CIRCULAIRES – Sage, ECRITS SPIRITUELS

A la tête d’une milice du Christ, plus spécialement destinée à la défense de l’Eglise, une élite s’impose de religieux fidèles à leur vocation, pieux et savants.

Informations générales
  • ES-0197
  • CIRCULAIRES
  • DEUXIEME CIRCULAIRE(1)
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ARISTOCRATIE DE L'ASSOMPTION
    1 ASSISTANTS GENERAUX ASSOMPTIONNISTES
    1 AUSTERITE
    1 BON EXEMPLE
    1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CIRCULAIRES DU PERE D'ALZON
    1 CONNAISSANCE
    1 CONSEIL DU GENERAL
    1 DECADENCE
    1 DEVOIR
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EXAMEN DES JEUNES PRETRES
    1 EXAMENS SCOLAIRES
    1 GOUVERNEMENT DE LA CONGREGATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 OEUVRES OUVRIERES
    1 ORGANISATION DES ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 PERSEVERANCE
    1 PRETRE SECULIER
    1 PRUDENCE
    1 RESPONSABILITE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SAINTETE
    1 SEVERITE
    1 SUPERIEURS ASSOMPTIONNISTES
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 DOMINIQUE, SAINT
    2 JOURDAIN DE SAXE, BIENHEUREUX
    2 LAURENT, CHARLES
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 LOMBARDIE
    3 PARIS
  • Nîmes, 1er juin 1874.
La lettre

Mes très chers Frères,

Au Chapitre de 1873, nous avons posé quelques bases du gouvernement de la Congrégation au point de vue du choix des membres qui devaient être appelés à faire partie des Chapitres généraux et à remplir les charges les plus importantes. Permettez-moi de revenir sur cette question, si grave pour l’avenir de l’oeuvre.

Si, comme je vous le disais dans ma circulaire du 24 mai, le but des Augustins de l’Assomption doit les diriger en partie vers les oeuvres populaires, il est grandement à craindre qu’un jour les religieux employés à ces oeuvres ne finissent par se laisser entraîner sous l’action du milieu où ils vivront, et que, sous prétexte de charité, ils ne négligent les conditions qui élèvent une Société religieuse vers un niveau supérieur, et l’empêchent de succomber sous le poids des idées vulgaires, signes avant-coureurs de la décadence.

Ne penseriez-vous pas qu’il serait très nécessaire de formuler à peu près ainsi les conditions indispensables pour faire partie des Chapitres généraux: 1° la persévérance; 2° la sainteté; 3° la science.

I. — La persévérance

Il faut qu’un religieux ait fait ses preuves, et des preuves permanentes. Sans doute, les chutes sont de tous les âges, mais il est bien plus probable qu’un religieux longtemps édifiant continuera à l’être, plutôt qu’un religieux qui entre à peine dans la voie de la perfection. N’ayons aucun regret de ce que nous avons fait pour le choix de quelques-uns des nôtres. Nous voyons que le bienheureux Jourdain de Saxe fut nommé provincial de Lombardie deux mois après avoir pris l’habit de Frère Prêcheur, et que, moins de deux ans après son entrée dans l’Ordre, il fut proclamé le successeur immédiat de saint Dominique. Toutefois, ce qui peut être une nécessité pour les commencements d’un Ordre, peut être aussi un très grave inconvénient à mesure qu’il s’accroît. Veuillez donc examiner si, en dehors des dix ans de rigueur posés pour avoir le droit d’être élu au Chapitre, il n’y a pas à établir, sinon des règles, au moins un Directoire plus sévère à cet égard.

II. — La sainteté

Sans doute, Dieu seul peut voir le fond des coeurs, mais il est des circonstances où la charité nous oblige à porter notre jugement sur nos frères, par exemple quand il s’agit du bien général de la Congrégation. Or, il est incontestable que nous devons mettre parmi nos plus essentiels devoirs l’obligation de donner à notre Congrégation une ferveur toujours plus ardente et plus efficace, soit pour nous, soit pour nos frères, soit pour les âmes à qui nous pouvons faire du bien. Mais la conservation et l’accroissement de la ferveur dépendent avant tout de ceux qui sont à la tête de l’oeuvre, et c’est pour cela que, dans l’admission au Chapitre général, il faut se préoccuper de la pensée que le nombre importe peu, que l’essentiel est d’avoir des modèles vivants de la sainteté religieuse.

Notre but ne comporte pas les trop grandes austérités: nous demandons la prière, le travail, un caractère généreux et franc, l’esprit surnaturel, et, par-dessus tout, le don complet de soi-même à Dieu, par l’entremise des Supérieurs; tel est, ce me semble, le type d’après lequel nous devrons juger les religieux aptes à prendre part au gouvernement de la Congrégation. Je ne parle pas de la prudence, du courage, de la fermeté et de l’esprit d’initiative, conditions évidemment indispensables. N’exigeons pas davantage, mais exigeons tout cela dans les choix que fera le Chapitre général. Après tout, je m’en rapporte à votre opinion, si vous croyez devoir ajouter ou retrancher quelque chose dans ce que je vous indique au point de vue de la sainteté des principaux religieux. Souvenons-nous seulement qu’il ne suffit pas d’avoir des vertus personnelles, il faut celles d’un homme exposé à commander ou à prendre part au commandement.

III. — La science

La science enfle, mais si l’esprit de science et celui de piété vont ensemble, ils se protègent et se soutiennent réciproquement. Or, après la condition de sainteté que je viens de poser, la science me semble indispensable.

Je reconnais que quelques-uns des nôtres n’ont pas toute la science nécessaire; mais ils restent parmi nous. Comme ils pourront tous les jours acquérir, à la différence des prêtres séculiers qui, en général (et je le sais par les examens des jeunes prêtres que je fais subir depuis vingt-cinq ans), n’ont rien de plus pressé que d’oublier en paroisse ce qu’ils ont appris au Séminaire. Les prêtres religieux ont, en vertu de leur voeu de pauvreté, l’obligation stricte de gagner leur pain à la sueur de leur front, et l’étude est une partie essentielle du travail auquel ils sont astreints par la force même des saints voeux. C’est à nous à dissiper les illusions que plusieurs se font à cet égard.

Pour obtenir ce résultat, en dehors des cours qui s’établissent peu à peu, des examens très sévères sont indispensables. Un des nôtres (2), chargé de préparer le plan d’études, vous proposera d’ici peu à l’ensemble des moyens à prendre pour maintenir la Congrégation à un niveau suffisamment élevé.

Toutefois, permettez-moi une observation à laquelle j’attache de l’importance. En tenant compte de l’insuffisance de quelques-uns des nôtres qu’il faudra subir comme conséquence de commencements difficiles, il serait très dangereux d’admettre que chez nous, en général, on n’étudie pas (3). C’est une concession qu’il m’est absolument impossible de faire. On n’a pas toujours étudié régulièrement; quelques natures sont paresseuses, incapables, maladives; nous les avons, il faut les supporter et en tirer le meilleur parti.

Mais, lorsque j’examine tout le travail fait par le plus grand nombre d’entre nous, je ne puis admettre qu’on n’étudie pas, et beaucoup. Que les études aient besoin d’être dirigées, réglées, pour éviter les inconvénients de la nonchalance, d’une certaine suffisance et de la confusion des idées, c’est évident, et c’est pourquoi un plan d’études se prépare. Ce qu’on en a appliqué depuis deux ans et demi a donné de bien consolants résultats, et nous donne surtout des espérances fondées pour ce que l’on obtiendra plus tard. Voilà ce que je tiens à constater contre certains effrois à mon sens intempestifs et pleins de dangers. Pour moi, je pense que nous sommes arrivés à un moment de notre existence religieuse où aller lentement ne peut qu’être très utile. Nous pouvons nous replier sur nous-mêmes, nous recueillir, et, en considérant que la plupart des jeunes gens que l’on pourrait sévèrement juger sont des novices à qui les études proprement dites sont défendues, prendre des dispositions sévères contre les ignorants, les paresseux, les incapables. On punira les uns, on avertira les autres; il y en aura même d’exclus, s’il le faut. La Congrégation se trouvera bien de certaines exclusions: dans tous les cas, ils ne seront jamais appelés au Chapitre.

Telles sont, mes chers Frères, les observations que je crois très opportun de vous soumettre, pour appeler votre attention, vos lumières et vos avis sur le sujet si important de la formation des religieux appelés au gouvernement.

Veuillez croire à ma plus respectueuse affection en Notre-Seigneur.

E. d'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) <>: tel est le titre que le P. d'Alzon donnait lui-même à cette deuxième circulaire dans sa correspondance. Les membres des Chapitres généraux qui se recrutaient eux-mêmes étaient nommés à vie et constituaient, en dehors de la tenue des Chapitres, à côté des Assistants généraux, un groupe de Consulteurs qualifiés à la disposition du Supérieur Général.
(2) Il s'agissait du P. Laurent.
(3) Tel était le reproche que l'on adressait, de Paris surtout, au jeune Institut. Le P. Picard aurait désiré une réglementation plus sévère de nos études; le P. d'Alzon la réservera pour plus tard; mais il va revenir, dans sa quatrième circulaire, en la traitant de haut, sur cette question capitale des études à l'Assomption.