Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 432.

7 jul 1848 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Un effort physique excessif – Le progrès de l’amour divin – Comprendre et aimer à la manière de J.-C. – Humilité et mortifications – Entretenez vos Soeurs des maux de l’Eglise – L’oraison indispensable – Envoyez au plus tôt votre rendement de compte – J’attend beaucoup de vous.

Informations générales
  • PM_XIV_432
  • 0+578 a|DLXXVIII a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 432.
  • Orig.ms. ACR, AD 586; D'A., T.D. 20, pp. 23-26.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DETACHEMENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EGLISE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 FOI
    1 FORCES PHYSIQUES
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 ORAISON
    1 PENITENCES
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 SAINT-ESPRIT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    3 LAVAGNAC
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, 7 juillet 1848.
  • 7 jul 1848
  • Lavagnac
La lettre

Je n’ai pu vous écrire hier, ma chère fille, parce que je fis une imprudence. Après déjeuner, je crus pouvoir m’amuser dans le jardin à lever les vannes d’un canal. L’effort que je fis me fit trouver mal, et je fus plusieurs heures étendu sur mon lit ou sur mon fauteuil, incapable de quoi que ce soit. Cependant à quelque chose malheur est bon, car la sueur abondante qui en résulta m’a guéri ma douleur de côté. Et voilà vingt-quatre heures où je me sens faible, mais [où] je ne souffre plus. Ce bulletin donné comme excuse, je réponds [à] votre lettre.

Vous voudriez un moyen d’aller à Dieu sans l’aimer. Je vois bien des choses dans cette disposition. D’abord un puissant motif de vous humilier, puisque vous en seriez venue au point de désirer ne plus aimer Dieu. Et, en effet, vous ne devez plus l’aimer comme vous l’avez aimé autrefois, c’est-à- dire beaucoup trop pour vous et pas assez pour lui. Il y a dans les progrès de l’amour divin une foule de nuances qui se forment des diverses imperfections, dont cet amour veut se dépouiller. Ne vous faites pas illusion, vous êtes bien grossière en fait d’amour de Dieu, et comme cependant Notre-Seigneur est jaloux de votre âme, il vous tourmente par les moyens qu’il sait, afin que vous vous rendiez à lui. C’est ce que vous ne voulez pas, parce que vous tenez à marcher avec votre sagesse et avec votre coeur, tandis qu’il veut que vous aimiez avec son coeur et que vous pensiez avec sa sagesse. Acceptez donc avant tout de n’y rien comprendre et commencez à bâtir ainsi sur la foi; faites beaucoup d’actes de foi, multipliez-les d’autant plus que vous serez plus aride.

Ne vous inquiétez pas trop de l’effet de vos dispositions sur vos Soeurs. Si le Saint-Esprit agit dans votre âme, le mal que vous croyez leur faire se tournera en bien; mais l’essentiel c’est de faire un absolu et généreux sacrifice et de votre puissance de comprendre et de votre puissance d’aimer à votre façon,pour vous mettre à comprendre et à aimer à la manière de Jésus-Christ. Ceci ne vient pas du premier coup, et, même avec la plus grande générosité, ce ne sera que bien tard [que] vous en ressentirez tous les développements dans votre âme. Mais que vous avez à travailler avant d’en être là ! Si vous étiez une enfant, je craindrais de vous décourager en vous montrant le but si loin, mais je vous avoue qu’il m’est impossible d’avoir cette crainte. L’essentiel est que vous ne perdiez plus de temps et que vous avanciez.

Comme vous le dites si bien, votre état extérieur peut puissamment contribuer à aider votre âme dans ce travail si dur et si douloureux; la régularité, la pratique des humiliations y contribueront, j’en suis sûr. Priez Soeur Thé[rèse]-Em[manuel] de vous traiter quelquefois comme une de ses novices, mais bien entendu entre elle et vous seulement. Quant à vos Soeurs, je crois que l’exemple de quelques actes d’humilité et de mortification, si votre santé vous le permet, leur ferait un grand bien, car vous avez leurs âmes à porter devant Dieu.

Dans vos entretiens avec elles, parlez souvent des maux de l’Eglise, de l’esprit de douleur où il faut entrer pour participer à la situation de l’épouse du Sauveur. Que de pénitences ne s’offrent pas en ce moment dans une foule de communautés ! Ce qui ne se peut faire de ce côté dans la vôtre ne peut-il pas être remplacé par des prières et par des pratiques d’humilité ? Comment combattre le démon de l’orgueil sinon par l’humilité ? Et quand ce démon a-t-il eu plus de puissance contre l’Eglise ? J’ai, du reste, beaucoup aimé le sentiment d’amour filial pour cette Mère trop peu respectée, qui perçait dans plusieurs de vos dernières lettres.

J’en reviens à ce que je vous ai dit dans le temps pour l’oraison. Je tiens plus que jamais à ce que chaque jour vous ayez à vous une heure pour prier ou pour lire en forme de prière. J’y tiens excessivement, et, sans vous en faire une obligation sous peine de péché, j’y mets toute mon autorité sur vous.

Ayez la bonté de me faire au plus tôt un rendement de compte. Si vous me l’envoyez quarante-huit heures après avoir reçu cette lettre, adressez-le ici; je pourrais y répondre avec plus de loisir.

Vous me dites à la fin de votre lettre de bien bonnes choses. Je ne suis pas fait pour y répondre maintenant. Ne vous fâchez pas de ce mot. Je tâcherai de vous écrire sous peu et de vous parler de moi. Tout ce que je puis vous dire, c’est que je sens mon âme aller vers la vôtre avec une étonnante ardeur pour lui faire du bien. Je compte aussi en recevoir beaucoup de vous, quand vous serez aussi sainte que je le demande à Dieu.

Tout à vous, ma fille, du fond du coeur.

Dites donc à vos filles que Dieu attend qu’elles soient des séraphins pour en faire des instruments de conversion, dont nous avons si fort besoin. Si elles veulent être réellement envoyées par lui, il faut qu’elles se revêtent de la vie des anges. Je prie beaucoup pour elles, et de tout mon coeur. E.D’ALZON.

Notes et post-scriptum