Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 450.

9 sep 1848 Marseille DEMIANS_AUGUSTE

La situation politique et sociale à Nîmes : nous sommes devenus des lépreux – Nous devons cependant maintenir la position – La *Gazette* veut vous isoler de vos collègues – La démocratie moins son despotisme – Le fardeau financier de la *Liberté pour tous* – Un nouveau procureur général ?

Informations générales
  • PM_XIV_450
  • 0+584 b|DLXXXIV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 450.
  • Cop.ms. du P. Vailhé, "d'après l'orig. présenté à la postulation," ACR, AQ 99.
Informations détaillées
  • 1 CITE
    1 DEMOCRATIE
    1 DESPOTISME
    1 ELECTION
    1 PEUPLE
    1 POLITIQUE
    2 CHAPOT
    2 COMBIE
    2 LA BRUGUIERE, DE
    2 ROUX-CARBONNEL
    2 THOUREL, ANDRE
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
  • A MONSIEUR DEMIANS, REPRESENTANT DU GARD
  • DEMIANS_AUGUSTE
  • Marseille, 9 sept[embre] 1848.
  • 9 sep 1848
  • Marseille
La lettre

Mon bien cher ami,

Je vous écris de Marseille, où une affaire m’a appelé depuis hier soir, et je profite de quelques moments de loisir pour vous soumettre quelques observations sur la situation actuelle de Nîmes. D’abord, il ne faut pas se le dissimuler : vous, moi et tous ceux qui ont suivi notre ligne, sommes pour le moment des lépreux dont il est plus que dangereux d’approcher. Nous ne sommes pas bons à donner aux chiens. Votre lettre a produit le même effet que mon article sur les élections municipales. En un mot, si pour le moment il y avait de nouvelles élections à l’assemblée, vous seriez bien sûr de n’être pas nommé, pas plus que MM. Roux-Carbonnel, de la Bruguière et Chapot. Mais cette disposition des esprits durera-t-elle ? Je ne le pense pas. En voici la raison. Le peuple commence à murmurer contre le conseil municipal; ce sera bien pire dans quelque temps. Aujourd’hui, c’est la faim des places qui les fait hurler de ce que tous les protestants ne sont pas expulsés. Que sera-ce quand l’hiver arrivera, si réellement il est aussi triste que tout semble le présager ? Le meilleur, ce me semble, est de laisser passer cette bourrasque, après laquelle il sera peut-être possible de voir clair et de faire repentir certains hommes de leurs dispositions peu bienveillantes.

Quoi qu’il en soit de l’avenir de votre popularité, il importe, ce me semble, de bien établir que nous ne reculerons pas devant les conséquences de la position; car c’est le meilleur moyen de faire respecter et de finir par l’emporter, si l’on a à faire à des gens capables de comprendre ce qu’il y a de droit dans nos intentions. Vous avez remarqué la perfidie de l’article de la Gazette du B[as-] L[anguedoc], en réponse à votre lettre : on n’attaque que vous. On vous isole de vos collègues, afin d’avoir plus facilement bon marché de votre influence. Je crains bien que le coup ne porte plus loin qu’ils ne pensent; car enfin en protestant comme vous l’avez fait, vous avez signalé l’abus d’un principe, tandis qu’eux ne veulent pas du principe et ils en acceptent l’abus. Vous voulez de la démocratie, moins son despotisme, et eux qui crient contre la démocratie triomphent en se courbant sous le despotisme des masses. On comprend tout d’abord comment en appuyant leur influence actuelle sur une pareille contradiction, ils se feront nécessairement avant peu une position de plus en plus fausse.

Je veux vous parler encore de la Liberté pour tous. Je prends seul la responsabilité des dépenses qu’elle a faites, jusqu’au 1er octobre prochain, ce qui, sans parler des 400 francs que vous avez donnés, s’élèvera à près de 3.000 francs. Mais je ne puis continuer une pareille dépense qui semble ne guère être prête à diminuer. Je vais demander au comité ce qu’il compte faire. Je consens bien, pour ma part, à contribuer d’une manière notable aux frais de cette feuille, mais je ne puis accepter le fardeau tout entier. Voyez ce que vous seriez dans l’intention de faire. Pour mon compte, je regretterais que cette pauvre feuille vînt à tomber, mais je ne puis plus la soutenir par d’aussi grands sacrifices.

Est-il vrai que M. Combié ne soit plus procureur g[énér]al et que l’on mette à la place M. Thourel ? Ce dernier y visait depuis quelque temps. On voit que pour le quart d’heure il cherche singulièrement à ménager la chèvre et le chou.

Adieu, mon cher ami. Le temps me manque pour être plus long. Soignez votre santé qui vous sera longtemps nécessaire et croyez-moi tout vôtre avec un entier dévouement.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum