- ES-0561
- MEDITATIONS
- TRENTIEME MEDITATION LA PRIERE DANS LES EPREUVES DE L'EGLISE
- Sage, ECRITS SPIRITUELS
- 1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
1 AMOUR DES AISES
1 AUGUSTIN
1 AUSTERITE
1 COMMUNION DES SAINTS
1 CONVERSION SPIRITUELLE
1 DESIR DE LA PERFECTION
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 EPREUVES DE L'EGLISE
1 EPREUVES SPIRITUELLES
1 HISTOIRE DE L'EGLISE
1 JUIFS
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 LUTTE CONTRE SATAN
1 MECHANTS
1 NOTRE-DAME DE SALUT
1 PERSECUTIONS
1 PERSEVERANCE
1 PEUR
1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
1 PRIERE POUR L'EGLISE
1 PRIERES PUBLIQUES
1 SAINT-ESPRIT
1 SATAN
1 TIEDEUR
1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
1 VIE DE PRIERE
2 DAVID, BIBLE
2 HERODE AGRIPPA I
2 JONAS, BIBLE
2 JOSUE
2 JUDAS
2 MACCABEES
2 MOISE
2 NEHEMIAS
2 PIERRE, SAINT
2 SAMUEL, PROPHETE
2 SAUL, ROI
3 EGYPTE
3 ETATS-UNIS
3 IRLANDE
3 MER ROUGE
3 NINIVE
3 ORIENT
[[Pater, si possibile est, transeat a me calix iste; verumtamen non mea sed tua fiat voluntas! Mon père, si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi; cependant que votre volonté se fasse et non la mienne!]] (Matth. XXVI, 39).
Ainsi parlait le divin Maître dans l’agonie qu’il voulut subir au jardin des Olives, avant que Judas ne le livrât à ses bourreaux; ainsi, à coup sûr, l’Eglise peut parler dans les circonstances présentes: Mon Père, s’il est possible, que le calice de la persécution qui menace s’éloigne de moi!
Je ne crains pas d’affirmer qu’elle doit prier ainsi. Car enfin, sans doute, les persécutions dans leur ensemble lui sont glorieuses, mais que d’âmes faibles s’y perdent! Et si, même à ces âmes faibles, l’Eglise peut éviter la désertion, elle le doit. C’est pourquoi elle doit prier.
En effet, s’il a été nécessaire que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire: [[ Nonne oportuit Christum pati et ita introire in gloriam suam ]] (Luc. XXIV, 26); s’il est nécessaire que tout homme qui s’approche du service de Dieu se prépare à la tentation, Jésus-Christ nous commande de répéter sans cesse : [[ Et ne nos inducas in tentationem ]]. Ce que tous les chrétiens sont tenus de dire sans cesse, pourquoi l’Eglise, leur mère, ne pourrai-telle pas le dire sans cesse? Jésus-Christ ne fut pas exaucé parce que, à ce moment, il fallait un sauveur. Mais pourquoi l’Eglise ne le serait-elle pas puisque chacun de ses membres a reçu l’ordre de faire la prière dominicale?
Non, l’Eglise n’est pas empêchée de prier pour être affranchie de la persécution. Et que de fois n’a-t-elle pas été exaucée! L’Eglise, figurée par les Hébreux sous la loi ancienne, ne l’a-t-elle pas été constamment? Moïse et les plaies d’Egypte, la mer Rouge traversée à pied sec, ne sont-ce pas des preuves évidentes de l’assistance de Dieu? Josué, Samuel, Saül dans ses premières années, David, Néhémias, les Macchabées, pour ne citer que les principaux, montrent l’assistance constante de Dieu, quand le peuple, après des révoltes châtiées, crie vers lui.
Que dire de la loi nouvelle, de la tempête sur la mer, où la barque dépositaire de Jésus semblait sur le point de sombrer? Que dire de Pierre, préservé des projets d’Hérode, du triomphe définitif de l’Eglise après trois siècles de persécutions? Que dire de ces époques merveilleuses où l’Epouse du Christ semblait à tout jamais condamnée, et où nous la voyons se relever glorieuse et paraître n’avoir été en danger que pour montrer plus visiblement l’assistance de son Epoux?
Mais avançons, allons plus loin, et examinons les grands avantages que l’Eglise tire de ces menaces ou de ces persécutions, que ses prières peuvent éviter. Je vais considérer successivement les divers points de vue qui se présentent, et puis j’en examinerai les résultats pratiques. Il est bien évident que Dieu veut tirer sa gloire de tout cela. Oui, les persécutions sont utiles à cause de leurs résultats. l. — Résultats généraux de la persécution
1° La séparation des bons et des méchants. En effet, nous sommes tous les jours plus frappés de cette séparation accentuée avec un nouvel éclat. Notre-Seigneur avait dit: [[ Qui non est mecum, contra me est; qui n’est pas avec moi est contre moi]]. (Matth. XII, 30).
Mais que d’hommes de prétendue conciliation, qui voudraient avoir les pieds dans les deux camps! [[Quæ societas lucis ad tenebras? Quæ autem conventio Christi ad Belial? Quel rapport y a-t-il entre la lumière et les ténèbres, entre le Christ et Bélial?]] (II Cor. VI, 15).
Sans doute, le divin Père de famille ne veut pas qu’on sépare, avant l’heure, l’ivraie du bon grain; il faut attendre la moisson. Mais quand les épis sont mûrs et que la mauvaise graine menace de s’ensemencer d’elle-même, il faut bien savoir prendre un parti énergique et se séparer de ceux qui, non seulement veulent se séparer de nous, mais nous faire une guerre à outrance.
N’est-ce pas là que nous en sommes? Eh bien! acceptons franchement une situation pareille. Les bons seront bons, et les méchants s’enfonceront dans leur perversité. Dieu a-t-il permis que la lutte entre les bons et les mauvais anges fût bien longue? Ce fut l’affaire d’un moment. Et Satan fut précipité avec ses anges au fond des enfers. La séparation fut instantanée.
2° Le réveil des endormis. Quand Dieu permet que la barque de l’Eglise soit battue par les flots, il veille sur elle et sait le moment où il commandera le calme. En attendant, les passagers, pleins d’effroi, tournent les yeux vers le ciel, les endormis se réveillent, tous aident à la manoeuvre; les ordres du capitaine sont plus obéis, on se sent sous le coup d’une situation grave.
Il en est de même pour l’Eglise. Que de torpeur à certaines époques! Quels sentiments profonds de fatigue et de découragement! Quelle disposition à laisser tout aller! Situation pénible et dans laquelle les âmes courent de grands dangers, se perdent même. Cette situation ne peut durer. Il faut qu’elle cesse en face de la persécution. Sans doute, le vent fait tomber bien des fruits gâtés des arbres, mais ceux qui résistent n’en sont que plus vigoureux.
Il y a, en effet, dans l’Eglise, une masse de chrétiens qui semblent n’être pas faits pour l’enfer, ils n’en valent pas la peine; ni pour le ciel, ils n’en sont pas dignes. Il faut les mettre quelque part. Il semble que, pour ceux-la,il faille un purgatoire, doux mais prolongé; prolongé, parce qu’ils ne méritent pas de voir Dieu; doux, parce qu’ils ne sont pas capables d’un très grand mal. Pour ceux-là une certaine persécution paraît avantageuse. Ils sont secoués; et bien qu’en général ils ne comprennent guère, pourtant la peur de terribles événements leur fait tourner les yeux vers le ciel, et à leur tour ils s’écrient: [[ Domine, salva nos, perimus! Seigneur, sauvez-nous, nous périssons! ]] (Matth. VIII, 25).
Quelquefois même Jésus se réveille, mais pour leur dire comme aux apôtres : [[ Quid timidi estis, modic fidei? Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi?]]
Enfin, même de ceux-là, Dieu exauce la prière, et c’est une utile chose que de savoir forcer Dieu à pardonner à la terre ses prévarications.
3° La perfection des bons. Qui est bon ici-bas? Personne. [[Si iniquitates observaveris Domine, quis sustinebit? Si vous scrutez nos iniquités, Seigneur, qui pourra soutenir votre regard? ]] C’est pour cela que j’ose à peine prononcer ce mot.
Toutefois, Dieu lui-même veut mettre une différence entre les hommes et les hommes, et ne pas confondre celui qui se sauve à peine : [[ tanquam per ignem, comme par le feu ]], avec celui dont les efforts constants se tournent vers ce qu’il croit le plus agréable à sa majesté infinie.
Eh bien! les bons ont besoin d’être purifiés, [[ tanquam aurum in fornace, comme l’or dans le creuset]] (Sap. III, 6). Et il faut, pour se dépouiller de leurs scories, qu’ils passent par le feu. Les lâches le subiront après leur mort. Dieu le réserve aux bons pendant leur vie, afin que de tout ce qui se passe résulte ce fait: c’est que celui qui est saint doit se sanctifier tous les jours davantage. [[ Qui sanctus est sanctificetur adhuc ]].
4° Le triomphe de l’Eglise. Que l’Eglise soit condamnée au combat, c’est ce qui ressort des phases diverses par lesquelles il a plu à son divin Epoux de la faire passer. Seulement, quand elle a été passée par le crible, il en résulte que, le triage étant fait, elle sait de quel côté elle peut s’appuyer plus fortement.
Il y a deux sortes de persécutions pour l’Eglise : celles sous le poids desquelles elle semble prête à succomber, et celles qui sont pour elle une source de triomphes.
N’est-ce pas quelque chose d’admirable que cette persévérance de populations à peu près abandonnées, et qui résistent d’une aussi admirable façon à toutes les avanies? Voyez l’Irlande, voyez même les Etats-Unis. Dans l’Orient lui-même, Dieu s’est laissé des témoins. Heureux ceux qui restent témoins fidèles jusqu’à la fin!
A côté de cela, il y a l’énergie des populations qui ont laissé introduire chez elles le venin des doctrines empestées, et qui, chaque jour, par de nouveaux efforts, tentent de le repousser. Ces spectacles, aux yeux de Dieu, sont admirables et il trouve sa joie, non dans la souffrance des siens, mais dans le courage de leurs combats et la gloire de leurs triomphes.
II. — Résultats pratiques de la persécution
1° Conversion possible et personnelle. La conversion par la persécution est utile, mais aussi elle est très possible.
A certaines conditions : c’est que nous écouterons la voix de Dieu qui parle par tous les moyens. Il faut pour cela se tourner vers lui, en sincérité, et repentir, et pénitence, comme Ninive après la prédication de Jonas. Mais encore faut-il préciser ces conditions.
Oui, il faut avoir le courage de se convertir, non par ces mouvements généraux qui ne signifient pas grand’chose, semblables aux flots que la mer pousse sur ses rives et qu’elle en retire aussitôt.
Non, il faut que chacun se convertisse personnellement. La conversion doit se faire, non par masses, mais un à un. Même dans ces prédications où saint Pierre convertissait deux et trois mille Juifs, le Saint-Esprit descendait en chacun en particulier. Ce n’était pas affaire de résolution commune, c’était oeuvre d’âmes isolées.
S’il entrait dans les vues du Saint-Esprit de faire jaillir leur retour à Dieu d’une manière simultanée, ceci est une autre affaire; mais, si je puis me servir de cette expression familière, chacun s’était converti pour son propre compte.
2° Des prières ferventes. Ici je suis entièrement sur le terrain de Notre-Dame de Salut. Oui, il faut des prières et beaucoup de prières. Il faut se tourner vers Notre-Seigneur, crier vers lui et ne pas se décourager.
Que dirai-je de toutes les prières que la persécution peut faire surgir? Que dire à cet égard, sinon que la prière continue a un poids infini dans les balances divines? [[ Multum valet deprecatio justi assidua; la prière assidue du juste a une valeur immense ]]. (Jac. V, 16).
C’est l’admirable travail de la communion des saints. Prions et faisons prier, poussons à la prière autant que nous en sommes capables. Cette prière finira par pénétrer les cieux avec celle de Jésus-Christ.
3° La vie plus austère. Que la mollesse de la vie des chrétiens soit un obstacle à l’action de la miséricorde divine, rien de plus évident. Comment voulez-vous que le coeur de Dieu se laisse toucher par des prières, parties d’âmes plongées dans toutes les recherches de la vie commode et, quelquefois même, dans les plaisirs défendus?
Oui, il faut avoir le courage de mener une vie plus sévère, il faut savoir rompre avec une foule de lâchetés, de concessions aux sens, lesquelles, énervant les caractères, nous donnent ces hommes prêts à tout céder à propos des grands intérêts religieux, pourvu qu’ils s’amusent.
4° L’action sur les populations. Que dirai-je à ce sujet? Il est sûr que l’on peut exercer une action énorme sur les populations, pourvu qu’on le veuille, mais il faut le vouloir, et le vouloir très fortement. [[ Mais, me direz-vous, je ne suis qu’une pauvre petite femme! ]] Ecoutez ce que vous avez vu faire depuis deux mois. Pensez-vous que les pétitions ne constituent pas un mouvement important? Pensez-vous que les prières publiques n’aient pas eu un certain effet [1] ?
Seulement, il faut continuer ce mouvement, il faut le reproduire de différentes façons jusqu’à ce qu’il ait donné la victoire.
Et puis, une prière isolée produit quelquefois les plus admirables prodiges. Rappelez-vous cette femme qui voyait, dans une grande douleur, se perdre l’âme de son fils. Elle priait. Elle pleurait surtout. Un vieil évêque qu’elle consulta lui dit qu’il était impossible que Dieu laissât périr le fils de tant de larmes. En effet, la grâce finit par toucher le coeur du jeune homme, et il fut saint Augustin.