MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0514
  • MEDITATIONS
  • VINGT-QUATRIEME MEDITATION CHASTETE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 ANGES
    1 AUGUSTIN
    1 CHOIX
    1 DEVOTION A LA SAINTE VIERGE
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 IMITATION DE DIEU
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMOLATION DE LA CHAIR
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 OUBLI DE SOI
    1 RENONCEMENT
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VIE CONTEMPLATIVE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIGILANCE
    1 VOCATION
    2 AMBROISE, SAINT
    2 BOSSUET
    2 JEAN, SAINT
    2 JEROME, SAINT
    2 PAUL, SAINT
La lettre

[[Beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbunt; bienheureux les coeurs purs parce qu’ils verront Dieu.]] (Matth. V, 8)

Cette vertu semble descendue du ciel avec Jésus- Christ. A peine dans l’Ancien Testament en voyons-nous quelques exemples. Quant aux temps idolâtres, il n’en faut pas parler.

Laissons pour aujourd’hui l’examen des tristes chutes qu’entraîne la violation de cette vertu, et disons quelque chose:

1° De ses privilèges;

2° Des moyens de la conserver.

I. — Privilèges de la chasteté

Le premier de tous les privilèges de la chasteté, c’est la ressemblance avec Dieu. Qu’y a-t-il de plus pur que Dieu même? Dieu est dans l’impossibilité de n’être pas chaste, précisément parce que c’est un pur esprit. Les fautes contre la chasteté ne s’accomplissent que par la captivité des sens, et le pur esprit, qui en est affranchi, sait bien qu’il ne sera jamais percé par l’aiguillon d’une chair que ne comporte pas sa nature. Les anges, eux aussi, sont purs comme Dieu, et si quelques-uns ont été précipités au fond des abîmes, ce sont uniquement les péchés de l’esprit qui les y ont entraînés.

Pour nous, créés dans un état intermédiaire entre la brute et l’ange, anges par notre âme, mais brutes par le corps, nous sentons le poids du corps déprimant l’âme, et nous savons ce à quoi l’âme est condamnée, quand elle subit les entraînements de la partie inférieure de notre être. Or, ceci est un des grands effets de la miséricorde de Dieu que, sans changer notre nature créée par lui et qui implique en nous l’union indissoluble de l’âme et du corps, cependant nous puissions tendre toujours, par sa grâce, à nous rapprocher de sa pureté infinie. C’est là le travail de la perfection ici-bas.

Dieu ne serait pas infiniment aimable, s’il n’était infiniment bon et infiniment beau; et il ne serait ni infiniment bon, ni infiniment beau, s’il n’était infiniment pur. Il est la pureté même. Sans cette pureté, il ne serait pas la lumière infinie, et son intelligence aurait des ténèbres, ce qui est un blasphème. C’est dans cette lumière que la lumière nous apparaîtra un jour : In lumine tuo videbimus lumen. (Ps. XXXV, 10).

Mais pour être dignes d’une pareille faveur, nous devons sans cesse avancer dans une pureté plus grande, et par ce côté devenir semblables à Dieu, autant qu’il nous en accorde la grâce. Oh! quand serons-nous tellement l’image de Dieu qu’il fasse briller sur nous la lumière de son visage et que, dans cette indéfectible lumière, par laquelle nous lui ressemblerons, il nous reconnaisse pour ses fils!

Mais quand on ressemble davantage à Dieu par la pureté de l’esprit et par une participation plus grande à sa lumière très pure, on est capable de voir, et Notre-Seigneur va jusqu’à dire, dans ses miséricordieux encouragements à la pureté: [[ Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt; bienheureux les coeurs purs parce qu’ils verront Dieu. ]] (Matth. V, 8).

Ici-bas on ne peut voir Dieu. On n’en sait que ce que le Fils, qui est dans le sein du Père, en a voulu raconter; toutefois si, dès ici-bas, il nous est permis de sonder quelque chose de ces miséricordieuses profondeurs, le moyen nous est indiqué par le Fils de Dieu lui-même : Beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbunt.

Le second privilège, c’est qu’on attire davantage l’amour de Notre-Seigneur. Ce qu’il aime surtout, ce sont les âmes chastes dont il veut être l’Epoux: Sponsus castarum animarum.

On sait sa tendresse spéciale pour saint Jean, l’apôtre vierge, à qui furent confiés les secrets célestes. Et rien d’étonnant. Qu’est venu combattre le Fils de Dieu sur la terre? N’est-ce pas le péché? Et quelle horreur n’éprouve-t-il pas pour la chair qui a corrompu sa voie, et pour l’homme devenu chair? Il en retire son esprit: [[ Non permanebit spiritus meus in homine, quia caro est. ]] (Gen. VI, 3). Mais au contraire, quand il rencontre une créature humaine qui, loin de s’enfoncer dans la vie de la chair, s’efforce de vivre de la vie de l’esprit, il s’y complaît et se repose sur elle.

Combien peu apprécient cette amitié de Jésus! Et pourtant, qu’y a-t-il de plus digne d’envie, puisque, ici-bas, cette amitié est le gage le plus assuré et le prélude des joies du ciel.

Le troisième privilège de l’âme pure est l’aptitude aux saints dévouements.

Rien ne rend égoïste comme l’impureté, rien ne laisse autant, au fond de l’âme, la préoccupation de l’intérêt personnel. On sacrifie tout aux passions impudiques, et si je voulais reporter ma pensée sur certains jeunes gens que nous avons connus et aimés, j’en pourrais citer que leurs coupables habitudes ont rendu le désespoir de leurs familles et la honte de leur pays.

Au contraire, l’âme chaste jouit d’une incomparable liberté pour se porter à tout ce qui est beau, noble, grand, généreux. Demandez-lui un sacrifice : plus elle est pure, plus elle est libre de l’accomplir; aucun lien terrestre ne la retient; la pensée d’une éternelle récompense l’enflamme; elle a de Dieu une impression que l’impudique n’aura jamais. Ce qu’elle connaît de Dieu, par son privilège même, la pousse à s’écrier avec saint Paul : [[ Non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam quae revelabitur in nobis; il n’y a aucune proportion entre les souffrances de la vie présente et la gloire qui sera un jour découverte en nous ]]. (Rom. VIII, 18). Son regard purifié lui montre le bonheur bien au delà des fanges de la terre.

La pureté n’est retenue par aucun poids; elle est libre, elle a des ailes, elle peut s’élancer vers la gloire de Dieu. Non sunt condignae…

Aussi comprenez pourquoi certaines générations ont plus de prêtres, de religieux, de religieuses, et les autres en ont moins. Là où la chasteté règne, l’esprit de sacrifice se développe; là où la chasteté subit des naufrages, les vocations disparaissent.

Saint Ambroise, célébrant une vierge martyre, fait observer que la grâce du martyre est accordée à la virginité, et non la virginité au martyre: [[ Non ideo laudabilis virginitas quia et in martyribus invenitur, sed quia ipsa martyres facit; il ne faut pas louer la virginité parce qu’on la trouve dans les martyrs, mais parce que la virginité même fait les martyrs ]]. La plus grande marque d’amour est de donner sa vie pour ceux qu’on aime, et c’est cette preuve que donne la virginité en enfantant les martyrs.

Le quatrième privilège de la pureté est d’avoir dans le ciel même sa récompense à part.

Voyez l’armée des vierges, qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau, elles le suivront, parce qu’elles sont vierges, partout où il ira : Virgines enim sunt. Voyez ces saints : ils sont purs, ils sont vierges comme l’Agneau lui-même; dès lors, ils ont leur récompense à part, nous dit saint Augustin : [[ Profecto habebunt aliquid praeter caeteros in illa communi immortalitate, qui habent aliquid jam non carnis incarne; ils auront assurément quelque chose de plus que les autres, dans cette commune immortalité, ceux qui dans la chair ont quelque chose qui n’est pas de la chair ]].

Et revenant sur la même pensée, il ajoute: [[ Gaudia propria virginum Christi non sunt eadem non virginum, quamvis Christi. Num sunt aliis alia, sed nullis talia. Ite in haec, sequimini Agnum, quia et Agni caro utique virgo… Sed ecce ille Agnus graditur itinere virginali; quomodo post eum ibunt qui hoc amiserunt quod nullo modo recipiunt? Les joies des vierges du Christ ne sont pas les mêmes que les joies de ceux qui ne sont pas vierges, encore qu’ils appartiennent au Christ. Chacun a ses joies, mais personne autre n’aura celles-là. Allez à ces joies, suivez l’Agneau, puisque la chair de l’Agneau, elle aussi, est vierge… Or, voici que cet Agneau s’avance par un chemin virginal; comment pourront-ils le suivre, ceux qui ont perdu ce qu’ils ne recouvrent d’aucune manière? ]] (S. Aug. De Sancta Virginitate, XXVII, 27, 29).

Ah! suivons l’Agneau, gardons notre privilège et si nous avons perdu la virginité, à l’exemple d’Augustin pénitent, recouvrons au moins la chasteté.

II. — Moyens de conserver la chasteté

J’en indiquerai quatre : la vigilance, la prière, la dévotion à Marie, l’Eucharistie.

1° La vigilance. — Jésus-Christ a dit :

[[ Veillez et priez pour ne point entrer en tentation ]]. Donc, la vigilance nous est essentielle. En quoi doit-elle consister?

Saint Jérôme nous répond : presque toujours, dans la fuite, parce que celui qui aime le danger y périra. Ce que Bossuet résume en déclarant que, pour ne pas être souillé par les créatures, il faut en être séparé.

Vous avez donc beau dire : je ne suis pas atteint. Hélas! vous êtes atteint à un degré tel que vous ne vous en apercevez plus, ou plutôt que vous ne voulez plus vous en apercevoir. Oui, tant que vous ne fuirez pas, tant que vous ne vous séparerez pas, la vigilance vous servira de peu. On a beau prendre les plus magnifiques résolutions de ne pas brûler au milieu du feu, quand on est au milieu des flammes il est indispensable de brûler.

Or, quelles précautions prenez-vous pour garder la chasteté? L’âme chaste craint sans cesse de voir se briser le vase qui renferme son trésor; elle sait qu’elle le porte dans un vase de terre, in vasis fictilibus, dit saint Paul, par conséquent dans un vase facile à briser, et elle le met à l’abri des atteintes

Sur quoi veiller? Sur ses sens: sur les yeux pour éviter un regard impur, un spectacle dangereux, un livre obscène; sur les oreilles, en fuyant les mauvaises conversations, les musiques lascives; sur l’appétit, pour ne point se laisser aller à ces plaisirs de la table qui nous sont communs avec les animaux; en un mot, sur tout ce qui nous entraîne vers la perte de notre pureté.

2° Il faut de plus prier. — Bossuet fait observer que la séparation des créatures n’est pas un acte égoïste qui nous pousse, en nous séparant, à nous replier uniquement sur nous-mêmes. Bien loin de là.

Le bonheur que nous poursuivons invinciblement n’est pas dans les créatures; il n’est pas non plus en nous, il est en Dieu, et si nous sacrifions les plaisirs des sens, c’est afin que nous puissions, par une pureté très grande, nous unir au Dieu très pur. Or, c’est ce que procure la prière.

Sans doute, d’abord c’est un cri qui, du fond de l’abîme, nous fait demander à Dieu aide et secours, et nous ne saurions cesser un instant de demander à Dieu de nous venir en aide; mais aussi la prière est un élan vers Celui qui seul peut apaiser l’ardeur de nos désirs par sa bonté, par sa beauté, par ses perfections, par son miséricordieux amour. C’est Lui que la prière cherche, vers qui elle s’élance, pour qui elle se sépare de la terre.

Mais en même temps, la vue des dangers que nous courons nous montre la nécessité d’une protection perpétuelle, et c’est pour cela qu’Il nous a donné sa Mère, la Vierge des vierges.

Elle nous apprendra du reste le chemin de la très glorieuse virginité, à l’aide de la très sûre humilité. Oui, la dévotion à Marie est dans l’imitation de son humilité : voilà le modèle que Jésus lui-même vous donne, Ecce Mater tua.

Aussi saint Ambroise revient-il sans cesse, dans les pages admirables qu’il a écrites sur la virginité, aux exemples que nous en donne Marie: là pour lui est le type par excellence de la virginité.

Je me trompe,il y en a un autre: c’est Jésus lui-même, se présentant comme notre modèle pendant sa vie humaine, comme notre force pendant sa vie eucharistique.Le grand archevêque de Milan, réfutant les hérétiques qui, exagérant tout, voulaient que la virginité fût obligatoire, leur répond : [[ L’Apôtre n’avait pas du Seigneur un précepte, mais il avait son exemple: Praeceptum quidem non habuit, sed habuit exemplum ]]. En effet, la virginité, le degré le plus parfait de la chasteté, ne peut pas être commandée, mais elle doit être choisie, [[ Non enim imperari potest virginitas, sed optari ]]. Heureuse l’âme qui sait faire son choix, et qui choisit ce qui l’élève à la perfection des anges!

Voilà le modèle que Jésus-Christ nous donne dans sa vie humaine et dans le silence eucharistique.

Mais personne n’est pur sans la grâce de Dieu. L’Auteur de la grâce vient lui-même et se fait notre aliment; n’est-il pas le [[ froment des élus et le vin qui fait germer les vierges? Frumentum electorum et vinum germinans virgines ]]. (Zach. IX, 17).

Voulez-vous vaincre les démons? Soyez chastes ; voulez-vous être chastes? Nourrissez-vous de la chair de votre Dieu, auteur de la virginité. [[ N’en est-il pas l’auteur? ]] s’écrie saint Ambroise. [[ Ejus auctorem quem possumus aestimare nisi immaculatum Dei Filium non vidit corruptionem, cujus divinitas non est experta contagionem ? Quel auteur pouvons-nous lui donner, sinon le Fils immaculé de Dieu, dont la chair n’a pas connu la corruption, dont la divinité a été étrangère à toute contagion? ]] Or, cette chair incorrompue, cette divinité sans tache, nous la recevons dans la sainte Eucharistie. C’est dans l’Eucharistie que nous recevons l’auteur de la pureté, de la chasteté, de la virginité, et nous croirons qu’Il ne nous la communiquera pas, si nous la lui demandons? Saint Augustin, dans son traité De la sainte virginité, nous invite à contempler les légions de vierges, que les jeunes chrétiens et les jeunes chrétiennes ont données à Jésus-Christ : [[ Respice agmina virginum puerorum puellarumque sanctarum ]]. Ils sont saints, et où cette race d’une nouvelle espèce a-t-elle été formée? [[ Dans l’Eglise, répond-il; In ecclesia eruditum est hoc genus ]]. (S. Aug. De Sancta Virginitate, XXVII, 29).

Demandez des vierges en dehors de l’Eglise catholique, vous ne les trouverez pas. In Ecclesia eruditum est hoc genus. Et chose étonnante, rien n’égale la fureur qui se manifeste contre l’Eglise, chez ceux que l’impureté entraîne loin d’elle. La perte de la pureté entraîne la perte de la foi, et la vue de ce qui est pur donne des haines sataniques à ceux qui ont laissé ravager en eux la sainte vertu.

Quelle que soit votre vocation, soyez purs, marchez dans la pureté, et souvenez-vous que rien ne donne ici-bas de force contre les êtres souillés par la débauche comme la pureté, que, rien de souillé ne devant entrer dans le royaume de Dieu, la vertu qui nous en ouvre les portes est la pureté, comme la virginité est la vertu qui nous y réserve des récompenses privilégiées.

Notes et post-scriptum