Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 444.

18 aug 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Je vais prier Dieu de vous rendre la santé du corps en commençant par ressusciter l’âme – Examinez aux pieds de N.-S. si vous pouvez faire par amour ce que je vous demande – Nîmes ou Paris ? – Les légitimistes et la maison de l’Assomption – A propos de diverses personnes.

Informations générales
  • PM_XIV_444
  • 0+583 b|DLXXXIII b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 444.
  • Orig.ms. ACR, AD 594; D'A., T.D. 20, pp. 34-36.
Informations détaillées
  • 1 CURES D'EAUX
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 GUERISON
    1 OUBLI DE SOI
    1 PROVIDENCE
    1 SANTE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CADET
    2 GAUME, JEAN-ALEXIS
    2 LAINE, ABBE
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 SIBOUR, LEON-FRANCOIS
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 VALBONNE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 18 août 1848.
  • 18 aug 1848
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Je rentrais pour vous écrire, ma chère fille, au moment où j’ai trouvé votre lettre. Que je suis donc peiné de vous savoir toute souffrante ! La lettre de M. Gaume est peu encourageante, en effet. Mais que voulez-vous ? Si réellement vous avez besoin de bains, il me semble que vous devez prendre l’avis de M. Sibour pour quelque chose, à moins que vous ne voulussiez vous jeter entièrement entre les mains de la Providence, qui fera de vous ce qu’elle jugera à propos. Je pense que votre découragement moral dépend beaucoup de votre santé, comme aussi je suis très convaincu que, plus généreuse envers Dieu, vous iriez sûrement bien mieux pour tout le reste. Aussi vais-je prier Dieu de vous rendre la santé du corps en commençant par ressusciter votre âme.

Du reste, votre lettre dans sa tristesse est une de celles, où chacune de vos paroles a le mieux fait vibrer quelque touche de mon âme. Je m’étais bien aperçu que vous ne m’écriviez plus et j’allais m’en plaindre, (voyez si je suis exigeant, quand je vous écris si peu,) mais je n’en ai pas le courage, puisque vous souffrez tant.

Dans les vingt-quatre heures qui suivront la réception de cette lettre, vous vous arrangerez, si vous n’êtes pas malade à garder le lit, pour passer une heure à la chapelle, et vous y réfléchirez aux pieds de Notre-Seigneur pour voir si vous êtes capable d’accomplir, avec un sentiment d’amour pour lui, les ordres que je vous ai donnés dans mes lettres précédentes. Si vous croyez pouvoir lui promettre que votre amour pour lui vous soutiendra malgré vos répugnances, vous continuerez à les observer avec scrupule; mais si vous vous sentez tellement abattue que ce sentiment ne puisse venir dans votre coeur, ne faites que ce que vous pourrez sans trop de fatigue. Autant ce que je vous demande vous sera bon, si vous le faites avec amour, autant vous en souffririez s’il vous est impossible de l’accomplir autrement que par contrainte. Me suis-je bien expliqué ?

Je pars lundi pour ma retraite. Je serai de retour dans quinze jours. Je demanderai à Dieu si je dois vous aller voir sur-le-champ ou s’il ne vaudrait pas mieux que j’attendisse vers le mois de décembre, quand M. Sibour y sera.

Ce que vous me dites du peu de sujets que je trouverai ici est très vrai, mais je suis retenu par un lien un peu dur : c’est mon état pécuniaire. En quittant Nîmes, je perds 150.000 francs. C’est clair comme 2 et 2 font 4. Si j’étais le maître de ma fortune, il n’y aurait rien à dire; mais avec mes parents je ne le puis guère. Et puis dois-je sacrifier la maison d’ici, le certain pour l’incertain ? Toutefois j’ai commencé à laisser pressentir la possibilité de ma retraite. Voici comment.

Les légitimistes vont m’enlever un certain nombre d’enfants, à cause de la position un peu républicaine que j’ai prise. Un m’a fait d’étonnantes menaces sur ce point. J’ai répondu sans hésiter que résolu à ne plus faire d’inutiles sacrifices, si le nombre d’élèves n’était pas cette année supérieur à celui de l’année qui finit, j’allais fermer la maison. On a prétendu que je ferais un coup de tête. A quoi j’ai répliqué que j’étais si peu disposé à le faire qu’en partant je convoquerais les pères de famille, et que je leur proposerais de prendre la maison à leur compte, que seulement j’ emmènerais les professeurs galeux comme moi.

20 août.

Depuis deux jours, je n’ai pu finir ma phrase. Je voulais vous dire que ma déclaration avait produit un assez grand effet. Il n’en est pas moins vrai que probablement je subirai l’influence de la République et que j’aurai moins d’élèves. Je vais bien prier pour vous pendant ces huit jours. Il me semble que nous obtiendrons quelque chose de Dieu.

J’ai une foule de choses à vous dire, mais les mille dérangements d’une fin d’année m’absorbent. Je tâcherai de vous écrire de Valbonne. Quant à vous, veuillez ne pas m’écrire avant le 1er septembre. Je serai ici le 3 ou le 4, ainsi je serai enchanté de trouver une lettre de vous, de jeudi en huit, – car je me perds dans les quantièmes et je suis sûr des jours de la semaine. Je vous plains bien des ennuis que vous causent Soeur M.-Aug[ustine] et Soeur M.-Gonz[ague]. Je sais ce que sont des gens qui perdent l’esprit religieux. Pourriez-vous savoir par l’abbé Laine, du clergé de Saint-Thomas d’Aquin, si un M. Cadet, jeune homme très distingué, voudrait venir ici ? La question du plein exercice me préoccupe également.

Adieu, ma fille. Tout vôtre en Notre-Seigneur. Je décachète la lettre ci-jointe uniquement pour mieux la plier.

Notes et post-scriptum