- ES-0601
- MEDITATIONS
- TRENTE-CINQUIEME MEDITATION LA COMMUNION -- SES CONDITIONS ET SES FRUITS
- Sage, ECRITS SPIRITUELS
- 1 ACTION DE GRACES
1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
1 AMOUR DU CHRIST
1 AUGUSTIN
1 COMMUNION FREQUENTE
1 CONFESSION DU RELIGIEUX
1 CONTRITION
1 CONVERSION SPIRITUELLE
1 CREATURES
1 DESIR DE LA PERFECTION
1 FIDELITE A LA GRACE
1 FOI
1 GRACES
1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
1 LUTTE CONTRE LE PECHE
1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
1 REFORME DE LA VOLONTE
1 SAINTS DESIRS
1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
1 UNION A JESUS-CHRIST
1 VIE DE PRIERE
1 VIE DE SACRIFICE
2 DAVID, BIBLE
2 JEREMIE
2 PAUL, SAINT
Permettez-moi d’aborder la question de la communion fréquente, à laquelle tous vous participez, et d’en examiner les conditions et les fruits.
I. — Conditions
1° La première de toutes, c’est la foi; or, je ne crains pas de le dire, la foi, sans être entièrement absente, est souvent bien faible quand il s’agit de communier. Pourquoi? Parce qu’on ne se pénètre pas assez de l’acte qu’on va accomplir. C’est le cas de répéter la parole de Jérémie, qui devient de plus en plus pour moi la clé de bien des fautes :
[[ Desolatione desolata est omnis terra, quia nullus est qui recogitet corde; la terre est désolée d’une extrême désolation, parce qu’il n’y a personne qui pense attentivement en son coeur ]]. (Jer. XII, 11).
Si l’on avait la foi convenable à l’acte par lequel on va s’unir à son Dieu, est-ce qu’on ne se pénétrerait pas d’un plus profond sentiment d’horreur du péché? Est-ce que l’on ne ferait pas plus d’efforts pour se purifier? Remarquez que je ne demande pas si l’on ne se confesserait pas plus souvent, mais je demande si l’on ne s’exciterait pas avec une plus grande attention à la contrition de ses fautes et à un ferme propos de ne plus les commettre.
C’est une grande illusion de croire que la confession suffit. Ce qui suffirait, pour une vie comme la mènent les hommes soumis à une discipline régulière, c’est une énergique horreur du péché, une grande vigilance sur soi; mais cette application à se purifier de ses fautes et à dire avec le Psalmiste : [[ Amplius lava me ab iniquitate mea et a peccato meo munda me; lavez-moi toujours de plus en plus de mes iniquités; délivrez-moi et purifiez-moi de mon péché]], implique un sentiment trop rare de ce qui est dû, je ne dirai pas à la justice, mais à la sainteté de Dieu.
L’adoration. — Ah! si nous avions une foi plus vive, nous irions à la Table Sainte,je ne dis pas avec plus de respect, — je laisse ce mot pour nos rapports avec les créatures, — mais avec une bien plus profonde adoration.
Qu’est-ce qu’adorer? C’est reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toutes les créatures, et sur nous par conséquent.
Sur les créatures: ne parlons que de celles avec qui nous avons affaire. Eh bien! si elles appartiennent à Dieu, supposé qu’elles dépendent de nous, nous n’en avons que l’usage. Si elles ne dépendent pas de nous, nous n’avons ni à nous irriter contre elles, ni à nous les approprier, ni à les désirer d’une façon quelconque, autrement que pour Dieu.
Mais, nous aussi, nous sommes des créatures, et nous avons à nous rendre compte de ce qu’établit en nous la dépendance par rapport à Dieu. Si nous dépendons de lui, voyez ce qui se passe à la communion. Par un abaissement inouï, le Créateur de toutes choses se met dans une dépendance absolue envers nous; il descend sur notre langue pour se faire notre nourriture, et nous, nous ne nous anéantirons pas devant les humiliations de la Majesté infinie? Nous ne lui rendrons pas dépendance pour dépendance, et nous ne traduirons pas cette dépendance dans tous les actes de notre vie?
Certes, Dieu prend en pitié notre faiblesse et n’exige pas, tant s’en faut, tout ce qu’il aurait le droit d’exiger après une bonté si grande. Mais enfin il a bien le droit de demander que notre adoration se traduise par des actes, et se montre par la manière dont nous lui rapporterons tous les jours plus parfaitement les divers détails de notre vie.
Ah! si notre adoration était complète, comme elle envahirait tous les instants de notre existence! Comme nous nous retirerions de la Table Sainte avec le profond sentiment que nous avons à donner à Notre-Seigneur le sacrifice constant de nos pensées, de nos désirs, de tous nos mouvements, de tout ce qui en nous est un acte humain!
Adorons donc avec le sentiment de ce qu’est le Dieu caché dans l’Hostie, pensons à toutes les perfections de son être dont il nous communiquerait quelque chose, si nous allions à lui avec les dispositions convenables.
Pensons aussi à l’humanité du Sauveur unie à sa divinité. Ce corps est le corps immolé pour nous sur la Croix. Quand la divine Victime nous apprendra-t-elle la grande loi du sacrifice? Quand ce sang, qui purifie nos souillures et fait germer les vierges, nous donnera-t-il un profond sentiment de pureté? Quand cette âme, vivante dans le corps du Sauveur et temple de Dieu par excellence, sera-t-elle le modèle de notre âme? Quand imiterons-nous sa prière incessante, et pour les pécheurs afin qu’ils se convertissent, et pour les chrétiens dans la voie de la perfection?
Ah! quelle sainteté dans l’âme de Jésus-Christ reçue dans notre coeur! Quelle sainteté ne demande-t-il pas au fond de notre être? Et pourquoi ne lui disons-nous pas : O âme, de toutes la plus parfaite, donnez-moi le don de la perfection?
3° La troisième condition pour profiter de la communion, c’est l’amour.
J’ai dit un mot de la purification nécessaire. Mais quand le coeur a été nettoyé de toutes souillures, il faut l’orner. Or, l’ornement le plus agréable à Dieu, c’est l’amour, et comme dit saint Augustin, à proprement parler, tout se réduit à aimer.
Or, il faut s’y disposer par la prière, et par le désir: par la prière qui médite sur l’immensité du bienfait accordé, la prière qui demande que ce qui fait défaut soit ajouté par celui qui a tant donné déjà, la prière qui allume les flammes si nécessaires à cette grande action, et in meditatione mea exardescet ignis.
Et ce feu que la prière allume dans le coeur, où se dirigera-t-il? Vers celui que le coeur doit aimer et qu’il faut désirer, Jésus-Christ, nourriture, victime, source, gage de tout bonheur pour sa pauvre créature.
Eh bien! examinez avec quelle tiédeur vous recevez trop souvent votre Dieu. Voyez le peu de preuves que vous lui donnez que vous comprenez ce qu’il fait pour vous, et, prenant dans votre coeur toute votre puissance d’aimer, offrez-lui au moment où il s’approche de vous avec sa bienveillance infinie, l’hommage d’un amour qui ne voudra jamais se séparer de Lui.
II. — Fruits de la communion
Le Pain des anges est un Pain qui transforme tout notre être. En un sens, nous ne serons jamais des anges : notre nature est différente de la leur. Par la grâce, nous pouvons monter aussi haut qu’eux au pied du trône éternel.
Or, cette transformation s’opère par une participation à la divinité, et cette participation s’accomplit à la communion : nous devenons comme un avec notre Dieu. Dans le ciel, selon la demande de Notre-Seigneur, l’union sera consommée; ici, elle commence. Ut sint consummati in unum!
Eh bien! rendez-vous compte de ce que devrait être notre action de grâces, et de ce que nous devons dire à Notre-Seigneur quand il repose en nous : [[Seigneur, qu’un jour je sois consommé dans votre unité, et que, dès ici-bas, cette union commence et devienne tous les jours plus complète; que tous les jours je sois, dans toutes mes pensées, dans tous mes sentiments, plus uni à vos sentiments, à vos pensées!]] L’action de grâces alors n’est pas un moment passé dans l’adoration, c’est toute la journée, c’est toute la vie, c’est tout le temps écoulé d’une communion à l’autre; l’action de grâces de la communion reçue doit être la préparation de la communion à recevoir.
Quelle vie ainsi passée dans l’adoration, l’amour, l’action de grâces! [[ Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il a fait pour moi? ]] s’écriait David, et il ajoutait aussitôt: [[ Je prendrai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur]]. C’est bien cela; l’âme ne sait comment témoigner sa reconnaissance de tous les biens reçus par elle à la communion, et elle ne trouve pas de meilleur moyen de prouver à quel degré elle les estime, que d’en demander de nouveaux dans une communion nouvelle.
Cet aliment divin excite les ardeurs de l’âme, quand il est bien reçu, et recevoir Jésus-Christ dignement est le principe du désir de le recevoir encore. La reconnaissance pour la visite d’un Dieu, c’est le désir de recevoir de plus nombreuses et plus utiles visites; car, il ne faut pas l’oublier, la nourriture eucharistique, c’est le vrai pain quotidien, et on ne s’en dégoûte que quand on le reçoit sans fruit. Voulez vous qu’il vous profite? Préparez-vous à le recevoir tous les jours. Et, d’une communion à l’autre, vous sentirez le progrès s’accomplir.
La communion est une lumière qui augmente notre foi. La communion est une force qui nous prépare pour le travail à faire, le chemin à parcourir, les combats à livrer. Quand nous nous sommes transformés par la communion, il faut offrir à Dieu les fruits de ses bienfaits : une perfection plus grande et toujours croissante.
Arrêtons-nous un instant à réfléchir sur ce que c’est que la perfection, et disons que c’est la réalisation de l’idéal que Dieu a formé pour nous.
Dieu qui nous a créés sans nous consulter est bien libre, par la Rédemption, de vouloir que nous soyons reformés comme il l’entend, et ce qu’il entend faire de nous est mille fois meilleur que nous ne pourrions le rêver nous- mêmes. Or, cette perfection que nous sommes incapables d’atteindre, nous pouvons y parvenir par l’Eucharistie, par des progrès lents ou rapides, selon que la volonté correspond à la grâce. Et c’est ici qu’il faut admirer la fécondité des oeuvres divines.
De même, dit saint Paul, qu’une étoile diffère d’une autre étoile en clarté, de même la vie d’une âme sainte est différente de la vie d’une autre âme, appelée également à la sainteté. Deux éléments se rencontrent là: d’une part la grâce, de l’autre la volonté. Mais il y a aussi l’ensemble des dispositions divines qui fait que chacun, mis par la Providence dans une position différente, doit remplir sa tâche, et les tâches sont multiples, chacun ayant la sienne.
Cela dit, ajoutons que chacun doit accomplir la sienne par des progrès continus, quoiqu’ils ne soient pas identiques.
Voilà un certain nombre de personnes qui s’asseyent à la même table, qui prennent la même nourriture; elles se lèveront, et dans la force que le repas pris en commun leur aura donnée, elles se livreront à des occupations diverses, que ce soient des hommes de métiers divers, chacun fera un travail différent, et tous pourront faire un travail excellent.
Il en est de même de la communion: tous y participent, tous en profitent, tous en retirent pourtant des fruits parfaits, mais divers.
Je voulais dire cela pour ôter tout prétexte à ceux qui disent: Je ne puis pas faire ce que fait tel ou tel de mes Frères. Prenez garde qu’on ne vous le demande pas; on vous demande de faire parfaitement ce qui vous est demandé dans la force de cette communion que vous avez le bonheur de recevoir.
Gardez-vous de mériter le reproche fait au serviteur qui, ayant reçu un talent, ne le fit pas valoir; il ne le dépensa pas, il le rendit tel qu’on le lui avait confié, mais il ne l’avait pas fait fructifier; il ne lui avait pas fait rapporter tout ce que son maître avait le droit d’en attendre, et pour cela seul il fut puni.
Croyez-moi, profitez de la communion; qu’elle développe en vous les germes des vertus que Dieu a semées dans votre âme, mais que vous n’avez pas fait croître, comme il eût été nécessaire, par vos soins, et méritez de pouvoir dire, comme le bon serviteur: [[ Maître, vous m’aviez confié cinq talents, en voilà cinq autres que j’ai gagnés ]], et le Maître vous répondra: [[ Courage, serviteur bon et fidèle, parce que vous avez été fidèle en peu, je vous établirai sur beaucoup: entrez dans la joie de votre Seigneur]].