatigant, excessif, douloureux. Mais quand l’homme se fut révolté contre Dieu, la terre et ses produits se révoltèrent contre l’homme, et l’occupation agréable se transforma en un dur travail. Les ronces et les épines ayant pris la place des plus belles plantes et des fruits les plus magnifiques, le travail des mains devenait une fatale nécessité : ou mourir, ou travailler! Tel fut le sort des premiers hommes. S’il en fut ainsi, la mort, ce châtiment définitif, fut précédée du travail, châtiment avant-coureur.

Or, sommes-nous moins pécheurs que notre premier père? Et si nous sommes pécheurs comme lui, il faut comme lui travailler. Comment? Dans une proportion égale au besoin que nous avons de nous nourrir. Ceci est très humiliant, mais là est la raison du châtiment. L’orgueil est le principe de la révolte, le châtiment de l’orgueil est l’humiliation que le travail procure.

L’esclave a sa chaîne de fer; l’homme, esclave du péché, a sa chaîne aussi: le travail. Il la portera jusqu’au tombeau, et s’il ne la porte pas volontairement, malheur à lui! Car sa chaîne et son châtiment seront bien autrement rudes de l’autre côté de la tombe. Donc obligation de courber la tête sous le joug du travail.

Ne dites pas : d’autres travailleront pour moi. Si vous êtes pécheur, c’est votre travail et non celui des autres qui est demandé.

Ne dites pas : j’ai le droit de me reposer. Pendant ce repos excessif, — car je ne condamne pas un repos légitime, — péchez-vous moins? Et si vous péchez davantage, n’ai-je pas le droit de conclure que vous avez besoin d’un redoublement de travail? Etrange situation ! Vous vous reposez et vous péchez. Hâtez-vous de reprendre votre travail, pour ne pécher plus, ou pour pécher beaucoup moins.

2° Le travail est une préservation. – Si le travail est un châtiment que nous sommes tenus d’accepter ou, pour mieux dire, que Dieu nous impose, il est encore une préservation. Sous ce rapport, je tremble pour les personnes qui prétendent avoir besoin d’un repos prolongé.

Les infirmes, il est vrai, ne peuvent travailler. Danger terrible, car, si la pointe de la douleur ne les force à se tourner vers Dieu, combien je tremble pour ces êtres affaiblis dans leur corps, et qui, de la faiblesse physique, croient pouvoir conclure au droit de plonger leur âme dans une inertie morale qui les amoindrit tous les jours. Confondant le repos avec l’oisiveté, ils s’exposent aux périls les plus grands.

Remarquez qu’Adam, placé dans le Paradis terrestre, n’était pas sans doute condamné à de fatigants labeurs; mais il était occupé. [[ Posuit eum in paradiso voluptatis ut operaretur eum. ]] (Gen. II, 15). Or, que de personnes se figurent que le repos consiste à ne rien faire! Et c’est pendant ce temps d’oisiveté que Satan vient. Les conversations dangereuses s’engagent on y prend plaisir, le mal envahit la pensée; l’imagination se souille par le fruit défendu, les mauvais livres, les mauvais plaisirs; les sens se révoltent et l’innocence se perd. Triste fruit de l’oisiveté! Ah! si, tout en se reposant, on s’était occupé d’une manière saine, si on avait surtout repris le travail quand on sentait la tentation venir, que de chutes n’eût-on pas évitées, et sous le poids desquelles on est condamné à gémir!

Mais travailler est dur. Le purgatoire et l’enfer sont plus durs encore!

D’ailleurs, voyez un fait incontestable : c’est que la paresse enfante bien souvent l’affaiblissement de la foi. Si vous aviez une ardeur chrétienne pour le travail, vous auriez bien moins de peine à croire aux châtiments imposés par la justice de Dieu; mais pour cela, il faut avoir une certaine énergie que donne le travail, une certaine confiance qu’on fait ce que l’on peut. Cette énergie, on ne l’a pas, on ne travaille pas, et tout porte à dire: Dieu n’est pas si cruel, donc ses châtiments dans l’autre monde ne sont pas si terribles. Ils ne seront pas ce que nous nous les serons figurés.

Ils seront ce que la Sagesse, la Justice et l’Amour méprisés auront jugé à propos de les faire. Telle est la situation vraie. Voulez-vous vous préserver des châtiments divins? Travaillez, non seulement pour payer la dette du péché, mais pour vous préserver de péchés nouveaux.

3° Le travail est un affranchissement. – Rien de plus évident. [[ Qui facit peccatum, servus est peccati : celui qui commet le péché est esclave du péché ]]. (Joan. VIII, 34). Mais si vous donnez la solde du péché, vous vous affranchissez d’autant. Sans doute, cette dette ne sera pas entièrement payée par vous; il y faut les mérites du Sauveur.

De toutes manières il est certain que Dieu a imposé le travail, et que le travail accompli diminue la peine.

Remarquez : je laisse de côté l’homme sur qui pèse le péché d’origine; je prends le chrétien qui, après le baptême, a besoin d’être absout; il l’est: reste la peine de son péché. Prenez deux de ces pécheurs pardonnés. Chez qui supposez-vous que le péché disparaisse plus facilement par l’expiation? Chez l’homme livré à la paresse, ou chez l’homme laborieux? Poser la question, c’est la résoudre.

Jésus-Christ a dit: [[ La Vérité vous délivrera ]]. Mais pour être délivré par la vérité, il faut la connaître, se livrer à un travail d’étude.

Plus on aura de vérité divine, plus on sera libre. Or, ceci implique le travail, au terme duquel la liberté sera d’autant plus grande que la vérité conquise par le travail sera plus abondante.

II. — Travail proposé aux chrétiens

Mais vous voilà devenus enfants de Dieu et de l’Eglise; il n’en reste pas moins que vous n’êtes pas impeccables. Si vous péchez, vous avez besoin, nous venons de le voir, d’expiation, de châtiment; et si vous êtes sujets au péché, vous êtes tenus de faire ce qui dépend de vous pour le fuir; si vous en êtes esclaves, vous devez, par tous vos efforts, tendre à la liberté des enfants de Dieu que vous connaissez malheureusement bien peu. Eh bien! vous avez à faire plus encore.

1° Elévation de l’intelligence. — Vous avez à donner à votre intelligence le développement convenable. Entendons-nous. Si le sol que nous foulons est une terre que nous soyons obligés de féconder par la sueur de notre front, in sudore vultus tui, notre âme est un champ fait pour recevoir la vérité, et la parabole de l’Evangile nous montre le grain, jeté par le semeur, donnant des produits divers selon le terrain au milieu duquel il tombe. Or, vous êtes obligé de faire produire à votre intelligence tout ce qu’elle est capable de rendre au céleste agriculteur.

Je suppose que vous êtes affranchi des travaux matériels. Restent les travaux de la pensée.

Que faites-vous à cet égard? Et que de tristes spectacles sont donnés de nos jours par les intelligences atrophiées sous le poids d’une horrible paresse! De là des êtres vulgaires comme les pensées où ils se complaisent. On répétera de vaines formules, où l’on se complaira; et les instruments de Satan, sachant bien que l’on ne demande pas mieux que de se payer de vains mots derrière lesquels la paresse s’abrite, les répandront avec sonorité; la propagande révolutionnaire se fera, et le mal aura gagné de la façon la plus déplorable. Ah! qui nous donnera de laborieux chrétiens, épris de la passion de la vérité, qui l’étudient avec transport? Il en faut partout, dans le clergé, dans les cloîtres, mais surtout dans le monde. Or, une grande plaie de la France, c’est que nous en avons bien peu.

2° Ennoblissement du caractère. – Qu’est-ce que le travail chrétien? C’est l’effort pour dompter les difficultés. C’est une lutte constante, dans laquelle le caractère s’agrandit en se fortifiant par le combat.

3° Le travail est un culte rendu à Dieu. – Le temple a ses solennités, sa liturgie, ses rites, et il convient qu’il en soit ainsi; mais il convient aussi que Dieu soit honoré par un culte constant. Ce culte, on peut dire que c’est le travail, quand le travail est un effort librement accepté, et quand cet effort est un acte d’amour.

Sans doute là où il y a amour, il n’y a pas de travail, ou du moins le travail devient un aliment et une preuve de l’amour : [[ Ubi amatur non laboratur, vel si laboratur labor amatur ]]. (Saint Augustin).

Le religieux, sauf les moments d’un repos indispensable à la faiblesse humaine, ou prie, ou travaille: telle est sa vie. Or, son travail est un sacrifice de son corps, ou de son intelligence, ou de sa volonté. Et je dis que cela, c’est un culte rendu à Dieu pendant tout le long du jour. Il s’agit de vouloir commencer et de s’y mettre avec vigueur.

Le culte est d’autant plus parfait qu’il est offert avec des dispositions plus ferventes de foi, d’humilité, de prière, d’amour: on travaille sous l’oeil de Dieu; on s’humilie sous la sentence portée par lui et qui condamne l’homme à travailler; on l’invoque pour qu’il donne sa bénédiction aux sueurs répandues pour lui; on l’aime parce qu’on est obligé de reconnaître que le travail est une réparation bien faible, mais bien féconde, des injures faites à sa majesté.

4° Le travail donne la victoire. – Donc nous travaillerons désormais avec une ardeur nouvelle à l’imitation du Dieu fait homme qui a voulu dès sa jeunesse être dans le travail; nous le transformerons en une activité qui ressemble à cette action continue de Dieu sur la création. Nous mériterons ainsi la victoire, c’est-à-dire un abondant salaire de notre travail, parce que, ayant été fidèles en peu de chose, il voudra nous récompenser en Dieu et comme si nous avions beaucoup fait.

Travaillons, travaillons, le temps est court. Travaillons en pécheurs qui méritent le châtiment, en ouvriers qui attendent la récompense, en fils de famille qui, ayant fait ce qui leur aura été commandé, rentreront, au soir de la vie, dans la maison de leur Père, pour y jouir de l’éternelle victoire et de l’éternel repos.

Notes et post-scriptum