- PM_XIV_447
- 0+583 d|DLXXXIII d
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 447.
- Orig.ms. ACR, AD 595; D'A., T.D. 20, pp. 37-40.
- 1 ABAISSEMENT
1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 COLLEGE DE NIMES
1 EMBARRAS FINANCIERS
1 HUMILITE
1 MAUX PRESENTS
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 ORAISON
1 PAIX DE L'AME
1 POLITIQUE
1 SAINT-ESPRIT
1 SANTE
1 SYMPTOMES
1 TRISTESSE
1 VERTU DE PAUVRETE
2 BEVIER, EMILE
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 BUCHEZ, PHILIPPE
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 CHAUVELY, MARIE
2 ESGRIGNY, MADEMOISELLE D'
2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
2 PATY, ISIDORE DE
2 SIBOUR, LEON-FRANCOIS
2 VALFONS, MADAME DE
3 NIMES
3 PARIS
3 PONT-SAINT-ESPRIT
3 VALBONNE - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 3 sept[embre] 1848.
- 3 sep 1848
- Nîmes
- Maison de l'Assomption
- *Monsieur*
*Monsieur de Paty sous-chef*
*à l'administration centrale des Postes*
*Paris.*
Ma chère enfant,
Je suis de retour de Valbonne depuis avant-hier et je n’ai pu vous répondre, à cause d’un mal aux dents que m’a causé l’attente du bâteau à vapeur que je voulais prendre au Pont-Saint-Esprit, et qui m’a fait rester de 11 h. à 3 h. sur le quai, sans que je pusse savoir s’il viendrait ou ne viendrait pas. Voilà donc ma retraite finie et je remercie Dieu de me l’avoir fait faire ainsi; mais je vais d’abord répondre à vos deux lettres, puis je vous parlerai de moi.
Les détails que vous me donnez sur Soeur M.-Em[manuel] m’intéressent plus qu’ils n’intéresseront sa famille, à l’exception de son frère Emile qui réellement a du coeur. Je regrette bien que vous n’alliez pas, vous aussi, aux eaux. Décidément je transmets toute autorité à Soeur Th[érèse]-Em[manuel] pour ce qui concerne votre santé, et je ne prétends rien vous commander de ce qu’elle désapprouvera comme pouvant vous nuire au point de vue physique.
J’entre tout à fait dans votre impression de tristesse, je l’éprouve moi-même si fort. Mais il me semble qu’il n’y a pas de meilleur état pour dire avec le coeur le plus filial : Fiat voluntas tua ! Je crois bien qu’il y a dans votre maison comme dans la mienne bien des choses, dont Dieu doit être mécontent. Mais qu’en conclure ? Qu’il faut se mettre au plus tôt à le contenter autant qu’il dépendra de nous.
Remarquez que les embarras matériels semblent être un obstacle à aller à Dieu, si l’on se raidit; ils sont un des meilleurs moyens de se rapprocher de lui, pour peu qu’on s’assouplisse. Quand une supérieure peut-elle mieux pratiquer la pauvreté qu’en se sentant pauvre ? Le Fils de l’homme n’avait pas où reposer sa tête; il y avait là aussi de la pauvreté. Nous en dirons avec plus de ferveur : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Mais, je vous le répète, il faut bien s’abaisser pour trouver au fond de l’humiliation la paix la plus intime. Moi qui vous la prêche, je ne l’ai pas toujours. Me voilà avec 29.000 francs à payer sans que je sache où trouver un sou. Enfin, j’espère que Dieu ne m’abandonnera pas, à moins qu’il ne veuille la dissolution de la maison, et il n’y aura plus qu’à accepter l’humiliation de la chute et une perte d’environ 150.000 francs.
De votre côté ce serait, je le présume, quelque chose de semblable. Nous sommes donc dans la même situation. Que faire, sinon nous en tirer comme les saints, en baisant la main de Dieu et en nous laissant broyer par elle, s’il le faut. Dieu saura bien tirer le bien du mal, pourvu que nous le laissions faire. Lorsque vous éprouvez trop fortement le sentiment de rupture dont vous me parlez, lisez le Psaume XXI et le XXXVIIe. Le Saint-Esprit a des paroles pour ces sortes d’état.
J’ai la confiance que Soeur M.-Aug[ustine] reviendra. Mais vous savez combien de personnes ont quitté leur communauté après le 24 février. Ces ébranlements sont utiles pour secouer les mauvais fruits. Ce que vous ajoutez sur les menaces de troubles à Paris ne m’étonne pas. Une foule d’ouvriers quittent les départements, disant qu’ils vont tenter un dernier coup. Vous pouvez donner ce renseignement à Buchez comme très positif. Mais, somme toute, ne croyez-vous pas que vous et moi nous avons fait un peu trop de politique? Moi plus que vous, et je dis le plus gros Mea culpa. Vous aussi, ne vous y êtes-vous pas laissée un peu trop aller ? Est-ce là ce qui nous convient ? Je fais des expériences tous les jours, et je pense qu’il vaudrait peut-être mieux nous occuper de nos affaires et dire : Quid mihi de his quae foris sunt judicare?
Ne vous effrayez pas de vos lamentations, je les aime bien. Me les faisant, elles vous soulagent. Je trouve au fond de mon âme tant de chansons sur cet air que je ne sais que vous dire, sinon que je suis désireux de porter vos peines et les miennes, si en vous en débarrassant je dois vous faire avancer dans la perfection.
Mlle d’Esgrigny m’a aussi écrit, et dans le même sens qu’à vous. Si elle vous vient, elle pourra en effet servir à avancer la cause de Dieu par votre oeuvre. Si c’est pour cela, il faut l’accepter avec joie. Je vais m’enfermer dans une maison, en face de l’Assomption, de manière à être dans l’établissement à chaque instant du jour, si c’est nécessaire. Ceux qui viendront avec moi devront bien s’occuper encore un peu de la maison, mais le moins possible. Je vais prendre des renseignements sur les dames Carbonnel. Mais comme elles sont brouillées à tout jamais avec Mme de Valfons et très en froid avec Chauvély, je ne sais comment arriver jusqu’à elles. Je passe à votre lettre du 27.
Je maintiens pour votre santé ce que je vous ai dit plus haut. Quelquefois vous me donnez sur ce chapitre des terreurs que je tâche de repousser, craignant d’y trouver le germe d’une amitié trop humaine, puisque je dois vouloir même que vous me soyez ôtée. Mais vous comprenez aussi que je ne dois pas faire si fort le sacrifice de votre envelopppe, sous le prétexte de ne voir en vous qu’une âme à sanctifier. Vous voudrez donc bien obéir à Soeur Th[érèse]-Em[manuel] pour ce qui concerne votre santé.
Comment dois-je m’y prendre pour vous faire observer cette heure de recueillement, à laquelle je tiens ? Si vous l’imposer par obéissance vous préoccupe trop, prenez-la du moins comme une volonté très positive, toutes les fois qu’il vous sera possible de la passer comme je le désire.
Je vous laisse carte blanche au sujet du confesseur que vous voudriez voir tous les quinze jours. Quant à M. Gabriel, vous savez qu’il aura le premier canonicat vacant. Il m’a déclaré qu’il ne pourrait pas être votre aumônier, mais qu’il serait toujours votre directeur. Entre nous, M. Sibour en est déjà fatigué et ne veut pas lui donner de place dans son administration. Je sais cela par M. Goubier, à qui M. Sibour l’a écrit. M. Gabriel écarté de l’administration ne taxera-t-il pas M. Sibour d’ingratitude ? Enfin profitez du renseignement.
Je souffre de vous voir ainsi en crainte avec Notre-Seigneur. Je dois vous avouer que l’humilité me paraît le seul moyen de vous dilater. J’ai bien prié pour vous pendant ma retraite, et tout ce qui m’en est revenu, c’est l’impression que vous n’étiez pas assez humble et que je devais vous pousser le plus possible à l’abaissement et à l’humilité. Tout le fruit de ma retraite se trouve dans un passage de saint François de Sales sur la simplicité; il faut le lire dans ses Entretiens, là où il est dit que le meilleur moyen d’apprendre à aimer Dieu c’est de l’aimer de tout son coeur.
Je vous laisse pour aujourd’hui. Le temps me manque, à demain.